lemonde090819

(Joyce) #1

8 |science VENDREDI 9 AOÛT 2019


Un mode de vie sain préserve aussi le cerveau


Maintenir une bonne santé cardio­vasculaire diminue les risques de développer la maladie d’Alzheimer


C’


est une bonne nou­
velle pour la santé
publique. Alors que
la maladie d’Alzhei­
mer et les autres démences tou­
chent 50 millions de personnes
dans le monde, et que ce chiffre
pourrait tripler d’ici à 2030, une
nouvelle étude montre qu’adop­
ter un mode de vie sain, qui pro­
tège des maladies cardio­vasculai­
res, permet aussi de préserver la
santé du cerveau.
Les travaux coordonnés par
l’équipe EpiAgeing du centre de re­
cherche en épidémiologie et sta­
tistiques de l’Institut national de
la santé et de la recherche médi­
cale (Inserm) sont publiés jeudi
8 août dans le British Medical Jour­
nal. Ils concluent que les person­
nes de 50 ans qui adhèrent aux re­
commandations du Life’s Sim­
ple 7 (un score de santé cardio­vas­
culaire bâti à partir de sept
paramètres) développent ulté­
rieurement moins de démences.
Pour chaque point gagné sur ce
score allant de 0 à 14, le risque d’at­
teinte cérébrale diminue de 11 %.
En clair, même de petits progrès
dans l’hygiène de vie sont payants.
Adopté par l’association améri­
caine de cardiologie (American
Heart Association, AHA) en 2010,
le Life’s Simple 7 comporte quatre
paramètres comportementaux
(tabagisme, régime alimentaire,
activité physique et indice de
masse corporelle) et trois paramè­
tres biologiques (glycémie à jeun,
taux de cholestérol total et tension
artérielle), identifiés comme les
plus importants pour la santé du
cœur et des artères. Chacun étant
coté 0 (niveau à risque), 1 (niveau
intermédiaire) ou 2 (niveau opti­
mal), l’outil permet de calculer un
score de 0 à 14, reflétant le niveau
de protection vis­à­vis des mala­
dies cardio­vasculaires – principa­
lement infarctus du myocarde et
accidents vasculaires cérébraux.
Le Life’s Simple 7 est accessible
gratuitement sur le site de l’AHA,
environ 100 000 personnes ont
créé un profil.

Baisse évidente des risques
Pour évaluer si ce score est aussi
prédictif du risque de maladie
d’Alzheimer et autres démences,
Séverine Sabia, chercheuse à l’In­
serm et à l’University College of
London, et ses collègues l’ont cal­
culé – avec des paramètres légère­
ment modifiés pour les besoins de
l’étude – chez près de 7 900 fonc­
tionnaires britanniques de la co­
horte Whitehall, à l’âge de 50 ans.
Avec un suivi moyen de vingt­
cinq ans, 347 cas de démences ont

été enregistrés. Par rapport au
groupe ayant un niveau de santé
cardio­vasculaire faible (score de 0
à 6), les individus ayant un niveau
intermédiaire (score de 7 à 11) et
ceux ayant un niveau optimal
(score de 12 à 14) avaient un niveau
de risque de démence abaissé de
respectivement 39 % et 43 %.
Cet effet neuroprotecteur était
retrouvé chez les personnes ayant
développé une maladie cardio­
vasculaire, mais aussi chez celles
restées indemnes de ce type d’ac­
cident. « Nos résultats suggèrent
qu’à 50 ans les paramètres du Life’s
Simple 7 contribuent de façon sy­
nergétique à la protection contre la
maladie d’Alzheimer et autres dé­
mences. La baisse de risque est évi­
dente dès un niveau intermédiaire
du score », souligne Séverine Sabia.
En août 2018, l’équipe de Cécilia
Samieri (Inserm, Bordeaux Popu­
lation Health Research Center)
avait publié dans le Journal of the
American Medical Association
une étude comparable à partir de
la cohorte française des Trois

Cités, lancée en 2000, qui inclut
10 000 personnes âgées de 65 ans
et plus. Le score Life’s Simple 7
avait été mesuré à l’âge de 65 ans,
et s’était montré prédictif du ris­
que de démence avec un suivi de
quinze ans. « Nous avions obtenu
la même amplitude de résultats
avec une baisse de risque de 10 %
par point supplémentaire au
score, mais la force de cette nou­
velle étude est d’avoir appliqué ces
paramètres plus tôt, à 50 ans »,

commente Cécilia Samieri. Pour
la chercheuse de Bordeaux, ces
résultats vont dans le sens des
conceptions actuelles sur la ma­
ladie d’Alzheimer, avec des fac­
teurs de risque qui s’accumulent
au long de la vie et sont particu­
lièrement importants à partir de
la quarantaine.

Prévention en amont
« Les démences et les maladies car­
dio­vasculaires sont des patholo­
gies de l’environnement avec des
déterminants communs. Avec une
hygiène de vie parfaite, 80 % se­
raient évitables, mais cette étude
montre qu’il n’est jamais trop tard
pour s’y mettre », se réjouit la pro­
fesseure Claire Mounier­Vehier
(Institut cœur poumon, CHU de
Lille), qui n’a pas participé à ce tra­
vail. La cardiologue, présidente
sortante de la Fédération fran­
çaise de cardiologie, relève aussi
que « même une observance mo­
dérée est efficace, ce qui peut per­
mettre de réconcilier la notion de
prévention et de plaisir ».

Faut­il d’ores et déjà traduire le
Life’s Simple 7 et le proposer à la
population, pour inciter les Fran­
çais à améliorer leur hygiène de
vie et baisser ainsi leurs risques de
maladie cardiaque ou de dé­
mence? « L’un des points forts de
cet outil est de délivrer un message
positif, incitant à cumuler les bon­
nes attitudes plutôt que de faire
peur avec les risques, poursuit Cé­
cilia Samieri. Mais, pour l’instant,
il est plus destiné à la recherche
qu’à une utilisation grand public. »
S’agissant de l’alimentation et de
l’activité physique, les critères
sont difficiles à autoévaluer, selon
elle, et il faudrait probablement
les adapter. « En cardiologie, les
médecins travaillent sur différents
outils pour stratifier les risques le
plus finement possible, mais il faut
aussi modéliser des scores accessi­
bles au grand public », estime
Claire Mounier­Vehier.
« Le test Life’s Simple 7 s’inscrit
dans le mouvement actuel, qui
cherche à prendre en compte la
globalité des risques concernant la

santé, quitte à être moins précis
sur certains items, la quantifica­
tion du LDL cholestérol [“mauvais
cholestérol”] par exemple »,
ajoute Thierry Couffinhal, profes­
seur de cardiologie et directeur
d’une unité de recherche Inserm
(Bordeaux), qui va tester ce score
chez les malades de son service.
Au­delà de la prévention pri­
maire dont le but est d’éviter des
maladies par la réduction des fac­
teurs de risque existants, et secon­
daire, pour éviter des récidives, se
dessine une stratégie de préven­
tion plus en amont, dite primor­
diale. « C’est une approche popula­
tionnelle, qui vise carrément à pré­
venir l’apparition des facteurs de
risque, par exemple avec la promo­
tion de l’activité physique, l’inter­
diction de fumer dans les lieux pu­
blics, la réduction de la teneur en sel
des aliments », détaille Mme Mou­
nier­Vehier. Une conception de la
santé plus comportementale,
moins médicamenteuse. Toute
une révolution.
sandrine cabut

Les ancêtres invisibles des galaxies elliptiques enfin mis au jour


En regardant au plus profond de l’Univers dans l’infrarouge, le réseau d’antennes Alma a repéré des fossiles célestes jusqu’ici cachés


L


es paléontologues fouillent
les sols pour y dénicher les
restes de nos lointains pré­
décesseurs. Les astrophysiciens,
parfois, en font autant, s’enfon­
çant dans les vieilles strates de l’es­
pace afin de mettre au jour des fos­
siles célestes. En effet, la lumière
des étoiles voyageant à une vitesse
finie, regarder au plus profond de
l’Univers équivaut à remonter le
temps jusqu’à la jeunesse du cos­
mos et permet de voir les astres­
dinosaures qui le peuplaient alors.
C’est à l’un de ces exercices de pa­
léontologie astronomique que
s’est livrée une équipe internatio­
nale en découvrant les ancêtres
des galaxies elliptiques, une trou­
vaille annoncée mercredi 7 août
dans la revue Nature.
Comme l’explique David Elbaz,
astrophysicien au Commissariat à
l’énergie atomique et aux énergies
alternatives (CEA) et coauteur de

cette étude, « dans l’Univers proche
existent deux grandes familles de
galaxies : les galaxies spirales,
comme notre Voie lactée, dans les­
quelles se forment encore des étoi­
les, et les galaxies elliptiques, plus
massives, qui ressemblent à un bal­
lon de rugby et que l’on considère
comme mortes car elles ne donnent
plus naissance à de nouvelles étoi­
les depuis des milliards d’années ».
En toute logique, en regardant
loin dans l’Univers, les astrono­
mes auraient dû tomber sur les
précurseurs de ces énormes ga­
laxies, à l’époque où, créant des
étoiles à la chaîne, ils brillaient de
mille feux. Mais les chercheurs
ne voyaient rien. Y compris dans
les photographies des profon­
deurs cosmiques prises par le té­
lescope spatial Hubble.
De deux choses l’une : soit ces
imposants ancêtres n’existaient
pas et les galaxies elliptiques

étaient nées par fusion de struc­
tures plus petites, soit ils exis­
taient mais on ne parvenait pas à
les détecter. La seconde hypo­
thèse était la bonne. Ce sont les
images enregistrées par un autre
télescope spatial, Spitzer, lancé
par la NASA en 2003, qui ont mis
les chercheurs sur la piste de ces
galaxies invisibles.

Des îlots de chaleur
Contrairement à Hubble, dont
les instruments observent es­
sentiellement dans l’ultraviolet,
la lumière visible et le proche in­
frarouge, Spitzer opère dans
toute la gamme de l’infrarouge.
Et là où son puissant collègue ne
voyait rien, lui percevait de peti­
tes taches, comme des îlots de
chaleur dans le vide cosmique.
De quoi s’agissait­il? La résolu­
tion limitée de Spitzer ne per­
mettait pas de le découvrir.

Pour en avoir le cœur net, les
auteurs de l’étude de Nature ont
sondé trois petites régions de l’es­
pace comportant des dizaines de
ces mouchetures, à l’aide d’un
instrument nommé Alma. Der­
rière ce sigle (Atacama Large Mil­
limeter/submillimeter Array) se
cache un réseau de 66 antennes
installées à plus de 5 000 mètres
d’altitude au Chili. Lorsque les si­
gnaux recueillis par ces paraboles
sont rassemblés, Alma a les per­
formances d’un radiotélescope
géant et une résolution bien
meilleure que celle de Spitzer.
Avec seulement deux minutes
de temps de pose, le mystère des
taches a été résolu. Trente­neuf
d’entre elles étaient bien des ancê­
tres de galaxies elliptiques, vues à
une époque où l’Univers n’était
âgé que de 1 à 2 milliards d’années
(contre 13,8 aujourd’hui). A ce mo­
ment­là de leur existence, ces

structures produisaient énormé­
ment d’étoiles, « environ cin­
quante fois plus que la Voie lactée
aujourd’hui », précise David Elbaz.
Pourquoi, malgré la quantité
phénoménale de lumière pro­
duite dans la partie visible du
spectre électromagnétique, Hub­
ble n’a­t­il rien vu? Parce que
cette lumière était absorbée par la
poussière interstellaire. « On sait
que les étoiles naissent dans de la
poussière mais on ne pensait pas
qu’il pouvait y en avoir autant »,
reconnaît l’astrophysicien. De
l’extérieur, les galaxies, prises
dans ce nuage opaque, apparais­
saient noires sur un fond noir. In­
visibles, donc. En revanche,
comme l’énergie véhiculée par la
lumière des étoiles chauffait les
poussières, celles­ci « s’allu­
maient » aux yeux de Spitzer et
d’Alma, tout comme, dans une
chambre obscure, les humains,

en raison de leur chaleur corpo­
relle, deviennent visibles à qui
utilise une caméra infrarouge.
Par extrapolation, l’étude de
Nature a évalué l’abondance de
ces ancêtres et estimé qu’ils
étaient en nombre suffisant
pour expliquer la quantité ac­
tuelle de galaxies elliptiques.
Tout n’est pas réglé pour autant,
car cette abondance même pose
un problème! « On n’arrive pas à
expliquer comment l’Univers a pu
être efficace au point de créer tou­
tes ces galaxies massives au cours
de ses deux premiers milliards
d’années, explique David Elbaz.
Aucun modèle ne sait le faire, il y a
une faille quelque part. » Pour
comprendre l’évolution du cos­
mos dans son enfance, il faudra
sans doute, à la manière des pa­
léontologues, chercher l’ancêtre
de ces dinosaures.
pierre barthélémy

« Avec une
hygiène de vie
parfaite, 80 %
des démences
et des maladies
cardio-vasculaires
seraient évitables »
CLAIRE MOUNIER-VEHIER
professeure à l’Institut
cœur poumon du CHU de Lille

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  • IMC : Indice
    de masse corporelle
    0 pt 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 pts
    5 critères
    Fruits et
    légumes
    ≥ à 5/jour
    Poissons ≥ à 2 rations
    par semaine
    Régime riche en fibres
    Sel < à 1,5 g/jour
    Boissons sucrées
    < à 1 l/semaine
    2 pts 1 pt 0 pt 0 pt 1 pt 2 pts
    poids
    taille × taille
    Nombre total de points
    Niveau de santé cardio-vasculaire
    TAS (1) : tension artérielle systolique
    TAD (2) : tension artérielle diastolique
    Source : Life’s Simple 7 American Heart Association Infographie : Le Monde
    Faible
    Pour chacun des sept paramètres de santé,
    mesurez votre score de 0 à 2 points, puis reportez-vous
    à la réglette du bas pour évaluer
    votre santé cardio-vasculaire
    Intermédiaire Optimal

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