04 // FRANCE Mercredi 11 septembre 2019 Les Echos
RetrouvezNicolas Barrédans
lejournalde7hpour«L’ éditoéco»
dansle6h-9hdeMatthieuBelliard
d’impôts aux non-résidents, qui n’y
ont pas accès pour l’instant? C’e st
ce sujet que les députés vont pous-
ser auprès de Bercy, qui risque tou-
tefois d’opposer que certains non-
résidents ont déjà été avantagés par
la suppression, l’an dernier, des pré-
lèvements sociaux sur les revenus
fonciers.
Une position de compromis
pourrait se dégager autour d’un
moratoire d’un an, le temps de
mieux évaluer l’impact de cette
réforme.n
Ingrid Feuerstein
@In_Feuerstein
C’est un fonctionnaire français, rési-
dent en Belgique mais travaillant en
France, dont l’impôt serait multiplié
par deux en 2020. Pour son collègue
habitué de la navette Bruxelles-
Lille, dont le conjoint dispose de
confortables revenus en Belgique,
la facture fiscale serait triplée.
Quant à ce couple de retraités, rési-
dents en Amérique du Nord, mais
percevant une pension française,
son imposition pourrait enfler de
plus de 60 %... Depuis la refonte de
la fiscalité des non-résidents dans la
dernière loi de finances, les Français
de l’étranger ont sorti leur calcula-
trice. Les nouvelles règles, qui
devraient entrer en vigueur en
2020, s’avéreraient très défavora-
bles pour certains d’entre eux.
Une nouvelle bombe fiscale pour
le gouvernement? Ce n’était pas la
logique initiale de cette réforme,
présentée l’an dernier comme une
mesure de justice et de simplifi-
cation. « Le principe, c’est de faire
converger l’imposition des non-rési-
dents sur celle des résidents français,
explique Anne Genetet (LREM),
députée des Français de l’étranger,
à l’origine des amendements
qui ont mis le feu aux poudres.
Aujourd’hui, les règles pour les non-
résidents sont d’une telle complexité
que les services fiscaux sont submer-
gés par les appels. » S auf que les nou-
velles règles créent des effets de
bord mal mesurés lors du vote à
l’Assemblée, faute d’étude d’impact
détaillée.
Pour bien comprendre, il faut
savoir que salaires et p ensions fran-
çais des non-résidents sont, à
l’heure actuelle, frappés par une
retenue à la source, dont le barème
est, jusqu’à 43.000 euros de revenus
FISCALITÉ
L’alignement de
la fiscalité des non-
résidents sur celle
des résidents français,
voulue par le gouver-
nement, se traduit par
des effets collatéraux
mal anticipés.
L’ imposition des Français de l’étranger,
la nouvelle bombe fiscale à retardement
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annuels, souvent plus avantageux
que le barème de l’impôt des rési-
dents français (lire ci-contre).
A compter de 2020, cette retenue
à la source serait supprimée. Au
lieu de cela, les revenus de source
française seraient taxés à 20 % dès
le premier euro, puis à 30 % au-delà
de 27.520 euros de revenus annuels.
Les contribuables qui le souhaitent
pourraient opter pour une imposi-
tion au « taux moyen ». Ce taux
serait calculé sur la base des reve-
nus mondiaux. Ils devront donc
déclarer l’ensemble de leurs reve-
nus. « L’avantage du taux moyen est
qu’il permet d’appliquer un barème
progressif et de prendre en compte la
situation familiale », explique Anne
Genetet.
Impôts multipliés
par deux ou par trois
Sauf que certains foyers pourraient
se retrouver très pénalisés, même
s’ils optent pour le taux moyen. En
première ligne : ceux qui n’ont pas
ou plus de charges de famille,
comme des retraités résidents à
l’étranger ou de jeunes travailleurs
frontaliers. « Certains d’entre nous
vont voir leurs impôts multipliés par
deux ou par trois. Cela va mettre en
grande difficulté des familles sur leur
projet de vie », témoigne Julien Kou-
nowski, représentant des « navet-
teurs » entre Bruxelles et Lille.
« J’entends que cela puisse pertur-
ber certains équilibres familiaux
et nous sommes ouverts à des ajus-
tements », réagit Anne Genetet, face
à cette bronca. Pieyre-Alexandre
Anglade (LREM), député représen-
tant les Français du Benelux, recon-
naît que « la réforme n’est pas ache-
vée » et prévoit d’y revenir lors des
débats budgétaires de cet automne.
« Si l’objectif du gouvernement
est bien d’aligner la fiscalité des non-
résidents sur celle des résidents, il
faut aller au bout de cette logique
dans le projet de loi de finances
2020 », r enchérit Magda Yasumoto,
avocate associée du cabinet
Deloitte Taj. Et pourquoi pas ouvrir
davantage de crédits et réductions
La refonte de la fiscalité des non-résidents, défendue par la députée Anne Genetet, crée des effets de bord mal mesurés. Photo Sipa
Une mécanique
complexe
Les salaires et pensions
de source française perçus par
les non-résidents sont taxés
selon des règles complexes.
A l’heure actuelle, ces revenus
sont frappés d’une retenue
à la source (de 0 % jusqu’à
- 83 9 euros, de 12 % entre
- 83 9 et 43 .047 euros et de
20 % au-delà). Pour les revenus
supérieurs à 43 .047 euros, les
contribuables doivent ensuite
s’acquitter du reliquat d’impôt
sur le revenu calculé selon
le barème progressif
des résidents (avec ses
tranches à 30 %, 41 %, 45 %).
Le foyer établi à l’étranger
peut demander l’application
d’un taux moyen, si l’ensemble
de ses revenus mondiaux
le place dans une tranche
d’imposition inférieure à 20 %.
Cette démarche est souvent
source de contentieux avec
l’administration.
Marie-Christine Corbier
@mccorbier
« On a le sentiment d’être freinés dans
notre élan », lançait Christel Bériot,
lundi, lors d’un colloque au Sénat
sur le mécénat. Pour la directrice
générale de l’université Cergy-Pon-
toise c omme p our les autres respon-
sables de fondations universitaires,
les nouvelles règles à venir en
matière de mécénat sont une vraie
source d’« inquiétude ». Dans une
interview aux « Echos », Gabriel
Attal avait annoncé fin août que le
taux de défiscalisation pour les dons
supérieurs à 2 millions d’euros allait
être revu à la baisse, de 60 à 40 %.
« Ces annonces ont ému large-
ment nos communautés » universi-
taires, affirme Gilles Roussel, à la
tête de la Conférence des présidents
d’université (CPU). Selon une étude
de la CPU, les trois quarts des uni-
versités (52 sur 74) disposent d’une
fondation. Depuis leur création, les
dons collectés au titre du mécénat
l’ont été, à 87 %, a uprès d es entrepri-
ses. Parmi ces dons, 36 % viennent
des grandes entreprises cotées.
A quoi sert cet argent? « A finan-
cer d es bourses au mérite et à la mobi-
lité internationale, des programmes
d’égalité des chances, des projets de
recherche, des épiceries solidaires,
voire à rénover le patrimoine », liste
Sophie Rieunier, professeure des
universités à Paris-Est Marne-la-
Vallée et auteure de l’étude.
« Les entreprises donneront
moins, prédit Laurent Batsch, prési-
dent de la fondation Paris-Dau-
phine. Au moment où des relations
très fécondes se développent, cette
limite de 2 millions d’euros est
comme un carton jaune, on leur
demande de ne pas aller trop loin. »
Barthélémy Jobert, président de la
fondation Sorbonne Université,
juge « déplorable cette stigmatisa-
tion a priori du don », « les consé-
quences seront graves », estime-t-il.
Les grandes écoles sont sur la
même ligne. « On dit en quelque
sorte aux entreprises qu’au-delà de
2 millions de dons, elles sont coupa-
bles et dans le délit! déplore Lionel
Zinsou, p résident de la fondation de
en train de renégocier ses contrats
pluriannuels avec ses mécènes.
La France déjà « en retard »
« Le gouvernement se tire une balle
dans le pied, estime Sophie Rieu-
nier, car si les entreprises se désenga-
gent et qu’une bibliothèque ne peut
être rénovée par le mécénat, l’argent
devra venir à 100 % de l’Etat. » Les
chaires permettent « de faire venir
des chercheurs étrangers qui sont
payés quatre f ois plus qu’en France »,
glisse aussi Lionel Zinsou, qui rap-
pelle les dotations de Harvard ou
Stanford dont les montants
oscillent entre 20 et 40 milliards de
dollars. La France est déjà « très en
retard », insiste aussi Benoît Legait,
à la tête de l a fondation Mines Paris-
Tech : « Le mécénat est un des vec-
teurs pour renforcer les liens entre
l’enseignement supérieur et les e ntre-
prises. Or, ces relations sont, en
France, parmi les moins actives. R ap-
portées au PIB, elles sont trois fois en
dessous de l’Allemagne et deux fois
en dessous de la Grande-Bretagne. »
Les universités et grandes écoles
ne désespèrent pas d’obtenir des
aménagements à la réforme lors de
l’examen parlementaire du budget
2020 à l’automne. « Les nouvelles
règles ne peuvent pas rester en
l’état », assure Lionel Zinsou.n
ENSEIGNEMENT
L’ inquiétude monte
face aux règles fiscales
à venir en matière
de mécénat.
Mécénat : universités et grandes écoles
vent debout contre la réforme
l’Ecole normale supérieure. Cela va
nous faire beaucoup d e mal e t va con-
tre le sens de l’histoire. »
Dans ses annonces, Gabriel Attal
affirmait pourtant avoir « con-
fiance » dans la capacité des entre-
prises à « maintenir leurs dons ». Le
message du gouvernement est
« contradictoire », conteste Philippe
d’Ornano, cofondateur du Club
mécénat des entreprises de taille
intermédiaire. « Soit on considère
que ces dispositifs créent du lien, soit
qu’ils coûtent, et alors il faut carré-
ment arrêter, complète-t-il, mais on
ne peut pas tenir deux discours, cela
risque de briser l’élan. » « S’il n’y a
pas d’incitation fiscale, il ne se pas-
sera pas grand-chose », abonde
Christian Mouillon, président de la
fondation ESCP Europe. « L’impact
est déjà sensible », affirme même le
responsable d’une fondation qui est
« Cela va nous faire
beaucoup de mal
et va contre le sens
de l’histoire. »
LIONEL ZINSOU
Président de la fondation
de l’Ecole normale supérieure