«
D
ebout sur la berge, Anthony regardait droit
devant lui. À l’aplomb du soleil, les eaux
du lac avaient des lourdeurs de pétrole... »
Août 1992. Dans une vallée perdue
de l’est de la France dévastée par la crise, deux adolescents
s’ennuient à mourir. Ils sont fils de prolos et, comme beaucoup
dans la région, ils tuent le temps à coups de petits délits,
de dope, de vitesse et de filles, en s’offrant des frissons
à bon marché. Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de lire
le dernier prix Goncourt, c’est le moment. Mais attention : ceci
n’est pas de la « feel good litterature » rassurante et consolante.
C’est même le contraire : d’un réalisme saisissant,
cette chronique de la France périphérique des années
quatre-vingt-dix donne par moments la chair de poule.
Derrière le roman d’apprentissage (ou plutôt de contre-
apprentissage), Nicolas Mathieu brosse le tableau
de « ce monde désindustrialisé » en pleine déliquescence ;
avec ses « bleds déchus » et ses « mômes sans rêve »,
ses familles éclatées, son chômage de masse et son économie
de la combine, ses paysages déglingués et sa jeunesse
désorientée : les bandes d’enfants tristes ont hélas essaimé
depuis. Annonciatrice des Gilets jaunes,
cette fresque sociale qui appelle la prière
(« Une telle misère doit un jour se réveiller
sur l’épaule du Christ », disait Bernanos)
fut à juste titre saluée par les meilleurs
critiques. g Diane Gautret
Roman
Les enfants tristes
HACQUARD ET LOISON
-^ OPALE
Nicolas Mathieu.
LECTURE DE VACANCES
«
J
ules Verne
a toujours été
mon grand homme »,
écrit Ghislain
de Diesbach. Nul n’était mieux
placé que ce biographe de Proust, de Chateaubriand,
de l’abbé Mugnier, pour écrire non pas une biographie,
mais une analyse thématique du monde vernien.
Grand connaisseur de Verne qu’il apprécie plus
que tout, il a relu toute son œuvre (cent livres !),
dont il souligne qu’elle est très inégale : l’écrivain
a donné le meilleur de lui-même durant les vingt
premières années de sa carrière, créant les person-
nages et les situations les plus extraordinaires.
Ce furent Cinq Semaines en ballon, Vingt Mille Lieues
sous les mers, L’Île mystérieuse, Michel Strogoff, etc.
Après, les muses l’ont un peu déserté.
Reste que ce génial auteur d’anticipation a créé un
genre nouveau, le roman scientifique, aussi captivant,
estime Ghislain de Diesbach, pour les jeunes lecteurs
que pour les adultes. Verne est un esprit universel
et, cela est moins connu, un philosophe amer et lucide,
peu optimiste sur le monde qui s’ouvre à lui.
« Cela sera peut-être une fort ennuyeuse époque
que celle où l’industrie absorbera tout à son profit!
écrivait-il. À force d’inventer des machines,
les hommes se feront dévorer par elles. » Bien vu... g
Charles-Henri d’Andigné
Essai
Jules Verne,
pour petits et grands
MARC SOYEZ
-^ ALAMO
Ghislain de Diesbach.
L’ÉTÉ AVEC UN CLASSIQUE
Jules Verne,
politiquement incorrect?
par Ghislain de Diesbach ,
Via Romana, 319 p, 20 €.
Leurs enfants après eux
par Nicolas Mathieu ,
Actes Sud, 426 p., 21,90 €.
32 • FAMILLECHRETIENNE.FR • N°2171 • SEMAINE DU 24 AU 30 AOÛT 2019
LE MAG
CULTURE
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