Esprit Yoga — Mai-Juin 2017

(Rick Simeone) #1

Les perLes d’AnAndA


âme & l’esprit


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Docteure en Études indiennes, Ananda Ceballos est aussi
formatrice à l’École Française de Yoga et psychologue spéciali-
sée en troubles du comportement alimentaire (www.yoome.fr).

libre


de toute


DépenDAnce


L’une de caractéristiques du yoga est la place unique qu’il
donne au corps comme moyen pour atteindre la libération.

Élucider la notion de la liberté et les moyens d’y ac-
céder a été, en Inde, la source de toute réflexion phi-
losophique. Le yoga constitue une réponse à cette
question et donc une voie vers le « salut » : la libé-
ration (moksha). Mais, si pour certains la liberté peut
être expérimentée dans ce monde, pour d’autres
l’être humain n’y accèderait qu’après la mort. Se li-
bérer du corps ou se libérer dans le corps? Voici une
question qui a traversé les âges en Inde et qui reste
presque entière dans la discipline yogique.

Le yoga, et tout particulièrement le yoga tantrique,
attribue une place unique au corps comme moyen
pour atteindre la libération. Toutefois, comme nous
le rappelle l’indianiste français André Padoux, « l’at-
titude indienne envers le corps semble toujours avoir
été double ». En effet, le corps a été conçu en Inde
aussi bien comme source d’esclavage que comme
moyen et comme le lieu même de la libération. D’une
part, imparfait, sujet à la vieillesse et à la maladie, le
corps, « puant, magma d’os, de peau, de muscles »^1 ,
devait d’abord être contrôlé par l’ascèse et ensuite
dépassé. D’autre part, en raison de sa nature et de
sa structure, intimement liées à celles de l’univers, le
corps « citadelle de brahman (l’Absolu) », était exalté

comme étant divin ou, en tout cas, susceptible d’être
divinisé. Héritier plutôt de cette deuxième conception
du corps, le yogi tantrique, transcendant sa condition
mortelle, peut en effet se « libérer en vie » (jîvan-muk-
ti). D’autres formes de yoga considèrent néanmoins
que ce n’est qu’après la mort, « sans le corps », que
l’homme peut avoir l’expérience de la libération.

Une figure du « délivré vivant » a été Ramana Maharsi
(1879-1950), le « sage d’Arunachala ». Pour atteindre
la libération, il préconisait une enquête sobrement
résumée dans la question « qui suis-je? » Une re-
cherche spirituelle qui vise l’abandon de l’ego et la
découverte du « Soi ». Cette question constitue une
voie de « dé-conditionnement » qui laisse émerger ce
qui est déjà là, de toute éternité, dépouillé de condi-
tionnements physiques et psychologiques, au-delà
du temps et de l’espace. Mais alors, qui se libère de
quoi? Le « délivré vivant » se libère du savoir illusoire
qui pousse l’homme à se croire un être séparé et qui
défigure et enténèbre la luminosité intrinsèque du
Soi. Ainsi libéré de toute volonté fondée sur son ego,
toute forme de peur dissoute, l’homme se découvre
lui-même sans limites et fait l’expérience ineffable de
la plénitude, de la joie et de la perfection absolues.

«La liberté ce n’est pas de faire ce que je veux (...),
mais de voir quel désir déploie entièrement mon essence»
Alexandre Jollien

(1) Maitrî Upanishad, III.

Par Ananda Ceballos

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