Echos - 2019-08-06

(Brent) #1
sions il y a quelques semaines, Flins
va de fait perdre plusieurs dizaines
de milliers d’unités : une partie de la
production de la petite citadine y
était jusque-là assemblée (74.
voitures l’an d ernier). L’usine ne sera
désormais utilisée que comme site
de secours, « si la demande commer-
ciale pour la Clio le nécessite », expli-
que une porte-parole de Renault.
Quant à la Nissan Micra, elle se
vend moins bien que prévu : sa pro-
duction s’est élevée à 72.600 unités
l’an dernier. « C’est très en deçà des
objectifs affichés, entre 100.000 et
130.000 par an », relève Denis Sche-
moul, analyste chez IHS Markit.
« Et nous estimons que la production
ne dépassera pas 50.000 cette
année. » Relancée en 2017, la petite
voiture de l’allié nippon devait en
principe occuper les salariés de
Flins jusqu’e n 2024. Le niveau des
ventes soulève toutefois « un risque
de décision radicale », note l’expert.
Reste donc la ZOE, qui, elle, se
vend très bien, mais qui risque de ne
pas suffire à remplir l’usine. La
petite voiture électrique du Losange

a représenté 40.000 immatricula-
tions en 2018, et Renault a annoncé
l’an dernier un investissement pour
doubler les capacités dédiées, de
60.000 à 120.000 unités par an.
Pour que les lignes tournent à
plein, il faudrait tripler les ventes de


  1. Même si la croissance obser-
    vée au premier semestre a été spec-
    taculaire (+45 %), et même si la nou-
    velle version de la ZOE attendue à
    l’automne donne un coup d’accélé-
    rateur supplémentaire, atteindre
    cet objectif ambitieux pourrait
    prendre un peu de temps. L’avenir
    plus lointain inquiète aussi. La voi-
    ture qui succédera à la ZOE sera-t-
    elle produite à Flins?


Promesse d’affectation
d’une nouvelle plate-forme
Le site de Douai (Nord) a déjà été
désigné pour accueillir les futures
plates-formes électriques de
l’Alliance. L’usine accueillera-t-elle
un nouveau véhicule de Nissan? La
situation financière catastrophique
du japonais, et ses relations délica-
tes avec Renault semblent peu pro-

pices à un nouvel accord de ce type.
D’autant que le choix d’assembler la
Micra à Flins plutôt qu’e n Inde avait
déjà suscité de nombreux remous à
Yokohama. La direction de Renault
avait promis l’an dernier d’annoncer
cette a nnée l ’affectation à Flins d’une
nouvelle plate-forme. « Différentes
hypothèses sont en cours, une déci-
sion sera prise d’ici fin 2019 », dit-on
au sein du Losange. Les syndicats ne
sont pas très confiants. « Nous avons
demandé que des réflexions soient

entamées pour trouver d’autres acti-
vités à Flins, y compris hors produc-
tion automobile », confie Franck
Daout. Les salariés du site ont déjà
connu de telles périodes d’incertitu-
des, en 2010 ou en 2013 – époque où
la production de l’usine é tait t ombée
à moins de 120.000 unités par an
(196.000 l’an dernier). Ils espèrent
que la renégociation de l’accord
d’entreprise « Cap 2020 », qui arrive
à échéance fin 2019, permettra
d’assurer à Flins un nouvel avenir.n

A Flins, les salariés de Renault s’inquiètent de la délocalisation de la Clio


Anne Feitz
@afeitz


Quel avenir pour Flins? Dans cette
usine de Renault des Yvelines, sur
les bords de Seine, la question est
dans tous les esprits. Depuis que les
4.500 salariés du site ont appris il y a
six mois que l’assemblage de la nou-
velle Clio serait délocalisé en Tur-
quie et en Slovénie, ils sont inquiets.
Car ils ne voient pas comment va
être « chargée » l’usine, qui produit
aussi la ZOE et la Nissan Micra.
« Nous alertons la direction depuis
plusieurs mois », avance Franck
Daout, délégué central CFDT. Avec
le transfert à l’étranger de la nou-
velle Clio, arrivée dans les conces-


L’usine emblématique
de Renault dans les Yvelines
a perdu la Clio et les ventes
de la Nissan Micra sont
décevantes. Les salariés
craignent que la ZOE
ne suffise pas à compenser,
même si ses ventes
s’envolent.


Julien Dupont-Calbo
@jdupontcalbo


L’automobile est une affaire de
cycles, et certains sont plus enthou-
siasmants que d’autres. Après une
éclaircie de quelques années, qui a
permis à l’Hexagone de remonter
sur le podium européen de la pro-
duction de voitures, la France va
connaître un brutal coup d’arrêt
l’an prochain. L e niveau de produc-
tion de l’ensemble des usines auto-
mobiles va chuter de 22 % en 2020,
selon les données du cabinet IHS
compilées pour « Les Echos ».
Environ 1,7 million de véhicules
seront usinés l’an prochain, plus de
deux fois moins q ue le record histo-
rique de 2004.
Le niveau se stabilisera à comp-
ter de 2021 autour des 2 millions,
200.000 voitures de moins que
cette année ou l’an dernier. « Un cer-
tain nombre de changements d’affec-
tation de programmes dans les usi-
nes arrivent en même temps en
2020 », affirme Denis Schemoul, un
spécialiste de la prévision chez IHS.
Tout tombe en même temps, à vrai
dire, puisque les marchés européen
et mondial refluent depuis quel-
ques trimestres.


Programmes délocalisés
Pour préciser, la dynamique des
ventes en Europe devrait coûter
100.000 véhicules à l’usine France.
Mais le principal contributeur à la
baisse s’appelle PSA, selon les esti-
mations d’IHS. La Peugeot 2008,
actuellement assemblée à Mul-
house, passera les Pyrénées pour
atterrir à Vigo à l’occasion d’une
nouvelle version (–146.000 unités),
le solde de la Peugeot 208 filera au
Maroc (–98.000 voitures) et l’Opel
Grandland X lâchera S ochaux pour
l’Allemagne (70.000 véhicules).
Chez Renault, la nouvelle Clio ne
sera plus du tout produite à Flins
(lire ci-dessous), ce qui devrait gre-
ver de 41.000 véhicules les volumes
de l’usine.
Les constructeurs étrangers ins-
tallés industriellement dans
l’Hexagone ne changeront pas la
tendance imprimée par Renault et


PSA. En Moselle, Smart se convertit
à l’électrique, ce qui aura pour
conséquence dans un premier
temps de faire chuter les volumes
d’assemblage de 37.000 unités l’an
prochain – soit un bon tiers de la
production totale. Il y a bien Toyota
qui ferait exception, mais le chan-
tier de l’usine japonaise de l’usine
de Valenciennes, qui augmentera
de 50.000 véhicules les capacités de
production du site – portant le tout

à 300.000 unités –, ne sera pas effec-
tif l’an prochain.

Trou d’air
Passé le trou d’air de l’année pro-
chaine, la production française
devrait remonter un peu – pour se
fixer autour de 2 millions d’unités.
« Renault restera vers 6 00 ou
70 0.000 unités à l’année. Pour des-
cendre, il faudrait fermer une usine.
La baisse chez PSA est assez structu-

relle, le volume devrait se stabiliser
autour du million de véhicules »,
précise Denis Schemoul. Carlos
Tavares, le patron de la maison
Peugeot, vient en effet d’ouvrir une
grande usine au Maroc. A vrai dire,
ces deux dernières années, l’usine
historique de Sochaux tournait à
un rythme historique supérieur à
500.000 voitures annuelles. Un
rythme qui ne pouvait être main-
tenu trop longtemps.

4
À NOTER
La production mondiale
de voitures devrait diminuer
de 2 % cette année et rebondir
de 3 % l’an prochain, selon
le cabinet LMC Automotive.

(


Lire l’éditorial
de David Barroux
Page 10

lLes fabrications de plusieurs modèles importants chez Renault et PSA sont en train de quitter la France.


lDes départs concomitants qui vont faire baisser d’un coup la production automobile hexagonale l’an prochain.


La production automobile française


va brutalement décrocher en 2020


AUTOMOBILE


Les constructeurs
étrangers installés
industriellement
dans l’Hexagone
ne changeront
pas la tendance
imprimée par
Renault et PSA.

A Douai, le creux de la vague


Désignée pour accueillir les futurs véhicules électriques
de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi à compter de
2021, l’usine de Renault à Douai (Nord) traverse en atten-
dant des temps difficiles. Car les véhicules qui y sont
produits (la Talisman, l’Espace et le Scenic) ne rencon-
trent pas le succès escompté. « Leurs ventes devraient
passer sous les 100.000 cette année, contre plus de 150.
en 2016 et 2017 », indique Denis Schemoul, chez IHS
Markit. « Nous avons fait part de notre inquiétude sur les
12-18 prochains mois, sans réponse pour l’instant », dit de
son côté Franck Daout, délégué CFDT.

« Nous avons
demandé que
des réflexions
soient entamées
pour trouver
d’autres activités
à Flins, y compris
hors production
automobile. »
FRANCK DAOUT
Délégué central CFDT

ENTREPRISES


Mardi 6 août 2019Les Echos

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