Le Monde - 15.02.2020

(Romina) #1
Reconnaissant un « droit à la mobilité », le texte
entend répondre aux inégalités de déplacement
et aux fractures territoriales. Entre autres mesures
destinées aux publics empêchés : un accompa-
gnement individualisé pour tout demandeur
d’emploi ; la possibilité pour les collectivités de
mettre en œuvre des services de mobilité à carac-
tère solidaire ou de verser des aides individuelles.
« C’est un changement de paradigme bienvenu qui
devrait faciliter le travail des acteurs de terrain qui
se mobilisent depuis deux décennies sur ces
enjeux », espère Éric Le Breton.

MICKAËL


se souvient
des offres
d’em-
bauche qu’il a dû refuser, faute de pouvoir s’y
rendre, des entretiens écourtés, aussitôt l’ab-
sence de permis remarquée sur son CV. « Tout ce
qu’on vous demande, c’est d’avoir une voiture,
même si vous n’avez pas de toit », constate-t-il. La
rue, il l’a connue trois ans, quand il avait 20 ans.
Une embrouille avec ses parents. C’est sa copine
qui l’a sorti de là. Il s’est installé chez elle, dans
une cité HLM du Val-de-Marne. À cette époque,
ce n’était pas les lacets d’Auvergne qu’il arpen-
tait, mais les lignes de RER et de bus pour des
missions d’intérim d’un bout à l’autre des zones
industrielles franciliennes. Une double peine,
pointe le jeune homme  : « C’est à ceux qui
peuvent pas bouger qu’on demande d’aller bosser
le plus loin. » C’est pour leur fille de 12 ans, qui
était « agitée », que Mickaël et sa copine ont
décidé de quitter leur cité pour rejoindre les
beaux-parents installés dans le Puy-de-Dôme.
Ils voulaient changer de cadre. Ici, la vie sem-
blait « plus facile et moins chère ». Même s’il faut
faire le plein du scooter tous les deux jours :
5 bidons par mois, 100 euros qui partent sur les
890 de salaire. Cette bécane dégotée 400 euros
sur Leboncoin leur évite toutefois les 15 kilo-
mètres à pied qu’il fallait faire jusqu’à l’Intermar-
ché d’Auzances, quand le beau-père ne pouvait
pas les y conduire.
C’est Pôle emploi qui a orienté Mickaël vers la
blanchisserie La Bujade, un chantier d’insertion,
et vers la Plateforme de mobilité du Puy-de-Dôme
(Plateforme mobilité 63), une structure du réseau
national Mob’In (pour mobilité inclusive) qui
accompagne ceux qui rencontrent des difficultés
de mobilité. Un boulot en même temps qu’un
accompagnement pour le permis, l’horizon s’est
vite dégagé. Cet examen, si cher, lui semblait hors
de portée. Le brevet de sécurité routière

MICKAËL SE SOUVIENT DES OFFRES D’EMBAUCHE


QU’IL A DÛ REFUSER, FAUTE DE POUVOIR S’Y RENDRE,


DES ENTRETIENS ÉCOURTÉS, AUSSITÔT L’ABSENCE


DE PERMIS REMARQUÉE SUR SON CV. “TOUT CE


QU’ON VOUS DEMANDE, C’EST D’AVOIR UNE VOITURE,


MÊME SI VOUS N’AVEZ PAS DE TOIT”, CONSTATE-T-IL.


Page de gauche, Stéphanie, 38 ans, bénéficiaire
de la Plateforme de mobilité du Puy-de-Dôme, inscrite
dans un cursus d’apprentissage du code de la route,
vient de faire son premier trajet en covoiturage.

Ci-contre, Mickaël travaille à la blanchisserie
La Bujade, un chantier d’insertion. Il vient d’obtenir
son code et prépare son permis assidûment.

LE MAGAZINE

Pascal AImar/Tendance floue pour Le Monde

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