Echos - 2019-08-06

(Brent) #1

Même les platines renaissent de
leurs cendres. Il y a un peu moins de
cinq ans, Technics était ramené à la
vie par Panasonic. Plébiscitée par
les DJ et amateurs de musique du
monde entier, cette marque maison
dédiée à la hi-fi du groupe japonais
a vu le jour en 1965. Cinq ans plus
tard, Technics lance son premier
tourne-disque. En 1972, le groupe
sort son modèle iconique, la platine
SL-1200. Il s’en vendra 3,5 millions
d’exemplaires. Un chiffre colossal
qui s’explique notamment par
l’essor des boîtes de nuit et l’explo-
sion de la disco dans les années
1970.
« Nos platines ont vite été préemp-


tées par les DJ », rappelle Eric Novel,
directeur général en France, Belgi-
que et au Luxembourg chez Pana-
sonic. C’est que, au-delà d’une qua-
lité sonore léchée, Technics a mis au
point un nouveau procédé techni-
que, le direct drive, un moteur à
entraînement direct qui permet aux
DJ de changer de vinyle plus rapide-
ment et d’e nchaîner leur mix en soi-
rée car la platine continue à tourner.
Dans les années 1980, les fêtes en
plein air se généralisent dans le
sillage du succès de ce format à
Ibiza, de même que les DJ invités
pour des soirées en entreprise, ou
chez des particuliers (mariage,
anniversaire). Les platines Tech-
nics sont aussi très populaires dans
le milieu du hip-hop : la marque est
fréquemment citée dans les chan-
sons. Mais dans les années 2000,
l’essor de la musique dématériali-
sée qui suit la période reine du CD
semble achever pour toujours
l’intérêt pour les vinyles et les plati-
nes. En 2010, Panasonic tire le

la marque sur du très haut de
gamme », explique Eric Novel. Der-
rière cette panoplie de produits fai-
sant office de tête de proue, le groupe
a, depuis, commercialisé une tren-
taine d’appareils aux tarifs plus
accessibles (notamment des encein-
tes connectées) et les éternelles plati-
nes : la SL-1200 MK7 lancée en 2015.
En tout, l’ensemble des produits
Technics g énère « quelques dizaines
de millions d’euros de chiffre d’affai-
res par an dans le monde », souligne
Eric Novel. Il y a quelques semaines,
le groupe a lancé deux casques
audio (F50 et F70) sans fil, respecti-
vement vendus 329 et 399 euros.
Un produit davantage destiné au
grand public avec lequel Technics
va tenter de marcher sur les plates-
bandes de Beats, la société lancée
notamment par le rappeur Dr Dre
et rachetée 3 milliards de dollars par
Apple en 2014. Dans le milieu du
« deejaying », on parle de « battle »
quand deux DJ s’affrontent par pla-
tines interposées. —N. R.

Technics, le phénix de la platine vinyles


Il y a cinq ans, le groupe
japonais Panasonic
ressuscitait cette marque
maison très populaire chez
les DJ. Celle-ci a vu le jour
en 1965 et s’est fait un nom
avec son modèle phare : la
platine SL-1200.


Contrairement au lecteur CD, les tourne-disques ont désormais acquis le statut d’objet vecteur d’émotion. Photo Xavier Popy/RÉA

Alice Burgat
@alice-burgat

L’iPod n’a pas tué le Walkman.
Quarante ans après sa première
commercialisation, le lecteur
audio à piles de Sony, coiffé d’un
casque, qui permettait d’écouter
sa musique p artout, est devenu u n
objet collector toujours demandé
sur le marché de l’occasion. Sur les
12 derniers mois, plus de 15.00 0
Walkman de toutes marques se
sont ainsi vendus dans le monde.
La fourchette de prix va de quel-
ques euros à 11.950 euros pour un
Walkman Aiwa vendu en Italie, le
même modèle que celui de Marty
McFly dans le film « Retour vers le
futur ».
Avec la sortie le 1er j uillet 197 9 de
l’iconique modèle bleu et argenté
TPS-L2, Sony n’a pas seulement
inventé un produit mais toute une
manière de consommer le son
pour les quarante ans à venir.
Pour la première fois, il devenait
possible d’écouter de la musique
seul, par exemple sur un terrain
de golf, comme l’avait demandé à
ses équipes Akio Morita, le co-
fondateur de Sony.
Dès les premiers mois, les
390 grammes du TPS-L2 con-
naissent un franc succès au
Japon. E xporté v ers les Etats-Unis
et l’Europe l’année suivante, Sony
écoule 1,5 million de TPS-L2 au
bout de deux ans. Au total, Sony a
vendu 200 millions de Walkman
à cassettes. « Le produit de Sony
était destiné à des personnes en
grande mobilité, particulièrement

les jeunes qui écoutaient de la
musique », souligne François
Prieur, commissaire général du
Salon du Paris Audio Vidéo Show.
Comme souvent, le succès tech-
nologique a eu ses détracteurs.
Pour certains, l’isolement des jeu-
nes tenait alors du « Walkman
effect », qui fait encore écho
aujourd’hui pour le jeu vidéo ou
les casques de réalité virtuelle.
En perfectionnant son produit,
notamment avec la fonction auto-
reverse, Sony s’est maintenu jus-
qu’à l’aube des années 2000 dans
la course technologique de l’audio
face à ses rivaux qui le copient.
Mais deux innovations consécuti-
ves, le MP3 par MPMAN en 1998 et
l’iPod par Apple en 2001, ont fina-
lement signé la mort du Walk-
man. En 2010, l ’entreprise
annonce cesser la production de
Walkman à cassettes.

Une seconde vie
Mais Sony n’arrête pas le Walk-
man pour autant. Le streaming a
beau représenter plus de 50 % de
l’écoute en France, la marque
japonaise entend toujours satis-
faire les oreilles nostalgiques des
audiophiles. Il y a deux ans,
l’entreprise de Tokyo commercia-
lise un modèle de Walkman
numérique destiné à l’écoute de
chanson en haute résolution via
des fichiers non compressés, con-
trairement au MP3 des plates-for-
mes en ligne. Et la nostalgie ne
connaît pas de limites. Une équipe
d’ingénieurs et de designers réu-
nis au sein du NINM Lab vient
d’annoncer un projet de Walk-
man permettant d’écouter une
antique cassette sur un casque
sans fil. Grâce à une campagne de
financement participatif, ils ont
déjà réuni plus de 60.000 euros.n

Ecoulé à 200 millions
d’exemplaires en 40 ans
dans le monde,
le baladeur revient sur
le marché de l’occasion.

Le Walkman de Sony


traverse les générations


d’exemplaires vendus désormais).
Les amateurs trouvent dans le
vinyle « un grain », une qualité
du son qu’ils regrettent sur les enre-
gistrements tout numérique.
Plus surprenant, les enceintes
sans fil (avec connexion Bluetooth
ou wi-fi) décroissent aussi (– 2 %, à
260 millions d’euros), après plu-
sieurs années de forte croissance.
En volume, les ventes continuent
certes de grimper (+ 5 %) avec
3,5 millions d’exemplaires écoulés
en 2018 ; ce qui représente près des
deux tiers du marché global. Mais
ce sont les modèles d’entrée de
gamme à moins de 50 euros qui
s’arrogent la part du lion et t irent l es
prix vers le bas. Signe que l’oreille
des consommateurs n’est pas si exi-
geante, de nombreux modèles de

platines vinyles se sont modernisés
pour pouvoir être connectés en
Bluetooth à ces enceintes non hi-fi.
Très populaires, les modèles de
JBL, la filiale de Samsung, se sont
fait une place dans de nombreux
salons. Surtout, les enceintes sans
fil se font aussi cannibaliser par
le dernier venu sur le marché de
l’audio de salon : les... enceintes
intelligentes d’Amazon, Google et
autres, dont les premiers modèles
sont apparus dans le paysage fran-
çais à l’été 2017 seulement.

Multi équipement
Peu chères, parfois bradées ou
offertes avec un smartphone, ces
enceintes à contrôle vocal profitent
de la bonne santé des services de
streaming comme Spotify, Deezer,

ou Apple Music. A l’opposé en
termes de prix, les enceintes du
français Devialet bénéficient éga-
lement de l’engouement pour la
musique et la voix. Sa « croissance
à deux gros chiffres », selon l’expres-
sion de Franck Lebouchard, le
directeur général, s’appuie sur les
ventes de la barre de son commer-
cialisée avec l’opérateur télécoms
Free et sur celles de ses imposantes
enceintes Phantom.
« On constate une tendance au
multi équipement qui s’accélère »,
synthétise Fabien Gullini. Dans les
salons, les platines cohabitent ainsi
parfaitement avec des enceintes de
dernière génération mâtinées
d’intelligence artificielle. Ou l’art de
marier technologie dernier cri avec
le chic et la hype du vintage.n

lLes ventes de tourne-disques ont augmenté de 19 % en 2018.


lDans le même temps, les enceintes à contrôle vocal cannibalisent le marché des enceintes sans fil traditionnelles.


Les platines vinyles cohabitent


avec l’audio dernier cri dans le salon


Florian Dèbes
et Nicolas Richaud


Les platines continuent de creuser
leur sillon. Près de cinquante ans
après qu’ils ont remplacé les phono-
graphes et fait le bonheur des disc-
jockeys dans l es rues d e New York ou
en soirée disco, les lecteurs de dis-
ques vinyle 45 et 33 tours ont ressus-
cité dans les rayons audio de salon
des magasins d ’électronique.
D’après l’institut d’études de marché
GfK, les ventes ont augmenté de 19 %
en 2018 en France, à 165.000 pièces
écoulées.
Sentant le bon filon, de nouvelles
marques (Victrola, JVC, etc.) ont
rejoint, ces dernières années, les
constructeurs historiques (Sony,
Audio-Technika), qui avaient sim-
plement baissé leur volume de pro-
duction après l’arrivée en force du
CD dans les années 1980. Opportu-
nément, l’emblématique Technics
renaît de ses cendres, sous la hou-
lette de Panasonic. En France, ces
acteurs ont généré 24 millions
d’euros de chiffres d’affaires en
2018, toujours d’après GfK.


Un look rétro... nostalgie
De belles performances pour des
appareils longtemps vus comme
désuets e t bons p our le musée. Tous
ne peuvent pas en dire autant sur le
marché de la hi-fi de salon, en très
légère hausse (+ 1 % sur un an) l’an
passé, à 560 millions d’euros. Par
exemple, les ventes de chaînes CD
hi-fi traditionnelles ont ralenti de
2 % sur un an, à moins de 100 mil-
lions de revenus. Même tendance
baissière (– 3 %) concernant le seg-
ment de l’équipement (amplifica-
teur, tuner, enceintes supplémen-
taires...), à 85 millions.
Contrairement au lecteur CD,
les tourne-disques ont désormais
acquis le statut d’objet vecteur
d’émotion. « C’est beaucoup de nos-
talgie pour le geste de poser le disque
sur la platine », constate Olivier
Garcia, le directeur de produit
audio chez FNAC Darty. Ils ont
conservé leur look rétro et se ven-
dent dans le sillage des disques
vinyle dont le marché a lui-même
doublé de taille chaque année
entre 2015 et 2018 (2 millions


MUSIQUE


rideau sur sa marque Technics.
Pourtant, quelques années plus
tard, la hype du vintage et le peu
d’entrain des mélomanes pour le
son MP3 compressé ravivent l’inté-
rêt pour le microsillon... et donc les
platines. Certaines SL-1200 antédilu-
viennes s’échangent parfois plu-
sieurs milliers d’euros sur le marché

d’occasion. Ce qui n’échappe pas
à Panasonic, qui ressuscite la mar-
que et propose un assortiment des-
tiné au salon (ampli, préampli,
enceinte) p our près de 40.000 euros.
« Pour notre retour, nous voulions
envoyer le signal que nous relancions

Certaines SL-
antédiluviennes
s’échangent parfois
plusieurs milliers
d’euros sur le marché
d’occasion.

HIGH-TECH & MEDIAS


Les EchosMardi 6 août 2019

Free download pdf