Echos - 2019-08-06

(Brent) #1

Laurent Marcaillou
— Correspondant à Toulouse


A


soixante-quatre ans,
ce passionné d’amé-
nagement du terri-
toire a passé la moitié
de sa vie à soutenir
les entreprises de l’ex-Midi-Pyré-
nées. Robert Castagnac y a été
nommé, au gré des gouvernements,
commissaire à la réindustrialisa-
tion, au redressement productif
puis, l’an dernier, aux restructura-
tions et à la prévention des difficul-
tés des entreprises. « Il faut utiliser le
moment de la restructuration pour
préserver l’outil industriel, car, quand
une entreprise ferme, l’activité ne
repart pas au même endroit », cons-
tate-t-il avec sa longue expérience.
Son parcours est dédié au service de
l’Etat. Ingénieur agronome AgroPa-
risTech, il a commencé sa carrière
dans les organisations internationa-
les avant d’intégrer la Délégation
interministérielle à l’aménagement
du territoire et à l’attractivité régio-
nale (Datar), en 1988, en tant que
chargé des mutations économiques.
Il est aussitôt envoyé à Tarbes
pour accompagner la fermeture de
l’usine de Giat Industries qui fabri-
quait les tourelles des chars Leclerc
avec 1.000 personnes... A la fin de
l’arsenal en décembre 2005, seules


deux petites unités de forge et de
pyrotechnie s ont r eprises. Après u n
long conflit unissant tous les
acteurs locaux, l’Etat, propriétaire
de Giat, a signé un contrat de site
pour réindustrialiser le bassin. « On
a mis l es moyens, e stime Robert C as-
tagnac, nous avons travaillé avec
l’usine ferroviaire Alstom sur l’élec-
tronique de puissance, des PME ont
été revalorisées et l’Ecole nationale
d’ingénieurs de Tarbes a été c onfortée
avec une halle technologique. » Mal-
heureusement, d’autres restructu-
rations suivent avec la fermeture
des usines Pechiney et Soulé.

Une centaine de dossiers
par an
Plusieurs dossiers « chauds » ont
émaillé la carrière de Robert Casta-
gnac : l’abandon par Molex de la
fabrique de connecteurs automobi-
les de 283 salariés de Villemur-sur-
Tarn (Haute-Garonne) en 2009, la
fermeture en 2012 de l’usine de semi-
conducteurs de 820 salariés
de Freescale à Toulouse o u la cession
du centre de recherche toulousain
de Sanofi à l’allemand Evotec, qui a
repris un tiers des 610 employés en


  1. C’est Molex qui l’a le plus mar-
    qué. Le groupe américain ferme
    l’usine quatre ans après l’avoir ache-
    tée en reprenant les brevets, les
    clients PSA et Renault, et les machi-


nes! Le personnel lutte pendant un
an jusqu’à ce que le ministre Chris-
tian Estrosi mobilise l e fonds d’inves-
tissement HIG, qui permet à la nou-
velle société VMI de reprendre
50 salariés avec l’aide de l’Etat. En
septembre 2009, l’intersyndicale
signe au bout de la nuit le plan social
accordant des indemnités de
26.000 euros en moyenne aux sala-
riés, que Molex arrêtera de payer...

« C’est un échec car le groupe est
parti, mais nous avons négocié le
maintien du savoir-faire : VMI a
repris les moules et le droit de fabri-
quer la connectique automobile », se
défend Robert Castagnac, marqué
par cette histoire. « Il y a eu des
moments d’extrême tension. Les
représentants syndicaux ne voulaient
pas que l’on entre dans l’usine avec les
repreneurs. Nous avons dû passer

entre une haie d’ouvriers, c’était très
impressionnant. » Le bilan est mai-
gre avec 50 emplois sauvés sur 283.
« C’est un métier frustrant mais inté-
ressant », reconnaît-il. Car l’homme,
derrière une apparence tout en rigu-
eur, ne se fait toujours pas aux dos-
siers qui se terminent mal. Ce pas-
sionné d’alpinisme et de botanique
qui a gravi les « 3.000 » des Pyrénées
« essaie de répondre aux attentes des

salariés comme des dirigeants en
cherchant les solutions les moins
pénalisantes pour les parties. »
Médiateur dans l’âme, le commis-
saire traite discrètement une cen-
taine de dossiers par an, essentielle-
ment des PME dont 80 % ne sont p as
encore en redressement. Il cherche
des solutions avec le chef d’entre-
prise, négocie des aides, une média-
tion du crédit... « On arrive dans un
moment de crise où le patron est
déboussolé et les salariés sont vent
debout. Je prône toujours la transpa-
rence car c’est compliqué pour un chef
d’entreprise de parler de ses difficul-
tés. Je lui dis : ne réagissez pas trop
tard et ne restez pas isolé. On essaie de
trouver une solution collectivement. »
Heureusement, il y a parfois des
succès. Robert Castagnac est fier de
la reprise de l’entreprise de cons-
tructions métalliques Cabrol, à
Mazamet (Tarn), liquidée en 2015,
par une coopérative créée p ar 40 des
100 salariés. « Avec l’union régionale
des SCOP, nous avons aidé à trouver
les financements et les ouvriers ont
mobilisé leur indemnité de licencie-
ment. Tout a été réglé pendant l’été
pour reprendre vite l es chantiers. » En
ce moment, il travaille à la relance d e
la fabrique de corned-beef Toupnot
(72 salariés) à Lourdes (Hautes-Py-
rénées), qui a brûlé, mais que le
groupe Cofigeo ne trouve pas renta-
ble. « Ce n’est pas acceptable de sacri-
fier des emplois parce qu’il y a eu un
incendie! » s’e mporte-t-il. Arrivé à
l’âge de la retraite, il ne pense tou-
jours pas à raccrocher. « J’aime
encore ce métier tant que j’ai le senti-
ment d’être utile et je porte un grand
intérêt à comprendre les mutations
des entreprises. »n

Emmanuel Guimard
—Correspondant à Nantes


Que le bâtiment aille bien ou pas,
le marché du contrôle d’accès pro-
gresse. « C’est un effet de cliquet, il
n’y a pas de retour en arrière »,
observe Philippe Mallard, direc-
teur général d’Urmet France, évo-
quant les problèmes sociétaux de
sécurité qui tirent le marché. En
croissance, ce groupe, constitué
de six sociétés, va investir 7 mil-
lions d’e uros à Cholet pour réunir
trois de ses branches dans une
usine d e 7.400 mètres carrés livra-
ble fin 2020.
La filiale vendéenne FDI Mate-
le c, spécialisée dans l’interphonie
résidentielle, cohabitera avec
Yokis, une petite société de domo-
tique rachetée en 2014 et SCS Sen-
tinel, filiale créée en 2002 pour
fournir la grande distribution. Le


SÉCURITÉ


Le spécialiste de
l’interphonie investit
7 millions d’euros
dans une usine
regroupant plusieurs
de ses filiales.


Les appareils
intègrent désormais
des fonctionnalités
domotiques pour
commander
l’éclairage, les volets
roulants, etc.


affaires en sécurité et de recharger
son téléphone. 120 casiers sont dis-
ponibles. Veolia a également sélec-
tionné le bracelet de paiement
waterproof de la fintech PayinTech,
permettant de profiter de la plage
sans argent liquide.
Si le groupe investit dans certai-
nes technologies, chaque solution
doit être le plus possible autoportée,
Veolia leur laissant le terrain d’expé-
rimentation. Un second AMI a fait
émerger une nouvelle vague de pro-
jets, certains ayant été primés dont
le projet Otec, proposant une sur-

veillance d e la qualité de l ’eau v ia des
capteurs placés sur les bouées du
chenal, Affluence, permettant de
connaître le niveau de fréquenta-
tion sur la plage, Acriprevisub sur
les prévisions océaniques ou Tipi,
sur les jobs d’été. L’une des solutions
prometteuses est le système de trac-
king de Ticatag. Cette start-up
bretonne propose un bracelet
connecté permettant d’assurer la
sécurité du plaisancier, du nageur
isolé ou de retrouver l’enfant perdu
sur la plage, g ros stress des vacances
estivales. —E. G.

Cet ingénieur agronome a notam-


ment suivi la fermeture de Giat


Industries à Tarbes, le départ


houleux de l’américain Molex à


Villemur-sur-Tarn et la fermeture


de l’usine d’électronique


de Freescale à Toulouse.


6
Et demain Eric Lucas,
l’assureur qui aime le risque

saison. On retrouve l’application de
la start-up Playac, permettant de se
faire livrer des repas sur la plage, ou
celle de Vigicube, une PME régio-
nale proposant des consignes con-
nectées permettant de déposer des

Un bracelet de
paiement waterproof
permet de profiter
de la plage sans
argent liquide.

Le groupe américain Molex ferme l’usine de Villemur-sur-Tarn quatre ans après
l’avoir achetée en reprenant les brevets. Photo Rémy Gabalda/AFP

Ses dates
clefs
1988 Chargé des
mutations économi-
ques à la Datar, en
poste à Tarbes.
2004 Chargé des
mutations économi-
ques à la préfecture de
région Midi-Pyrénées.
2002 Commissaire aux
restructurations et à la
prévention des diffi-
cultés des entreprises
en Occitanie.

groupe vient également d’investir
3 millions d’e uros pour reloger sa
filiale Castel, à Saumur, également
dans le Maine-et-Loire. L’entre-
prise est spécialisée dans l’inter-
phonie pour le tertiaire. La société
MWS, aussi située à Saumur,
complète le tableau. Cette der-
nière est spécialisée dans les noti-
fications, comme celles envoyées
par les malades dans les hôpitaux.
C’est un peu la « stratégie du mille-
feuilles », mentionne Philippe
Mallard qui vise, avec le nouveau
site de Cholet, des synergies entre
les marques, une inspiration croi-
sée sur le plan industriel, en R & D
et marketing. La nouvelle unité
emploiera 140 salariés, dont 70
ingénieurs. Le recrutement d’une
vingtaine d’ingénieurs est engagé.

L’ interphone à tout faire
L’interphonie, désormais filaire
ou pilotable par GSM, intègre des
fonctionnalités domotiques pour
commander l’éclairage, les volets
roulants, la détection d’intru-
sions... Le groupe a aussi déve-
loppé une offre permettant de
communiquer avec le gestion-
naire du logement, entre voisins,
etc. Urmet France, principale
entité du groupe familial Urmet,
basé à Turin, envisage d’autres
acquisitions susceptibles de faire
de l’interphone le cerveau de la
maison intelligente. La société a
connu l’an dernier une croissance
de 11,7 % portant son chiffre
d’affaires à 96,4 millions d’euros,
la maison mère réalisant 280 mil-
lions d’euros de chiffre d’affai-
res.n

Urmet concentre ses forces


dans le Maine-et-Loire


Après l a « Smart City » voici l a plage
connectée ou « Smart Baie », con-
cept expérimenté cet été par Veolia
à La Baule. Le groupe français a
obtenu de l’Etat, fin 2016, la pre-
mière concession de France pour
l’exploitation d’une plage, avec la
mission de protéger et d’entretenir
le site pendant douze ans. La pre-
mière étape fut, en vertu du décret
plage de 2006, une remise à jour des
établissements, restaurants et
clubs de plage, avec l’obligation,
pour les 34 exploitants répartis sur
les 6 kilomètres d e sable, de se doter
de structures intégralement
démontables.
Tout en menant ce chantier hou-
leux, Veolia a travaillé sur l’attracti-
vité de la plage intégrant donc de
nouveaux services numériques. Un
premier appel à manifestation
d’intérêt (AMI) a été lancé. Ainsi,
Vingt et un projets ont été recueillis
dont trois ont été mis en place cette

Veolia teste sa plage intelligente à La Baule


BRETAGNE


Casiers connectés,
application
de conciergerie,
bracelets
de paiement...

Le groupe, premier
concessionnaire
d’une plage en France,
expérimente
une série de services
numériques pour
améliorer l’attractivité
de la station.

Véolia avait obtenu de l’Etat, fin 2016, la première concession de France pour l’exploitation
d’une plage. Photo Veolia

16 // PME & REGIONS Mardi 6 août 2019 Les Echos


Robert Castagnac, l’urgentiste de l’Etat


à la rescousse des entreprises en difficulté


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LES REDRESSEURS D’ENTREPRISE

SÉRIED’ÉTÉ
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