Le Monde - 03.09.2019

(Nancy Kaufman) #1

16 |sports MARDI 3 SEPTEMBRE 2019


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Neymar­PSG : et maintenant la réconciliation


Le Brésilien a renoncé à partir à Barcelone. Au PSG, il devra faire oublier le semi­fiasco des deux saisons passées


RÉCIT


L


es valises de Neymar Jr
étaient bouclées depuis
longtemps et entrepo­
sées dans sa villa cossue
de Bougival (Yvelines). Mais l’atta­
quant brésilien ne déménagera
finalement pas. L’interminable
feuilleton de son vrai faux départ
du Paris­Saint­Germain s’est
achevé, samedi 31 août, quand
l’ancien Barcelonais a acté l’échec
de son projet de retour en Catalo­
gne, à quelques jours de la clôture
du marché estival des transferts,
fixée au lundi 2 septembre.
Alors que L’Equipe annonçait
que la star de 27 ans était même
disposée à verser 20 millions
d’euros de sa poche pour porter à
nouveau le maillot de son ex­club
(2013­2017), Neymar Jr a annoncé
à son entourage et à ses partenai­
res, comme Le Monde en a eu la
confirmation, qu’il avait décidé
d’arrêter les négociations autour
d’un éventuel transfert.
Conscient que les tractations
entre le club de la capitale et le FC
Barcelone ne déboucheraient sur
aucun accord avant la fin du
mercato, l’attaquant brésilien de
27 ans, sous contrat jusqu’en 2022,
portera donc le maillot parisien
cette saison. Ce renoncement met
un terme à un long feuilleton,
avec son lot de rumeurs folles, de
coups de bluff, de déclarations en­
flammées, de tentatives de désta­
bilisation et d’outrances.
Secondés par l’agent israélo­bri­
tannique Pini Zahavi, qui avait
bouclé l’arrivée de Neymar au
PSG, les émissaires blaugranas
ont déployé des trésors d’imagi­
nation pour résoudre la quadra­
ture du cercle : proposer un mon­
tage financier à même de satis­
faire les dirigeants de Qatar
Sports Investments (QSI). Et ce
alors que le Barça vient de recru­
ter le Français Antoine Griez­
mann (120 millions d’euros) et le
Néerlandais Frenkie de Jong
(75 millions d’euros).
Après plusieurs tentatives in­
fructueuses, la direction catalane
a proposé une somme estimée à
140 millions d’euros, assortie du
transfert définitif du milieu
croate Ivan Rakitic (31 ans), vice­
champion du monde en Russie, et
du prêt, pour un an, d’Ousmane
Dembélé (22 ans). Mais le jeune
ailier des Bleus a refusé de quitter
le Barça. Et le PSG a retoqué l’offre,
signant la fin d’une longue partie
de poker menteur qui aura animé
l’été et brouillé un peu plus
l’image de Neymar en France. « Le
Barça a fait une seule offre, et elle
était inadaptée, avec un montant
en cash pas assez élevé », résume
un proche du dossier.

La fin d’un cycle?
Cette exfiltration avortée mar­
que­t­elle la fin d’un cycle pour
Neymar, dont les deux premières
années parisiennes ont recelé
leur lot de frustrations et de rup­
tures? En août 2017, qui aurait pu
croire qu’il connaîtrait autant de
désillusions, jusqu’à vouloir re­
trouver son ancien club avec le­
quel il est en procès pour une
prime qu’il réclame?
Du statut de star planétaire fai­
sant l’unanimité, Neymar est
passé à celui de diva capricieuse et
poussée vers la sortie par une
frange du public du Parc des Prin­
ces. Au terme de deux saisons gâ­
chées par les blessures (deux frac­
tures au métatarse), le premier
chapitre parisien du joueur s’ap­
parente à un semi­fiasco à la fois
sportif (malgré des statistiques
bluffantes : 51 buts et 27 passes dé­
cisives en 58 matchs), médiatique
et politique pour les dignitaires
de Qatar Sports Investments, pro­
priétaires du club depuis 2011.
En août 2017, Neymar est pour­
tant accueilli, lors de sa confé­
rence de presse de présentation,
comme le « nouveau Pelé », sous
les vivats des supporteurs et des

journalistes. « Je veux quelque
chose de plus grand. J’ai fait le
choix du cœur », assure l’ex­pro­
dige de Santos et du Barça. Rému­
néré à hauteur de 3,06 millions
euros brut mensuels, Neymar
considère le PSG comme un mar­
chepied dans sa quête du Ballon
d’or. Il espère entrer dans le céna­
cle des Lionel Messi et Cristiano
Ronaldo, qui monopolisent le tro­
phée depuis une décennie.
Aux yeux des dirigeants de QSI,
Neymar devient la vitrine com­
merciale et marketing d’un PSG
encore sonné par la traumati­
sante remontada du FC Barcelone
(victoire 6­1 au retour après une
défaite 4­0 à l’aller), en huitièmes
de finale de la Ligue des cham­
pions. Son transfert record, véri­
table casse du siècle, s’explique
aussi par l’isolement du Qatar, qui
fait l’objet du boycott économi­
que et commercial de ses voisins
du Golfe. Neymar devient une po­
lice d’assurance pour le Mondial
2022, attribué à l’émirat gazier sur
fond de soupçons de corruption.
Avec Neymar, le Qatar renforce
sa visibilité (le joueur devient
en 2018 l’ambassadeur de la
banque nationale de l’émirat) et
espère enfin atteindre le cap des
demi­finales en Ligue des cham­
pions. Ses dirigeants veulent
aussi profiter des retombées
économiques du partenariat
scellé avec Nike, sponsor du
Brésilien et du jeune français Ky­
lian Mbappé, enrôlé à l’été 2017
contre 180 millions d’euros.
Tandis que l’Union des associa­
tions européennes de football
(UEFA) diligente une enquête
(classée en mars 2019) contre le
PSG dans le cadre du mécanisme
du fair­play financier, le transfert
le plus onéreux de l’histoire fait
tousser plusieurs dirigeants de
club, alarmés par cette course à
l’armement à laquelle se livrent
les Qataris. Le président de

s’est, cette fois, blessé tout seul.
Sous le regard médusé de son en­
traîneur, Unai Emery, et du prési­
dent du PSG, Nasser Al­Khelaïfi,
Neymar est exfiltré du terrain sur
une civière. Au­delà des atermoie­
ments autour du diagnostic mé­
dical et des dissonances entre la
communication du PSG et celle
du clan Neymar, cette blessure
(fracture du 5e métatarsien) hypo­
thèque les chances du PSG, éli­
miné (2­1 au retour) par le Real
Madrid en huitièmes de finale re­
tour de Ligue des champions.
Opéré en mars au Brésil, l’atta­
quant se prépare en vue de la
Coupe du monde en Russie. Les
nerfs en capilotade, il s’y distin­
gue surtout par ses effusions la­
crymales lors du deuxième
match de poules contre le Costa
Rica, ses invectives et sa propen­
sion à se jeter par terre pour obte­
nir des penaltys. Malgré ses fulgu­
rances, la Seleçao de l’inconstant
Neymar est éliminée (2­1) par la
Belgique en quarts de finale.
La deuxième saison parisienne
du Brésilien doit être celle du ra­
chat. En lévitation à l’automne, il
enquille les buts, hausse son
niveau de jeu. Sa « grinta » lors de
la victoire (2­1) contre Liverpool,
en Ligue des champions, séduit
les supporteurs.
Le 23 janvier 2019, c’est la re­
chute : Neymar se blesse à nou­
veau au pied droit contre Stras­
bourg, en Coupe de France. Il sort
du terrain, les larmes aux yeux,
sous les applaudissements du pu­
blic parisien. Son absence est pré­
judiciable au PSG, renversé (3­1)
par Manchester United, le 6 mars,
en huitièmes de finale de Ligue
des champions.
En avril, tout juste revenu sur les
terrains, Neymar gifle un suppor­
teur rennais lors de la finale de la
Coupe de France perdue (aux tirs
au but) par le PSG contre le club
breton. Le supporteur porte
plainte pour violences contre le

joueur, suspendu trois matchs
par la Fédération française de
football (FFF).
Le 18 juin, alors que la presse es­
pagnole affirme que Neymar sou­
haite retourner en Liga, Nasser
Al­Khelaïfi secoue le cocotier.
« Personne n’a forcé Neymar à si­
gner au PSG », déclare à France
Football le président du PSG, sou­
dainement rebuté par les « com­
portements de stars » dans son
vestiaire. C’est le début du feuille­
ton de son vrai faux départ.

La rupture
Accusé de viol dans son pays (la
plainte a été classée sans suite), le
joueur connaît une nouvelle in­
fortune sur les terrains : une
énième blessure à la cheville
l’oblige à déclarer forfait pour la
Copa America, organisée au Brésil
et remportée par la Seleçao.
La rupture entre le joueur et le
public parisien paraît consom­
mée, le 11 août, lorsque les suppor­
teurs dits « ultras » du PSG ont ré­
clamé le départ de la star, en bran­
dissant une banderole au contenu
très explicite (« Neymar, casse­
toi ») lors de la réception de Nîmes
au Parc des Princes, en clôture de
la première journée de Ligue 1. Le
Collectif Ultras Paris (CUP) n’a pas
pardonné au Brésilien d’avoir
confessé, en juillet, que la remon­
tada du FC Barcelone contre le
PSG (victoire 6­1 au Camp Nou
après une défaite 4­0 au Parc), en
mars 2017, constituait « le meilleur
souvenir de sa carrière ».
Désireux de quitter le club coûte
que coûte, Neymar n’obtient fina­
lement pas son bon de sortie,
faute d’accord entre les dirigeants
parisiens – parmi lesquels le
directeur sportif Leonardo appa­
raît comme le grand « gagnant »
de ce bras de fer – et leurs homolo­
gues barcelonais.
« Je suis venu, j’ai vu, j’ai
vaincu », avait déclaré le buteur
Zlatan Ibrahimovic, en 2016, au
moment de quitter le PSG après
quatre saisons très riches.
Première figure de proue du pro­
jet mis en place dans la capitale
par QSI, le géant suédois avait
pris des accents césariens pour
faire ses adieux à l’Hexagone du
football. Neymar devra enchaî­
ner les exploits et se réconcilier
avec le public du Parc des Princes
pour avoir droit à une sortie
aussi triomphale.
rémi dupré

Neymar,
à Saint­
Germain­
en­Laye
(Yvelines),
le 17 août.
FRANCK FIFE/AFP

Le 18 juin,
le président
du PSG secoue
le cocotier :
« Personne
n’a forcé Neymar
à signer au PSG »

l’Olympique lyonnais, Jean­Mi­
chel Aulas s’inquiète et dénonce
« une forme de distorsion de
concurrence ». La Ligue de
football professionnel (LFP) ap­
plaudit et y voit le signe annon­
ciateur de l’envolée des droits té­
lévisés de la Ligue 1.
Les premiers pas du Brésilien
dans le championnat de France
sont lumineux. Le 13 août 2017,
l’artiste subjugue les spectateurs
du stade de Roudourou, à
Guingamp. Passeur décisif, il
inscrit son premier but dans
l’Hexagone, scellant la large vic­
toire (3­0) du PSG.
L’idylle entre Neymar et le PSG
se prolonge en cette entame de la
saison 2017­2018. Son entente
avec le duo d’attaquants Mbappé­
Cavani est prometteuse. Mais, le
17 septembre 2017, après le choc
au Parc contre Lyon (2­0), Neymar
tente d’arracher le ballon des
mains de l’attaquant uruguayen
alors que ce dernier s’apprête à ti­
rer (et manquer) un penalty. Au
terme du match, les deux hom­
mes se querellent et sont séparés
par leurs coéquipiers. Le « Penal­
tygate » constitue un premier
coup de canif sérieux.
Le 17 janvier 2018, Neymar
froisse les supporteurs lors de la
réception de Dijon (victoire 8­0)
au Parc. Il refuse de laisser
Cavani tirer un penalty, privant
ainsi l’Uruguayen (à égalité avec
Zlatan Ibrahimovic) d’un record
de buts marqués avec le PSG.
Auteur d’un quadruplé et de
deux passes décisives, il s’attire
des tombereaux de sifflets.

Une première fracture
L’attente autour du Brésilien est
écrasante avant les huitièmes de
finale de la Ligue des champions
contre le Real Madrid. Le 14 fé­
vrier 2018, au stade Santigo­Ber­
nabeu, le PSG coule (3­1) contre les
Merengue de Zinédine Zidane
lors de la manche aller. Les
frictions entre Neymar et Cavani
apparaissent au grand jour.
Le club n’est pas au bout de ses
peines. Le 25 février 2018, lors de
la victoire (3­0) du Paris­Saint­
Germain contre l’Olympique de
Marseille, Neymar s’écroule sur la
pelouse, en larmes, les mains sur
son visage. Après un duel avec le
Phocéen Bouna Sarr, la star vient
de se tordre la cheville. Régulière­
ment « fauché » par les défen­
seurs marseillais, l’attaquant

En août 2017,
Neymar est
accueilli comme
le « nouveau
Pelé », sous
les vivats des
supporteurs et
des journalistes

LES  DATES


3  AOÛT  2017
Neymar, en provenance
du FC Barcelone, s’engage
pour cinq ans avec le PSG,
pour un montant record
de 220 millions d’euros.

25  FÉVRIER  2018
Le PSG remporte le clasico face
à l’OM (3-0), mais Neymar sort
sur civière après s’être tordu
la cheville droite, tout seul.

23  JANVIER  2019
Neymar se blesse à nouveau
au pied droit contre Strasbourg,
en Coupe de France.

6  MARS
Son absence est préjudiciable
au PSG, renversé (3-1) par Man-
chester United, en huitièmes de
finale de Ligue des champions.

27 AVRIL
Tout juste revenu sur les ter-
rains, Neymar gifle un suppor-
teur rennais lors de la finale
de la Coupe de France, perdue
par le PSG contre le club breton.
Le Brésilien est suspendu
pendant trois matchs.

18 JUIN
« Je veux des joueurs prêts à tout
donner pour défendre l’honneur
du maillot », déclare à France
Football le président
du PSG, Nasser Al-Khelaïfi,
alors que la presse espagnole
affirme que Neymar souhaite
retourner en Liga.

31  AOÛT
Au terme d’une partie de poker
menteur et à deux jours de la
clôture du marché estival des
transferts, Neymar acte l’échec
de son projet de retour en
Catalogne, faute d’accord entre
les dirigeants parisiens et leurs
homologues barcelonais.
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