2019-08-24_Famille_Chretienne

(Kiana) #1

L


a joie. J’ai bien peur que
le simple fait d’écrire dessus
la fasse disparaître, comme ces
mirages qui s’évaporent lorsque
l’on s’en rapproche. Si vous comptiez sur
ces quelques lignes pour savoir ce qu’elle
est, je crains, ô lecteur, que vous ne soyez
déçu. Ceux qui s’y sont frottés n’ont pas
forcément mieux réussi : Georges Bernanos
a écrit un roman qui s’appelle La Joie,
mais qui n’en déborde pas, bien
au contraire. Les filles de joie sont sans
doute celles qui jubilent le moins. Dans
sa Somme théologique, saint Thomas
d’Aquin l’aborde, sans dire ce qu’elle est.

LE CONTRAIRE DE L’IMPOSTURE
Insaisissable. « Enfermer la joie dans une
définition, la mettre dans une cage concep-
tuelle, ce serait se condamner soi-même
[...] à ne point entrer dans sa familiarité,
dans ses régions, dans son royaume »,
avançait le Frère François Cassingena-
Trévedy, bénédictin à Ligugé, dans une
causerie sur la joie prononcée en 2017.
Tenter de saisir la joie, c’est s’en éloigner.
C’est d’ailleurs le drame des nombreux
livres et magazines qui profitent de la
confusion entre joie, bonheur, plaisir,
confort. Pardon de peut-être gâcher
l’une ou l’autre de vos lectures d’été : il
n’existe pas de recette miracle pour
obtenir la joie. Tout au plus, connaît-on
le début du chemin.
« Qui cherche la vérité de l’homme doit
s’emparer de sa douleur », écrivait


  • encore une fois – Bernanos dans
    La Joie. « Le titre de ce livre est mystérieux,
    explique Sébastien Lapaque, spécialiste
    de l’écrivain, mais on peut le mettre en
    parallèle avec le roman le précédant,
    L’Imposture. La joie, c’est le contraire
    de l’imposture, c’est donc la vérité, même
    si cela passe par le martyre. »
    Faut-il souffrir pour être joyeux? Peut-
    être bien que oui. « La souffrance est [...]
    à la joie comme la faim est à la satiété »,
    écrivait Simone Weil, dans La Pesanteur
    et la Grâce. La joie est mystérieusement
    enlacée à la souffrance. L’une n’existerait
    pas sans l’autre. Et sans la joie, la souffrance
    n’aurait pas de sens. La vocation de la
    FINEARTIMAGESjoie est de tout emporter dans un élan
    -^ LEEMAGE


Phaeton (détail), par Marc Chagall,
1977, huile sur toile, 195 x 130 cm,
collection particulière, © Adagp, Paris, 2019.

28 • FAMILLECHRETIENNE.FR • N°2171 • SEMAINE DU 24 AU 30 AOÛT 2019

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