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MARDI 3 SEPTEMBRE 2019 france| 11
REPORTAGE
lille correspondance
T
ous au pied du beffroi,
mais combien en capa
cité de s’en emparer? En
ce weekend de braderie
de Lille, les stands des partis poli
tiques installés autour de la porte
de Paris, dans le centreville lil
lois, avaient des allures de camps
d’attaque. La France insoumise
(LFI), Europe EcologieLes Verts
(EELV), La République en marche
(LRM), Les Républicains (LR)...
tous avaient le regard tourné vers
cette mairie, prêts pour l’assaut
des municipales de mars 2020,
avec un objectif commun : mettre
fin au règne de Martine Aubry.
La maire de Lille attend la fin du
mois de septembre pour annon
cer, ou non, sa candidature aux
élections municipales. Difficile
d’imaginer qu’elle ne se représen
tera pas pour un quatrième man
dat. Si Pierre Mauroy avait assuré
sa succession en amenant la
Dame des 35 heures à Lille dès
1995, elle n’a aujourd’hui pas de
dauphin. Entre le refus de l’an
cienne députée Audrey Linken
held de prendre la relève, le para
chutage raté de l’ancien ministre
de la ville François Lamy – défait
aux législatives face à l’« insou
mis » Adrien Quatennens −, et le
décès du premier adjoint Pierre
de Saintignon, proche de Martine
Aubry, impossible pour elle de ne
pas repartir au combat.
« On a besoin de rire »
Mais en ce samedi de braderie,
pas question de parler politique. A
69 ans, la voici bras dessus, bras
dessous avec PierreAmbroise
Bosse, champion du monde du
800 mètres et membre de Lille
Métropole Athlétisme. Aubry se
marre. « Ici, on accueille la France
et l’Europe. J’ai la chance d’avoir
PierreAmbroise comme parrain
de la braderie 2019, un homme
dont j’apprécie les valeurs et l’hu
mour, or actuellement, on a besoin
de rire. Le soleil est là, que deman
der de plus? »
La patronne du beffroi donne le
tempo de la vie politique lilloise,
même si la ville socialiste n’a ja
mais été aussi proche de basculer.
« Il y a vraiment du danger, estime
le sénateur PS Patrick Kanner. On
est dans un climat anxiogène en
tre le dégagisme, les nombreuses
personnalités, comme Gilles Par
gneaux ou Frédéric Marchand, qui
ont rejoint la candidate En mar
che! dans le camp adverse, et une
possible alliance entre La France
insoumise et les Verts. »
Le sénateur PS devait rencontrer
Martine Aubry lundi pour repren
dre un dialogue interrompu il y a
cinq ans. La maire de Lille n’a ja
mais digéré son entrée au gouver
nement de François Hollande. Lui,
a lancé son collectif Ce sera Lille,
au cas où la sortante ne se présen
terait pas. « Je ne serai pas le Brutus
de la vie politique lilloise, ditil. J’ai
trop de respect pour la fonction
majorale, mais je ferai tout pour
que le beffroi reste à gauche. »
Les adversaires sont nombreux.
Et sous le soleil lillois, Martine
Aubry prend le temps de choisir
lesquels elle va saluer. Elle dé
marre son tour de braderie par le
stand de Génération.s, puis salue
les camarades du PCF, avant d’in
terrompre le débat organisé à LFI.
« Venez discuter avec nous »,
propose Julien Poix, pressenti
pour être le candidat lillois du
mouvement. « Pas aujourd’hui,
mais on discutera, répond poli
ment Martine Aubry. On a quand
même beaucoup de choses en
commun, enfin, j’ose espérer... »
Moins d’une heure plus tard, les
« insoumis » lancent les hostili
tés. « Ce beffroi est une maison
blindée de barons depuis des dé
cennies mais il faut que cela rede
vienne la maison des citoyens car
cela fait des années qu’on leur con
fisque la parole », juge Julien Poix.
Martine Aubry évite le stand
voisin, de LRM. La candidate dési
gnée par le parti présidentiel n’est
autre que son ancienne directrice
de cabinet, Violette Spillebout.
« Spillebout, qui doit beaucoup à
Aubry pour sa vie professionnelle
et privée, est le rassemblement
des contraires et du “tout sauf
Aubry” », insiste Patrick Kanner.
Lors de l’inauguration du local
de campagne de la candidate
macroniste dans le quartier de
Wazemmes, on croisait en effet
samedi aprèsmidi d’anciennes
figures socialistes du Nord,
comme Gilles Pargneaux ou Do
minique Bailly, des membres de
l’Union des démocrates et indé
pendants (UDI) comme le vice
président à la région Nicolas Le
bas, ou des Républicains. « C’est
du siphonnage, gronde le prési
dent du groupe socialiste du Sé
nat, Patrick Kanner. Peu importe
d’où viennent les gens, il faut qu’ils
fassent allégeance à Macron. Mais
attention : le grand écart finit par
faire mal aux adducteurs. »
« Une ville surbétonnée »
Violette Spillebout souhaite ras
sembler « tous les marcheurs et
bien audelà en dépassant les cli
vages ». Pari compliqué car la dé
putée LRM Valérie Petit, qui n’a
pas été investie, dénonce des
pressions et des intimidations au
sein de son mouvement et refuse
de la soutenir. Valérie Petit mar
chait donc aux côtés de Martine
Aubry samedi aprèsmidi. En
semble, elles sont même allées sa
luer un des deux candidats de la
droite Thierry Pauchet. Le cen
triste soutenu par le président du
conseil départemental du Nord,
JeanRené Lecerf, estime être le
candidat « légitime » à droite face
à l’ancien ministre MarcPhilippe
Daubresse. « La ville est sale et in
sécure, dénonce Thierry Pauchet.
Une grande partie des bâtiments
sont vétustes, les impôts sont trop
élevés. Il y a une situation d’essouf
flement après quasiment vingt ans
de pouvoir de Martine Aubry. On
s’essouffle, on se sclérose, on man
que d’idées. »
Essoufflée, Martine Aubry? Tou
jours accrochée au bras du jeune
athlète PierreAmbroise Bosse,
elle continue son tour de braderie.
Elle claque la bise aux écolos, ses
partenaires dans la majorité mu
nicipale. Leur stand est installé
« juste sous le beffroi, c’est un signe,
ditelle, mais choisi par moi ». His
toire de leur rappeler que leur très
bon score lillois aux européennes
(21,7 %, juste derrière LRM à 22 %)
ne lui fait pas peur. « Avec les Verts,
on se supporte, au sens anglais du
terme », insistetelle.
Ce thème de l’écologie risque
pourtant d’être pour elle la grosse
épine des municipales. Pour cette
braderie 2019, elle a beau annon
cer qu’il s’agit du « plus grand lieu
de recyclage, le plus ancien de no
tre pays », ça ne prend pas. Lille,
ville polluée, en manque d’espa
ces verts, s’est trouvé une ribam
belle de candidats concernés par
le réchauffement climatique. A la
braderie, c’est la foire aux slogans
écolos. « Faire respirer Lille », pour
LRM. « Lille étouffe », pour LR.
« Faire de Lille une ville respira
ble », pour EELV... Même le candi
dat LR MarcPhilippe Daubresse
dénonce « une ville surbétonnée »
et annonce son intention de « ren
dre la ville plus douce, apaisée, car
il faut que Lille respire ».
« C’est dans les villes que se joue
la bataille du climat, confirme la
députée EELV Karima Delli. On a
besoin de maires utiles, le temps
nous est compté. » Le candidat
EELV Stéphane Baly estime que
« Lille figure parmi les villes gagna
bles dans une coalition ». Il ajoute :
« La ville est asphyxiée, on doit al
ler plus vite et plus loin, et jusqu’ici
on a dû se battre avec le maire
pour arracher chaque action. »
Mais pas question pour eux de
renverser la table. Les Verts espè
rent bien être devant Martine
Aubry au soir du premier tour des
municipales. « Il est temps que la
ville devienne verte », insiste
Stéphane Baly.
laurie moniez
Martine
Aubry,
maire
de Lille,
et l’athlète
Pierre
Ambroise
Bosse, à
la braderie,
samedi
31 août.
PASCAL BONNIÈRE/
MAXPPP
Le candidat EELV
Stéphane Baly
estime que
« Lille figure
parmi les villes
gagnables dans
une coalition »
Municipales : à Lille, la citadelle
Martine Aubry menacée
Sans dauphin, mais concurrencée par les Verts, les « insoumis » et LRM,
la maire de la cité nordiste doit annoncer sa candidature fin septembre
Attaque à Villeurbanne :
un suspect en
« état psychotique »
Les éléments de personnalité de l’assaillant
semblent écarter la thèse d’une action
terroriste délibérée
lyon correspondant
U
n acte délirant, animé
d’un mysticisme con
fus. Les contours de l’at
taque qui a fait un mort et huit
blessés, samedi 31 août, sur l’es
planade de la gare routière Lau
rentBonnevay, à Villeurbanne
(Rhône), commencent à apparaî
tre. Un expert psychiatre a rendu
visite à l’auteur présumé, durant
sa garde à vue. Ses conclusions
font état d’un « état psychotique
envahissant », ainsi que d’un « dé
lire paranoïde à thématiques
multiples ». L’affaire n’a donc pas
été confiée aux services antiter
roristes.
L’individu n’a fait par t
d’aucune revendication. Ces élé
ments de personnalité semblent
écarter la thèse d’une action ter
roriste délibérée, laissant place à
l’hypothèse d’un comportement
de déséquilibré. Tout en infor
mant régulièrement le parquet
national antiterroriste, le par
quet de Lyon doit ouvrir lundi
2 septembre une information ju
diciaire pour « assassinat et ten
tatives d’assassinat ».
« Un comportement incohérent »
Dans ses propos confus, l’as
saillant a déclaré aux enquêteurs
de la brigade criminelle de la po
lice judiciaire de Lyon qu’il avait
entendu des voix qui « insul
taient Dieu », et qui lui donnaient
l’ordre « de tuer ». Il s’est alors
rendu vers la gare routière très
fréquentée, armé d’un couteau et
d’une broche à barbecue, frap
pant violemment les usagers qui
attendaient les bus. Il a aussi dit
qu’il avait cru reconnaître une
personne avec laquelle il s’était
fâché plusieurs années aupara
vant, en Angleterre. Vengeance,
mission religieuse, les « thémati
ques multiples » dont parle l’ex
pert ouvrent le débat sur le degré
de responsabilité pénale de
l’auteur présumé.
Il a été stoppé, raisonné et dé
sarmé par des passants et des
chauffeurs de bus, avant qu’il ne
parvienne à l’intérieur de la sta
tion de métro. « Une intervention
courageuse et maîtrisée », a salué
Nicolas Jacquet, procureur de la
République de Lyon, lors d’une
conférence de presse dimanche.
Un jeune homme de 19 ans, ori
ginaire de Savoie, qui se rendait à
un festival de musique dans
l’Ain, n’a pas survécu à l’agres
sion. Huit personnes ont été
blessées, trois gravement attein
tes, sans que leur pronostic vital
soit engagé.
Parmi la quarantaine de per
sonnes présentes au moment
des faits, plusieurs témoins di
rects ont évoqué « un comporte
ment incohérent et délirant », se
lon le procureur. Certains té
moins ont relevé des paroles à
connotation religieuse, comme :
« Ils ne lisent pas le Coran. »
La confusion s’étend à l’état ci
vil d’un homme au parcours mi
gratoire instable. Vraisemblable
ment d’origine afghane, il donne
des âges variables, de 27, 31 ou
33 ans. Les autorités n’ont pas de
certitude quant à son identité.
Sa signalisation a permis de re
tracer son parcours en pointillé.
Arrivé en France en 2009, il serait
ensuite passé en Italie, en Alle
magne et en Norvège, avant de
revenir dans la région lyonnaise
en 2016. Là, il a formulé une de
mande d’asile, avec titre de sé
jour provisoire, valable jusqu’au
31 janvier 2020.
« Un vagabond qui passe entre
les mailles », résume un policier
lyonnais. L’homme n’est pas
connu des fichiers antiterroris
tes, ni de ceux de droit commun.
La PJ a trouvé son domicile, dans
un foyer de VaulxenVelin, per
quisitionné dès samedi soir. Son
téléphone pourra fournir des in
dications potentiellement utiles
à l’enquête.
Aucun élément ne permet a
priori d’expliquer le passage à
l’acte meurtrier, à part cette sou
daine bouffée délirante, qui sem
ble aggravée par une consomma
tion de cannabis, confirmée par
des analyses toxicologiques. « Il a
reconnu les faits, sans souvenir
précis de leur déroulement », ré
sume Nicolas Jacquet.
richard schittly
Aucun élément
ne permet
a priori
d’expliquer le
passage à l’acte
meurtrier, à part
cette soudaine
bouffée délirante
DÈS LE 4 SEPTEMBRE
L’ ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMERAVEC MODÉRATION.
Année 2019 • LIDL RCS Strasbou
rg 343 262 622