Echos - 2019-08-06

(Brent) #1

Sharon Wajsbrot
@Sharonwaj


Créée par un Ecossais dans le Hong
Kong des années 1860 alors que
l’Empire britannique vient de rem-
porter la guerre de l’opium qui
l’opposait à la Chine, la « Hong Kong
and Shanghai Banking Corpora-
tion » (HSBC) repose sur deux pieds :
l’un en Asie et l’autre en Europe.
Grâce à des rachats en série
menés dans les années 1990, le mas-
todonte, dont le patron John Flint a
démissionné lundi, a pris pied au
Royaume-Uni mais aussi outre-At-
lantique. Son siège a du coup été
transféré de Hong Kong à Londres,
en 1993, quatre ans avant la rétroces-
sion de l’ancienne colonie britanni-
que à la Chine. Fidèle à ses racines, le


centre névralgique de HSBC reste
aujourd’hui très concentré en Asie et
en particulier à Hong Kong. En 2018,
HSBC y a généré près de 60 % de ses
profits avant i mpôts! Or ce penchant
pourrait aujourd’hui se révéler un
talon d’Achille pour la première ban-
que européenne par sa capitalisa-
tion (127 milliards de livres). Au pre-
mier semestre 2019, les revenus de
HSBC en Asie ont progressé de 7 %,
mais « les perspectives sont moins cer-
taines », reconnaît la banque.

Position inconfortable
« Les manifestations à Hong Kong
n’ont pas d’impact financier
aujourd’hui, mais elles en auront cer-
tainement à l’avenir », a aussi averti le
directeur financier du groupe, Ewen
Stevenson. Dans l a région, HSBC, qui
nourrit sa croissance du commerce
international, pourrait encaisser les
effets de la guerre commerciale qui
oppose la Chine aux Etats-Unis.
Selon Bloomberg, la banque est
d’ores et déjà dans une position

inconfortable puisqu’elle compte
parmi ses grands clients l’équipe-
mentier télécom chinois Huawei,
soupçonné d ’espionnage par
Washington. A Hong Kong, son
premier marché, HSBC voit aussi se
profiler une menace intérieure
sérieuse. En mai 2019, les géants de
l’Internet chinois Tecent et Alibaba,
déjà t rès puissants dans la banque d e
détail en Chine continentale, ont

reçu l’aval des régulateurs pour lan-
cer u ne activité à Hong Kong où pour
l’instant les acteurs traditionnels
dominent. En Europe et aux Etats-
Unis, HSBC a certes enfin tourné la
page de ses litiges. Outre-Atlantique,
elle a notamment été impliquée
dans des transactions de blanchi-
ment d’argent de cartel de la drogue
au Mexique. Mais d’autres nuages se
profilent à l’horizon : e ntre autres, les
incertitudes liées a u Brexit o u encore
la perspective de baisse d es taux de la
Réserve fédérale américaine.
Compte tenu de cette dernière
mauvaise nouvelle, HSBC estime ne
plus être en mesure d’atteindre les
6 % de rendement des fonds pro-
pres (ROE) qu’elle avait promis à ses
actionnaires en 2020 aux Etats-
Unis. La banque table toutefois tou-
jours sur un retour sur fonds pro-
pres de 11 % au niveau mondial.
« Nous n’allons pas prendre des déci-
sions à court terme qui pourraient
mettre en péril l’activité à long
terme », a justifié HSBC.n

L’établissement fondé à Hong Kong voit les nuages


s’amonceler sur ses marchés cœur


En Asie, la banque pourrait
subir le contrecoup
de la guerre commerciale
entre la Chine
et les Etats-Unis.


la liquidité sont solides et nous
continuons à prêter à l’économie
réelle », a expliqué Ross
McEwan directeur général de
RBS. L’établissement a décidé
de verser un dividende excep-
tionnel de 12 pence par action
pour un montant total de
1,7 milliard. Le gouvernement
britannique, actionnaire majo-
ritaire depuis le sauvetage de la
banque pendant la crise,
devrait recevoir environ 1 mil-
liard de livres.

Recul de la banque
d’investissement
Chez Barclays, le ton est
moins optimiste. Le directeur
général, James Staley, assure
certes que son établissement
a « bien résisté » dans un envi-
ronnement difficile, mais la
priorité va aux économies. La
direction espère réduire les
coûts sous les 13,6 milliards
de livres, soit plus que prévu.
Après avoir supprimé
3.000 postes au deuxième tri-
mestre, la banque a revu à la
baisse de 23 %, à 456 millions
de livres, l’enveloppe des
bonus pour le premier semes-
tre, relève le « Financial
Times ».
La banque de financement
et d’investissement, scrutée
de près depuis q u’elle est dans
le viseur de l’activiste Edward
Bramson, a enregistré un
recul de son bénéfice net de
18 %, à 1,18 milliard sur le
semestre. La pression sur
cette branche est quelque peu
retombée depuis qu’Edward
Bramson a échoué à entrer au
conseil d’administration lors
de l’assemblée générale, en
mai dernier.n

Etienne Goetz
@etiennegoetz

Malgré le Brexit, tout semble
aller pour le mieux à la City.
Royal Bank of Scotland (RBS)
et Barclays ont enregistré une
hausse record d e leurs bénéfi-
ces. Le résultat net de RBS est
passé de 96 millions de livres
sterling au deuxième trimes-
tre 2018 à 1,3 milliard de livres
entre avril et juin 2019. Même
tendance pour Barclay,s dont
le bénéfice net a presque qua-
druplé au premier semestre
pour atteindre 2,1 milliards de
livres.
En réalité, l’une comme
l’autre ont profité d’une baisse
drastique de leurs provisions
pour litiges. Les comptes de
RBS avaient en effet été grevés
par des provisions en vue d’une
amende américaine liée à la
crise des « subprimes ».
Barclays avait, lui aussi, dû
s’acquitter d’une pénalité finan-
cière outre-Atlantique pour son
rôle dans la crise. Ses résultats
avaient aussi été affectés par le
scandale de l’assurance-em-
prunteur connu sous l’acro-
nyme PPI.
« Compte tenu de l’environne-
ment incertain et concurrentiel,
nous nous concentrons sur ce
que nous pouvons contrôler. Les
coûts sont en baisse, le capital et

Royal Bank of Scotland et
Barclays ont vu leurs
profits s’envoler en
raison d’un effet de base
favorable. Les provisions
pour litiges sont
nettement inférieures,
à période comparable,
à celles de l’année passée.

Résultats en trompe-


l’œil pour les banques


britanniques


nes pour succéder à John Flint.
Celui-ci s era remplacé à titre intéri-
maire par Noel Quinn, le patron de
la banque commerciale.
Si le nouveau patron devait être
recruté à l’extérieur, ce serait la pre-
mière fois que le directeur général
d’HSBC ne serait pas du sérail. Les
nominations de Mark Tucker en
2017 et du nouveau directeur finan-
cier, Ewen Stevenson, venu de RBS
en 2019, avaient déjà ouvert une
brèche. « Ceci contraste avec l’habi-
tude de la banque qui consiste à faire
de la promotion interne », notent les
analystes de S&P Global, évoquant
la « dureté » de l’éviction de John
Flint. « Dans toute succession – sur-
tout lorsque des candidats externes
sont favorisés –, des changements
importants sont possibles, notent les
analystes d’UBS. Nous voyons les

le monde. La mesure intervient
après la suppression de 18.000 pos-
tes chez Deutsche Bank ou
1.600 chez Société Générale – dans
les deux cas essentiellement dans l a
banque d’investissement – et
traduit les difficultés d’un secteur
jusqu’ici synonyme de prospérité.
Elle coûtera entre 650 et 700 mil-
lions de dollars au groupe.
Sur les six premiers mois de
l’année, la banque a enregistré un
bénéfice net en hausse de 18,1 %, à
9,9 milliards de dollars. Les r evenus
ont augmenté de 7,6 % et les coûts
d’exploitation ont baissé de 2,3 %. A
l’échelle du groupe, HSBC continue
de viser u n retour sur fonds propres
supérieur à 11 % en 2020.

(


Lire « Crible »
Page 22

lLa banque britannique pousse vers la sortie son patron John Flint, arrivé il y a dix-huit mois aux commandes.


lLe président du conseil d’administration, Mark Tucker, recherche des candidats externes et internes.


HSBC se sépare brusquement


de son patron et supprime 4.000 postes


Thibaut Madelin
@ThibautMadelin


Ils n’ont pas eu « de mésentente
personnelle, ni de désaccord sur la
stratégie », selon le président du
conseil d’administration d’HSBC,
Mark Tucker. Et pourtant, tout juste
dix-huit mois après sa prise d e fonc-
tion, John Flint a démissionné lundi
avec effet immédiat de son poste de
directeur général du géant finan-
cier britannique.
Une décision qui a pris les mar-
chés de court : le titre a chuté de
plus de 2 % en séance alors que la
banque venait d’annoncer des
résultats semestriels supérieurs
aux attentes, un programme de
rachat d’actions pour 1 milliard de
dollars et la suppression de plus de
4.000 postes dans le monde. « Dans
l’environnement mondial de plus en
plus c omplexe et e xigeant d ans lequel
la banque opère, le conseil d’adminis-
tration estime qu’un changement est
nécessaire pour faire face aux défis
auxquels nous sommes confrontés et
pour saisir les très importantes
opportunités qui sont devant nous »,
a déclaré Mark Tucker.


Enjeux de concurrence
Lors d’une conférence téléphoni-
que, il a évoqué des questions
macroéconomiques et géopoliti-
ques et des enjeux de concurrence.
Basée à Londres depuis 1993, la
banque fondée à Hong Kong en
1865 subit de plein fouet le Brexit,
les tensions commerciales entre
les Etats-Unis ou la concurrence
croissante de banques chinoises.
Pour autant, hormis les manifesta-
tions à Hong Kong qui n’ont pas
d’impact aujourd’hui mais en
auront un « certainement dans la
durée », ces tensions existaient
déjà quand John Flint, un banquier
à la réputation intègre qui a fait sa
carrière dans la maison, a pris la
suite de Stuart Gulliver en
février 2018. S’il ne remet pas en
cause la stratégie, Mark Tucker
semble attendre une exécution
« plus claire et résolue ». Cet ancien
footballeur professionnel, qui a
dirigé deux assureurs de premier
plan (Prudential puis AIA), recher-
che des candidats internes et exter-


BANQUE


coûts et la politique de redistribution
(potentiellement moins généreuse)
comme les deux domaines de change-
ment les plus probables. »

Face à des perspectives de crois-
sance moins sûres en Asie et la
baisse attendue des taux d’intérêt
aux Etats-Unis, où il a abandonné
son objectif de rendement pour
2020, le groupe a annoncé la sup-
pression de 2 % des effectifs (et 4 %
de la masse salariale) du groupe,
qui compte 238.000 employés dans

HSBC continue
de viser un retour
sur fonds propres
supérieur à 11 %
en 2020.

« Les manifestations
à Hong Kong
n’ont pas
d’impact financier
aujourd’hui,
mais elles en auront
certainement
à l’avenir. »
EWEN STEVENSON
Directeur financier de HSBC

FINANCE & MARCHES


Les EchosMardi 6 août 2019

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