Les Echos - 31.10.2019

(Martin Jones) #1

Les Echos Jeudi 31 octobre vendredi 1er et samedi 2 novembre 2019 HIGH-TECH & MEDIAS// 23


Nouvellesmutations technologiques...


Pour le meilleuroupourlepire?


«Unedescriptionavectalentet pédagogiedesgrandes
révolutionstechnologiquesactuellementàl’œuvre.»

LesÉchos


«Lemondequi vientdressel’étatdeslieuxdupouvoir
dunumériquesurnosmodesdevieetdonnelesclés
pourledéfiertoutenl’exploitantànotreavantage.»

LeFigaro


«Vertigineuxetstimulant.Uneinvitationàneplussubir.»


Ouest-France


«Unouvragepassionnant.»


Radio Classique


ques centaines de parties, Alpha-
Star a atteint le niveau
GrandMaster (« grand maître »),
qui correspond aux 200 meilleurs
joueurs d’un serveur.
Ce n’est pas la première fois que
DeepMind se fait remarquer.
L’entreprise, fondée à Londres en
2010 et rachetée par Google trois
ans plus tard pour environ
500 millions de dollars, est deve-
nue mondialement célèbre
avec AlphaGo, qui a battu en
mars 2016 le champion coréen de
go Lee Sedol.

Des dizaines de milliers
de parties
En décembre 2018, une nouvelle
version de l’algorithme, Alpha-
Zero, avait atteint le niveau d’un
champion d’échecs, de go et de
shogi uniquement en jouant
contre elle-même. Enfin, en jan-
vier 2019, DeepMind avait annoncé
sa volonté de s’attaquer à Star-
Craft II en présentant une pre-
mière mouture d’AlphaStar, e n col-
laboration avec Blizzard.
Très pratiqué dans les compéti-
tions d’e-sport, StarCraft II intéresse
aussi les chercheurs en IA e n raison
de sa complexité. En effet, contrai-
rement au go ou aux échecs, les
joueurs ne voient pas l’intégralité
du plateau quand ils élaborent leur
stratégie – les s pécialistes parlent de

Une intelligence artificielle de DeepMind


sacrée « grand maître » à StarCraft


l La filiale de recherche en IA d’Alphabet vient d’annoncer que son nouveau système, AlphaStar, avait atteint


le niveau des meilleurs humains à un jeu de stratégie en temps réel.


lL’entreprise britannique DeepMind est célèbre pour avoir battu le champion du monde de go en 2016.


Benoît Georges
@bengeorges


On peut être à la fois champion de
go, d’échecs... et de jeu vidéo!
L’entreprise britannique Deep-
Mind, filiale d’Alphabet (Google), a
annoncé mercredi qu’une de ses
intelligences artificielles avait
atteint le meilleur niveau possible
au j eu de stratégie StarCraft II, ce qui
la place devant 99,8 % des humains
adeptes de ce titre, un classique des
compétitions d’e -sport.
Dans un article publié mercredi
par la prestigieuse revue scientifi-
que « Nature », les chercheurs de
DeepMind expliquent comment ils
ont développé un algorithme
d’apprentissage automatique par
renforcement, appelé « Alpha-
Star », qu’ils ont entraîné à partir de
données provenant de parties
jouées par des humains et par
d’autres systèmes d’intelligence
artificielle (IA).
Formé avec chacune des trois
races (Terran, Protoss et Zerg) qui
s’affrontent dans StarCraft, l’algo-
rithme a ensuite été opposé à des
joueurs humains au cours de l’été
2019 sur Battle.net, la plate-forme
officielle de l’éditeur du jeu, Bliz-
zard Entertainment. Après quel-


JEUX VIDÉO


de l’IA en France. Près de la moi-
tié est dirigée vers le monde de la
recherche : de nouveaux insti-
tuts interdisciplinaires
accueillent d’ores et déjà des
scientifiques et leurs étudiants,
notamment via des dizaines de
chaires universitaires cofinan-
cées avec le secteur privé. Cette
somme a aussi permis au minis-
tère de la Recherche de s’équi-
per d’un nouveau supercalcula-
teur. Le secteur de la défense
dispose, par ailleurs, de
400 millions d’euros pour infu-
ser l’intelligence artificielle dans
l’équipement des soldats.
L’administration et les entrepri-
ses écopent du reste.

La responsabilité
des scientifiques
Pour le chef de l’Etat, l’Europe
est porteuse d’une « troisième
voie » dans le monde de l’IA,
plus éthique que celles des socié-
tés de la côte ouest des Etats-
Unis et que celle de la Chine.
Dans ce combat culturel, il
appelle à lui les chercheurs.
« La communauté scientifique
a sa propre responsabilité », a-t-il
souligné en pointant ceux qui
choisissent de partir travailler
dans les laboratoires des géants
aux moyens colossaux comme
Google et Facebook pour contri-
buer à la conception d’algorith-
mes aux effets parfois pervers,
mais sur lesquels les pouvoirs
publics n’ont pas prise. « Un
repas n’est jamais gratuit »,
relève le président.
« La réalité, c’est que les finan-
cements publics soutiennent des
projets de R&D qui se font ensuite
vampiriser leurs meilleurs
talents par des entreprises améri-
caines », décrypte Lucas Nacsa,
le PDG de la société de conseils
spécialisée Neovision.n

Florian Dèbes
@FL_Debes


La France déploie « très vite » sa
stratégie nationale en intelli-
gence artificielle (IA), s’est féli-
cité Emmanuel Macron, mer-
credi. « Mais la France ne peut
pas le faire toute seule », a-t-il
ajouté lors d’un discours à l’Ins-
titut de France, devant un par-
terre de chercheurs spécialistes
de cette informatique qui est en
train de changer le monde.
Pour le chef de l’Etat, les pro-
jets français doivent faire partie
d’un plan européen. De fait, la
stratégie définie avec l’aide du
député-mathématicien Cédric
Villani ne prévoit « que »
1,5 milliard d’euros d’investisse-
ment sur cinq ans en France
quand la Chine et les Etats-Unis
vont dépenser, chacun, dix fois
plus. « Dans les derniers mois,
quasiment tous les pays euro-
péens ont défini leur stratégie
pour l’intelligence artificielle,
nous avons besoin de coordina-
tion et d’un agenda », a appuyé
Emmanuel Macron. La nou-
velle commission européenne,
qui doit prendre ses fonctions
dans les semaines qui viennent,
a d’ores et déjà inscrit le sujet
dans ses devoirs de rentrée.
Dix-huit mois après sa pré-
sentation, le plan français se
concrétise. D’abord, l’e nveloppe
a été partagée entre les acteurs


Dix-huit mois après
sa présentation, le plan
français se concrétise.
Mais Emmanuel Macron
compte sur la nouvelle
commission pour
défendre à son échelle
une « troisième voie
de l’IA », face à la Chine
et aux Etats-Unis.


Emmanuel Macron


appelle à une stratégie


européenne de l’IA


AlphaStar a atteint le meilleur niveau possible au jeu de stratégie StarCraft II, ce qui le place devant
99,8 % des humains adeptes de ce titre. Photo Blizzard Entertainment

« jeu à information incomplète ».
De plus, la variété de races, de
machines et d’actions possibles
multiplie le nombre de possibilités
pour chaque coup. Mais ce n’est
pas le seul jeu de ce type : en
avril 2019, une autre entreprise de
recherche en IA, OpenAI, cofondée
par Elon Musk (Tesla), avait battu
une équipe de joueurs profession-
nels à un autre titre de stratégie en
ligne, Dota 2.
Pour les équipes de DeepMind,
les conséquences de cette avancée
peuvent aller bien au-delà du jeu
vidéo. « Ces techniques peuvent éga-
lement s’appliquer à des défis dans le
monde réel, par exemple pour con-
tribuer à améliorer la robustesse des
algorithmes ou des systèmes de
robotique », estime Oriol Vinyals,
responsable du projet AlphaStar.
Mais cela nécessitera encore des
progrès, notamment pour rendre

l’apprentissage par renforcement
moins vorace en capacités de cal-
cul. Selon l’article de « Nature », la
phase d’e ntraînement d’A lphaStar
pour chacune des trois r aces du j eu
a nécessité 44 jours de calcul sur
32 processeurs TPU (Tensor Pro-
cessing Unit), une famille de puces
mises au point par Google pour les
systèmes d’intelligence artificielle.
Et, pendant cette phase, AlphaStar
a joué en tout « des dizaines de mil-
liers de parties », selon Oriol
Vinyals, « soit l’équivalent de
200 années de jeu à StarCraft ». Le
prix à payer pour battre les
meilleurs humains...n

StarCraft II intéresse
aussi les chercheurs
en IA en raison
de sa complexité.
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