Paris Match - France (2018-07)

(Antfer) #1

16 parismatch DU 15 aU 21 octobre 2020


Par François Lestavel
@flestavel
Photo Patrick Fouque

G


ardien du parc natio-
nal des Pyrénées le jour,
Martin se mue le soir
en justicier de la cause animale.
Avec un groupe d’internautes
anonymes, il jette en pâture le
nom et l’adresse des chasseurs
qui ont eu le culot de s’afficher avec leur
trophée. Mais lorsque apparaît la photo
d’une jeune femme posant fièrement, arc
à la main, devant la dépouille du roi des
animaux, personne ne parvient à l’identi-
fier. Furieux, Martin se lance sur la piste
de la Diane chasseresse. La vie d’Apolline,
20 ans, va alors se muer en cauchemar...
Dans ce roman haletant, qui nous
transporte des confins des Pyrénées
au désert de Namibie, Colin Niel inter-
roge la nature humaine, dont les instincts
sauvages ne demandent qu’à se réveil-
ler. Et met en scène un vertigineux choc
des cultures à travers un jeune guerrier
himba, décidé lui aussi à avoir la peau
du vieux lion solitaire, non par sport mais
par nécessité : en pleine sécheresse, le
fauve est une calamité qui décime les
troupeaux de chèvres de sa tribu. « J’ai
volontairement choisi la Namibie pour
ce livre, explique Niel, car elle est exem-
plaire en matière de gestion de sa faune
sauvage. Les populations de lions, d’élé-
phants et de rhinocéros noirs sont en
augmentation depuis vingt ans. Et nous,
Européens, essayons de faire pression sur
les pays africains pour qu’ils interdisent la
chasse aux trophées. Qui est-on pour aller
donner des leçons à ces pays-là? »
Scientifique passionné par les
animaux , ingénieur de formation, Colin
Niel n’avait jamais été mordu par le virus
de l’écriture. Jusqu’à ce que la Guyane

provoque sa mue. Parti y faire un service
civil de seize mois – « l’Amazonie, c’était
le hot spot de la biodiversité! » –, le jeune
homme y est resté six ans. Entre-temps, il
est devenu chef de mission pour la créa-
tion du parc national de Guyane. « Le
scientifique, c’était 10 % de mon travail, le
reste, c’était de la politique, des négocia-
tions, de la gestion d’équipe. J’avais envie
de raconter cette expérience et, surtout,
de ce dont on ne parle jamais lorsqu’on
évoque la Guyane, des gens qui y habitent.
Souvent, ça se réduit à la fusée Ariane, au
bagne ou à la forêt. »

De retour en métropole,
Niel prend la plume pour
déconstruire nos clichés. Il
publie en 2012 « Les hamacs
de carton », premier tome de
la série du capitaine Anato, un
gendarme noir-marron dont les enquêtes
explorent les facettes méconnues de ce
territoire d’outre-mer : suicide des jeunes
Amérindiens, misère sociale,
corruption, sectes protestantes
qui prolifèrent. Le goût de l’exac-
titude chevillé au corps, Niel se
documente avant d’aborder les
thèmes qui lui tiennent à cœur.
Ultra-pointilleux, il a même fait
rire son frangin en s’enquérant,
en Namibie, de l’essence de
bois utilisée pour les clôtures.
« Les détails sont révélateurs, se
défend Niel. Quand je parlais
des Amérindiens dans “Sur le
ciel effondré”, savoir que des
communes sont fans de l’OM
alors que d’autres sont fans du
PSG, ça nous dit beaucoup plus sur leurs
rapports à la France métropolitaine que de
grandes généralités. »
Son prochain livre abordera sans
doute avec le même soin et le même
souci du détail toutes les facettes de la
maltraitance envers les enfants. Et, avec
ou sans Anato, Niel entend encore se pen-
cher à l’avenir sur la confrontation explo-
sive entre les idées écologistes et la réalité
du terrain. « Ce qui m’intéresse, ce sont les
dilemmes, les conflits de loyauté, les zones
grises. » La nuance, une valeur rare dont le
prix ne cesse de flamber. n

Romain Slocombe présente
ses meilleurs veules
En 1943, les nazis sont ivres de rage : le colonel Ritter
vient d’être trucidé en plein Paris par des « terroristes »
du FTP-MOI. L’inspecteur Sadorski est chargé de former
un escadron de gestapistes bien de chez nous pour faire
tomber ce réseau d’ignobles étrangers communistes...
Slocombe poursuit avec brio l’odyssée du plus odieux des
flics. Avec les aventures de ce saligaud, il brosse le tableau
d’une France de Vichy déliquescente. Les collabos pillent,
abusent de leur position, torturent et violent
sans vergogne avant que les cadors du Reich,
entre deux bamboches au lupanar, ne plient
bagage. Retournements de veste express
prévus au prochain tome! F.L.
« La Gestapo Sadorski »,
éd. Robert Laffont, 573 pages, 21 euros.

« Entre fauves »,
de Colin Niel, éd. Rouergue,
352 pages, 21 euros.

Colin niel


GIBIERS ET


POTENCES
Dans son nouveau thriller, l’auteur de « Seules
les bêtes » suit la piste d’un militant écolo
qui traque sans pitié une chasseuse de lion.

CULTURE
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