Echos - 2019-08-06

(Brent) #1

Pas de champion de la tech sans « Nasdaq européen »


Victor J. Blue/Bloomberg

L


e bilan est là, implacable.
Pour paraphraser la formule
de Nicolas Dufourcq, prési-
dent de bpifrance, la tech française
est une « forêt de bonsaïs », avec
quelques rares succès qui cachent
la forêt. Les start-up c’est bien, mais
il faut aussi des ETI destinées à
devenir des leaders mondiaux.
Crédit impôt recherche péren-
nisé, crédit impôt innovation, label
French Tech, amélioration de la
situation de l’amorçage, incuba-
teurs géants, méga - levées de fonds,
apparition de quelques licornes
hexagonales, flat tax... la France de
Fleur Pellerin et d’Emmanuel
Macron a beaucoup fait pour favo-
riser l’émergence d’une « start-up
nation » avec déjà quelques beaux
résultats. Mais tous les cyclistes le
savent bien, ajouter des maillons à
la chaîne est inefficace s’il manque
le dernier : on peut pédaler autant
que l’on veut, la roue ne tourne pas.
Ce qu’il manque avant tout à la
tech française, et européenne, c’est
une véritable place de marché
orientée vers l’innovation, ou pour

le résumer d’une formule : un
« Nasdaq européen ». La Chine, e lle,
l’a bien compris en créant ces der-
niers jours à Shanghai le STAR Mar-
ket, marché électronique q ui se veut
le concurrent asiatique du Nasdaq.
Nos gouvernants, qui visitent pour-
tant la Silicon Valley, continuent
curieusement de s’interroger.

Euronext n’a pas la cote
En juillet, le ministre de l’Economie
et des Finances, Bruno Le Maire, a
reçu un rapport sur le financement
des entreprises technologiques
françaises, commandé à l’écono-
miste Philippe Tibi. Ce dernier
recommande notamment la créa-
tion de mégafonds d’investissement
dotés chacun de 1 milliard d’euros.
Le document fait néanmoins
l’impasse sur le Nasdaq européen,
considérant qu’Euronext joue déjà
ce rôle, ce que les faits contredisent
depuis plusieurs années.
Avec moins de 20 éditeurs de logi-
ciels cotés à Paris, contre plusieurs
milliers au Nasdaq ou au Nyse, Euro-
next ne fait à l’évidence pas le poids.

marché, pas de moyens substantiels
de financements en capital pour nos
champions de la tech. Le domaine
est en effet hyperintensif en capital.
Produire un champion mondial
nécessite des investissements qui se
calculent en centaines de millions.
En outre, pendant la phase
d’investissement, la priorité est à la
croissance, et non à la rentabilité, ce
que très peu d’investisseurs français
acceptent aujourd’hui, ce qui péna-
lise la valorisation des quelques
sociétés technologiques cotées.

Un partenariat
franco-allemand
La solution est d’abord politique. Le
Nasdaq e uropéen doit être a
minima franco-allemand. Or, les
Allemands, qui regorgent d’entre-
preneurs talentueux, sont à peu
près dans la même situation que la
France. Voici donc une très belle
initiative à proposer d’urgence à
nos partenaires allemands. Cela
doit bien évidemment s’accompa-
gner d’une politique volontariste de
fléchage de l’épargne, et en particu-

LE POINT
DE VUE

de Jamal Labed


lier des 1.700 milliards d’assuran-
ces-vie françaises, qui financent en
grande partie les dettes de l’Etat.
Ensuite se pose l a question de l’ins-
trument. L’échec de la Bourse paneu-
ropéenne électronique Easdaq,
créée dans les années 1990, nous a
enseigné que la création d’une place
ex n ihilo n’était pas la bonne solution,
car elle entrerait en concurrence
avec toutes les 3 places existantes. La
piste Euronext, seule p lace de dimen-
sion européenne, dans le cadre d’un
rapprochement avec la Deutsche
Börse, est de loin la meilleure option.
Seul un ensemble d e cette dimension
aurait l a stature et les moyens de con-
vaincre les entrepreneurs et milieux
financiers. L’Europe des batteries,
l’Europe des industries de défense...
L’Europe est bel et bien capable de
vision à long terme, au-delà des inté-
rêts nationaux. Mais alors pourquoi
pas une Europe de la tech?

Jamal Labed est directeur
général d’EasyVista,
administrateur et ancien
président de Tech In France.

Aujourd’hui, les entrepreneurs
français fuient la Bourse de Paris et
ceux qui sont cotés pensent à se
délister, devant le manque de liqui-
dité et la faiblesse des valorisations,
en comparaison de leurs homolo-
gues cotées sur d’autres Bourses.

Sans véritable place de marché
européenne dédiée aux valeurs de
l’innovation (logiciels, Internet,
cleantech, biotech...), pas de solu-
tions de liquidité pérennes pour les
fonds d’investissement, pas d’analys-
tes spécialisés capables d’éduquer le

Avec moins
de 20 éditeurs
de logiciels cotés
à Paris, contre
plusieurs milliers
au Nasdaq ou au
Nyse, Euronext
ne fait à l’évidence
pas le poids.

DANS LA PRESSE
ÉTRANGÈRE


  • Que faire de son corps après la mort? Selon le quoti-
    dien « The Japan Times », le donner à la science semble
    être la piste privilégiée des Japonais.
    Jusqu’alors, au Japon, les cadavres utilisés pour
    l’avancée scientifique et médicale appartenaient aux
    personnes non identifiées ou sans famille. L’héritage
    bouddhiste imposant qu’après la mort, le corps reste
    inaltéré. Très peu étaient alors enclins à en faire don.


La tendance s’est nettement inversée. On assiste
depuis quelques années à un véritable boom des dons
de corps. Ces derniers sont passés de 68.000 en 1985 à
296.000 en 2019. Selon le conseil consultatif pour la
promotion des dons d’organes Tokushi Kaibon, le
phénomène est tel que les universités nippones sont
contraintes de refuser les dons, faute de moyens
matériels.

Pour George Matsumura, professeur d’anatomie à
l’université de Kyorin, cet intérêt nouveau s’explique par
un changement du rapport à la mort. En effet, la série de
catastrophes naturelles qui a impacté le pays du Soleil-
Levant ces dernières années, aurait confronté beaucoup
de Japonais à la mort de leurs proches. Cela a « rendu les
gens plus conscients et les a poussés à choisir comment ils
souhaitaient finir leur vie », explique le professeur.

De plus, la procédure y est relativement simple. Il suf-
fit de s’inscrire auprès d’une université pour obtenir sa
carte de donneur. Face à une population vieillissante et
volontaire, le nombre d’inscrits est plus élevé que la
demande. Outre l’usage universitaire, les cadavres
pourraient également s ervir aux chirurgiens confirmés
en préparation d ’opérations complexes, p ropose le quo-
tidien. —S. F.

Donner son corps à la science,
nouvelle tendance au Japon

06 // Mardi 6 août 2019 Les Echos


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