Les Echos - 31.10.2019

(Martin Jones) #1
gressivement leur participation
dans le groupe américain. En 2014,
ils acquièrent 100 % du capital et
présentent un plan de redresse-
ment ambitieux. FCA mise sur le
marché nord-américain et sur
l’une de ses marques emblémati-
ques, Jeep. Le nouveau patron Ser-
gio Marchionne a alors senti le bas-
culement du marché vers les SUV.
Un travail poursuivi depuis sa mort
l’an dernier par Mike Manley.

Une nouvelle usine
La réussite est au rendez-vous. Si
Chrysler a perdu sa place de troi-
sième constructeur aux Etats-
Unis, aux dépens du japonais
Toyota, le groupe a regagné des
parts de marché. Il vend désormais
13 % des véhicules écoulés aux
Etats-Unis, dépassant son niveau
d’avant la crise. Et l’Amérique
génère l’écrasante majorité des
profits du groupe.
Jeep en est la marque phare. Elle
a augmenté sa part de marché de
45 % sur les SUV au cours de la der-
nière décennie et a permis au

groupe de résister, notamment en
Europe. Ses ventes se sont envolées
de 14 % l’an dernier. Pour faire face
à la demande, une nouvelle usine
Jeep va être construite à Detroit.
Elle fait partie d’un investissement
total de 4,5 milliards de dollars aux
Etats-Unis.
La marque de pick-up et de
camions légers RAM a aussi béné-
ficié d’un marché porteur. Elle a
contribué à améliorer la rentabilité
du groupe cette année, générant
même un bénéfice record sur le
marché a méricain. Le RAM
Classic et le RAM 1.500 ont battu,
sur les six premiers mois de 2019, le
modèle de General Motors dans
leur catégorie, le Silverado.
Comme pour ses concurrents,
les défis sont nombreux pour FCA.
Il doit intensifier ses investisse-
ments s ur les véhicules électriques.
Il prévoit d’électrifier une partie de
sa gamme dans les douze à dix-huit
prochains mois, dont sa Jeep
Wrangler. Le ralentissement des
ventes, après plusieurs années
record, devrait aussi s’accentuer.n

FCA porté par le marché américain


Nicolas Rauline
@nrauline
—Bureau de New York

Le marché automobile améri-
cain continue de faire de la résis-
tance. Fiat Chrysler Automobile
(FCA) est l’un des constructeurs qui
en profite le plus. Jusqu’à présent,
la bonne santé économique des
Etats-Unis et l’appétit des consom-
mateurs pour les gros modèles,
SUV et pick-up, ont porté le groupe
italo-américain.
FCA récolte ainsi les fruits de sa
stratégie. Fiat et la famille Agnelli
ont repris un Chrysler moribond,
en procédure de faillite après la
crise de 2008, augmentant pro-

Depuis le rachat de
Chrysler, le groupe
italo-américain, qui a misé
sur les SUV et les pick-up,
a vu son centre de gravité
basculer vers les Etats-
Unis. Ses marques Jeep
et RAM sont parmi les plus
dynamiques.

tructeurs chinois. Ces derniers sont
désormais capables de proposer
des voitures de qualité et d’avoir une
offre produits en ligne avec les
attentes, tout en proposant des prix
extrêmement attractifs.
« Chez Fiat Chrysler, Jeep est le seul
produit phare tandis que les autres
marques n’ont toujours pas trouvé
leur place sur le marché chinois »,
constate le directeur du cabinet
Wenfeng Automobile Consultancy,
Zhang Zhiyong. Quant à PSA, « le
constructeur s’est marginalisé en ne
proposant pas de véhicules en adé-
quation avec la demande », poursuit
l’analyste.

Synergies du côté
des concessionnaires
S’il est peu probable qu’une fusion
permette aux deux constructeurs
de relancer leurs ventes rapide-
ment, « le moment est sans doute
opportun de tout remettre à plat et de
trouver des synergies, estime un
industriel. Les deux groupes souf-
frent d’un problème de positionne-
ment de leurs marques mais aussi de
difficultés d’accès au marché et des
synergies sont à chercher du côté du
réseau de concessionnaires ». Les
synergies du côté de l’appareil
industriel seront plus compliquées
à mettre en place, FCA et PSA ayant
des partenaires chinois différents.
Le français s’est engagé, pour sa
part, dans une lourde restructura-
tion avec Dongfeng. Cela pourrait
passer, selon Reuters, par la ferme-
ture de deux de leurs cinq usines.
Dongfeng, qui détient environ 12 %
du capital de PSA, pourrait avoir son
mot à dire sur l’opération. Son cours
s’est replié mardi de 2,38 % à la
Bourse de Hong Kong, celui de GAC
de 5,58 % suite à l’annonce des dis-
cussions entre FCA et PSA.n

Frédéric Schaeffer
@fr_schaeffer
— Correspondant à Pékin

La potentielle fusion Fiat Chrysler
Automobiles (FCA) et PSA ne risque
pas d’ê tre rejetée par Pékin pour
abus de position dominante... Les
deux constructeurs n’o ccupent
qu’une place très marginale en
Chine, le premier marché au
monde. Ensemble, ils possèdent
une part de marché inférieure à...
1 %. Et les affaires ne vont pas en
s’améliorant. Coté français, DPCA,
la coentreprise avec son partenaire
et actionnaire Dongfeng, a vu ses
ventes diviser par plus de deux au
cours des neuf premiers mois de
l’année, pour s’établir à 91.049 uni-
tés. Cela ne va guère mieux du côté
de Fiat Chrysler. Les ventes de son
joint-venture avec son partenaire
GAC o nt chuté de 46 %, à 52.372 uni-
tés. Et si l’opération de rapproche-
ment vise à faire entrer la future
entité dans le Top 5 mondial, elle
restera à la porte du Top 10 en Chine.
FCA et PSA sont, tous deux, très
exposés au retournement du mar-
ché chinois, en repli de 10 %. Ils sont
positionnés sur le milieu de gamme,
un segment qui souffre particulière-
ment de la chute actuelle de la
demande chinoise. Néanmoins,
d’autres groupes, comme Volkswa-
gen ou GM, s’e n tirent mieux. Les
difficultés ne datent pas d’hier. Les
deux groupes ont subi de plein fouet
l’arrivée de la concurrence de cons-

Les deux constructeurs
voient leurs ventes s’effon-
drer sur le premier marché
automobile au monde.
Ensemble, ils possèdent une
part de marché inférieure à
1 % en Chine.

La Chine, gros point noir


des deux constructeurs


Pierre de Gasquet
— A Turin

« Ne pas avoir peur du neuf, il faut
effacer de son vocabulaire la
parole impossible... » Le président
de FCA, John Elkann, a fait inscrire
cette citation de son grand-père,
Gianni Agnelli, sur le frontispice
de la Fondation Agnelli, à Turin. Le
climat était, hier, à l’attente fébrile
dans la capitale piémontaise où
le constructeur italien a fêté son
120 e anniversaire en juillet. Fébrile,
avec une certaine dose d’anxiété
liée aux déconvenues récentes.
Cinq mois après avoir officielle-
ment renoncé, le 6 juin, à son offre
de fusion avec Renault-Nissan,
l’héritier des Agnelli se retrouve
dans la position d’avoir réinventé
une fusion stratégique en un temps
record. A la différence près que
FCA fait davantage figure de cible
que d’intégrateur cette fois-ci.
Certains y voient le signe d’une
urgente nécessité d’alliance pour le
constructeur italien. L’entourage
de John Elkann préfère y voir le
signe d’une vision réaliste, de
l’impérieuse nécessité d’une
urgente consolidation de l’indus-
trie automobile en Europe.

Plus de temps à perdre
« Contrairement à ce que l’on pense,
John Elkann ne veut pas sortir de
l’automobile : il reste persuadé que
c’est la mère de toutes les technolo-
gies », confie l’entourage du prési-
dent de FCA. Sortir, non ; en délé-
guer la gestion à un partenaire
capable de combler le retard du
groupe dans la voiture électrique et
à doubler sa capacité d’investisse-
ment à un moment charnière pour
toute l’industrie, oui.
« FCA parle plus facilement avec
PSA qu’avec Renault », assure un
banquier italien. « Cette fois-ci, c’est
Mike Manley [CEO de FCA] qui a les
coudées franches pour mener les
négociations avec Carlos Tavares,
avec l’aide des banquiers de Gold-
man Sachs aux Etats-Unis. »
Si la prudence est encore de mise
à Turin, il reste à analyser les rai-
sons d’un retournement d’alliance
qui ne va pas de soi. Lors d’une ren-
contre organisée à la veille de
l’annonce de la fusion FCA-Re-
nault, John Elkann avait pris soin

d’avertir personnellement Robert
Peugeot, représentant de son par-
tenaire de longue date dans les
véhicules commerciaux. Mais il
avait aussi été vivement irrité par la
«fuite» d’un «mémo interne» de
Carlo Tavares visant à faire capoter
la fusion.
Paradoxalement, FCA mise
aujourd’hui sur le charisme du
patron français pour obtenir le feu
vert du gouvernement d’Edouard
Philippe. C’est peu dire que le
groupe italien a été profondément
agacé, voire meurtri, par les ater-
moiements de la France, et en par-
ticulier du ministre de l’Economie,
Bruno Le Maire, sur son offre ini-
tiale de fusion avec Renaut-Nissan.
« Nissan n’a jamais été le vrai pro-
blème : c’était un pur prétexte. Ce
sont les garanties demandées par le
gouvernement français qui ont fait
sauter l’accord en juin », assure
l’entourage du président de FCA.
Pourquoi, cette fois, John Elk-
ann s’est-il laissé convaincre qu’une
fusion avec PSA a plus de chances
d’aller à bon port aujourd’hui?
« Senard et Elkann avaient sous-
estimé les difficultés d’un ménage à
trois. Renault n’a pas clarifié ses
liens avec Nissan. Dans le cadre
d’une fusion avec PSA, le chinois
Dongfeng pourra se laisser diluer »,
avance Giuseppe Berta, professeur
à la Bocconi et spécialiste de l’his-
toire industrielle de Fiat. En clair, ce
n’est plus un mariage forcé entre
deux canards boiteux, mais une
alliance avec un « surdoué de la

réduction des coûts ». « L’espoir est
que les marques les plus vulnérables
de FCA en Italie, Alfa Romeo et
Maserati, pourront être relancées
sous la houlette de l’homme qui a
réussi à redresser Opel en Allema-
gne », ajoute-t-il. Malgré la relance
de Jeep, le « joyau » de FCA, et la
percée de RAM aux Etats-Unis, le
constructeur italien souffre encore
d’un sous-investissement chroni-
que dans l’électrique, avec seule-
ment deux modèles en prépara-
tion : la nouvelle 500 électrique fin
2020 et une Panda pour 2022.

Nouveau rôle chez Exor
Les vraies raisons du revirement
de John Elkann sont surtout à
rechercher dans son nouveau rôle
à la tête d’Exor, la société d’investis-
sement familiale. Basée aux Pays-
Bas, elle détient près de 30 % de
FCA (et 42 % des droits de vote),
Ferrari, PartnerRe, 43 % de « The
Economist » et la Juventus...
« Depuis la disparition de Sergio
Marchionne [ex-CEO de FCA] il y a
un an, John Elkann est clairement
le seul maître à bord. Sa priorité est
de maintenir unies les différentes
branches de la famille élargie,
actionnaires d’Exor, et de réduire sa
dette [2,5 milliards de dollars] »,
explique un banquier.
Pour l’héritier des Agnelli, qui a
tout fait pour transformer Exor en
holding diversifié – à la Berkshire
Hathaway de Warren Buffett –,
l’heure de l’alliance a sonné face à
la révolution de la mobilité.n

Les raisons du « retournement


d’alliance » de John Elkann


Un an après la disparition
de Sergio Marchionne,
la priorité absolue
pour l’héritier des Agnelli
reste de sceller une
alliance internationale
afin de faire face aux
investissements liés à la
révolution de la mobilité.

Le président de Fiat Chrysler, John Elkann.

Ils ont dit


« « L’Etat sera
particulièrement
vigilant sur la
préservation
de l’empreinte
industrielle. »
BRUNO LE MAIRE
Ministre de l’Economie
Ludovic


Mari/AFP


« Je reste méfiant,
mais je vois pas
mal d’avantages
[...], cela permettra
à PSA d’avoir
une taille plus
importante. »
PATRICK MICHEL FO
(1er syndicat de PSA)

DR


Lapone/Fotogramma/Ropi/RÉA

Les Echos Jeudi 31 octobre vendredi 1er et samedi 2 novembre 2019 ENTREPRISES// 17

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