Les Echos - 31.10.2019

(Martin Jones) #1
Plutôt que de se positionner direc-
tement face à elles, InMemori a
choisi de nouer des partenariats
avec les entreprises qui se retrou-
vent habituellement en première
ligne, comme les assureurs, les pom-
pes funèbres, les maisons de retraite
ou les centres de soins palliatifs, qui
prennent en charge le coût de ce ser-
vice. Une fois que les personnes
concernées ont accepté, InMemori
les contacte par téléphone afin de les
assister dans leurs démarches.
« C’est très important d’avoir un
contact avec toutes ces familles, expli-
que Clémentine Piazza. Notre enjeu
est d’être juste pour les accompagner
au mieux, c’est de la haute couture. »

Un secteur pas
comme les autres
Pas simple de se positionner sur ce
marché et d’accompagner au quoti-
dien des gens face à la douleur par-
fois brutale d’une disparition. « Si je
me protège, ça ne fonctionne pas, et si
je suis une éponge, c’est trop dur,
détaille l’entrepreneuse. Il faut
savoir faire circuler les émotions, ne
pas s’empêcher d’être triste comme ce

les aider. Trois ans après sa créa-
tion, son récent export aux Etats-
Unis confirme qu’elle se trouve sur
la bonne voie.
Il aura fallu un an à Clémentine
Piazza, fondatrice de la pépite pari-
sienne, pour comprendre puis
convaincre le marché américain de
lui faire confiance. C’est désormais
le cas avec Mutual of Omaha, un
des principaux acteurs de l’assuran-
ce-obsèques avec 5 % de part de
marché, qui va proposer sa solution
à ses adhérents à partir de janvier
prochain. Une solution digitale qui
permet aux personnes qui se
retrouvent face au décès d’un pro-
che de rassembler plus simplement
leur entourage, d’entretenir sa
mémoire et de lui rendre hommage.
Concrètement, les personnes tou-
chées par une disparition créent une
page personnalisée sur la plate-
forme de la jeune pousse, qui n’est
pas référencée sur les moteurs de
recherche et qu’elles partagent avec
ceux qui sont concernés. Elles y ins-
crivent les informations relatives à
l’enterrement, et donnent la possibi-
lité d’y laisser un témoignage.

Guillaume Bregeras
@gbregeras


Si la question du sens est régulière-
ment galvaudée dans l’univers des
start-up, elle se pose parfois avec
justesse. Avec sa solution d’accom-
pagnement des familles face à la
disparition d’un proche, InMemori
se confronte chaque jour à la situa-
tion tragique de ses clients, et doit
sans cesse trouver le bon ton pour


FUNÉRAIRE


La plate-forme
d’accompagnement
face au décès d’un
proche vient de passer
un contrat avec l’un
des premiers acteurs
de l’assurance-obsè-
ques aux Etats-Unis.


400.000 personnes
ont interagi avec elle
depuis sa création
en 2016.


Difficile d’imaginer qu’il soit
encore possible de se faire une
place dans l’univers des message-
ries en ligne. Pourtant, c’est le pari
que tente Xooloo, la pépite qui
accompagne les enfants de moins
de 13 ans dans leur apprentissage
de la vie numérique. Après avoir
remporté un prix au CES en jan-
vier 2017, elle décide d’attaquer le
marché américain avec une appli-
cation de messagerie qui leur est


dédiée et disponible ce jeudi
31 octobre.
Gratuite, elle permet aux e nfants
de converser uniquement avec des
personnes qui ont leur e-mail, leur
numéro de téléphone, ou un code
unique et sécurisé généré par Xoo-
loo. Pour chaque nouveau contact,
les parents sont notifiés, mais ils ne
peuvent en revanche pas accéder
aux contenus des échanges. Cette
forme de responsabilisation fait
partie intégrante de l’approche des
deux fondateurs, Grégory Veret et
sa sœur Aurore Veret, qui esti-
ment qu’il est vain de leur interdire
ou de surcontrôler la vie numéri-
que des préadolescents.
Après avoir bêta-testé l’appli de
messagerie en France auprès de
3.000 personnes, ils l’ouvrent aux
Américains, explique Grégory
Veret : « Ce service de messagerie a
d’abord été conçu pour les Etats-

(« search engine optimization »),
mais aussi sur la loi américaine
Coppa (« Children’s Online Privacy
Protection Act »), qui interdit aux
acteurs de la tech de récolter des
données sur les enfants.

3 millions d’euros levés
auprès de business angels
« Notre messagerie est gratuite et
nous n’avons pas encore prévu de
modèle économique, admet le
cofondateur. Il est certain en revan-
che que les enfants ne seront jamais
le produit qui servira à générer des
revenus publicitaires. » La jeune
pousse parisienne peut donc ima-
giner, comme pour s es autres servi-
ces, de créer un accès payant si le
service rencontre un succès auprès
des jeunes utilisateurs.
Si la trajectoire de ce service
devient ascendante, Xooloo pour-
rait faire appel aux investisseurs.

E-MAILS


La start-up parisienne
qui accompagne les
enfants dans leur vie
numérique développe
un nouveau service
pour accéder au
marché américain.


chaque nouveau pays, la fondatrice
s’est d’abord appuyée sur ses pro-
pres fonds. A la fin de ses études,
elle a rejoint Unibail-Rodamco où
elle est devenue, à vingt-sept ans,
une directrice marketing à la tête
d’une équipe de 150 personnes.
Quatre années plus tard, face à la
disparition tragique d’un proche
d’une amie, elle constate le vide qui
l’entoure. Elle décide de le combler,
quitte le groupe en vendant ses
actions et lance InMemori avec cet
argent. Depuis, elle a levé plusieurs
fois des fonds auprès d’investisseurs
de renom, mais préfère rester dis-
crète sur le sujet : « Le vocable
start-up peut paraître inadapté à ce
secteur où l’on gère des émotions. »

4
À NOTER
InMemori génère également
des revenus à travers une
commission prise sur les pro-
duits vendus via sa plate-forme,
comme la livraison de fleurs
à l’enterrement ou l’édition
d’un recueil des témoignages.

InMemori internationalise son service


d’aide face à la perte d’un proche


Avec sa plate-forme, InMemori permet de rassembler les personnes face à la perte d’un proche. Photo Shutterstock/Montage « Les Echos »


Xooloo lance une messagerie pour enfants aux Etats-Unis


Avec un total de 3 millions d’euros
levés auprès de business angels, elle
concède qu’il faudra probablement
passer par cette étape pour s’é ten-
dre outre-Atlantique. Si Grégory
Veret veut rester prudent, il avoue
cependant avoir déjà d ébroussailler
le terrain et préparer cette éventua-
lité : « Nous avons participé au pro-
gramme d’immersion aux Etats-
Unis proposé par Business France et
bpifrance, ce qui nous a permis de
baliser cette option. Si les choses se
passent bien, il est probable que l’un
d’entre nous devra s’y installer pour y
piloter l’activité américaine. »
D’ici là, la start-up doit continuer
à grandir dans un contexte où l’âge
d’accès à un s martphone ne cesse de
baisser (10 ans en France contre
13 ans il y a deux ans), entraînant de
plus en plus de questions sur la
manière de les éduquer dans l’utili-
sation d e ces outils addictifs. —G. B.

Déborah LOYE
@Loydeborah

Ses débuts sont à l’image d’une
trajectoire entrepreneuriale
classique : en 2015, Bahareh
Sobati Azar rejoint un incuba-
teur à Téhéran pour créer sa
start-up. Rangeetar
(aujourd’hui MeaPic) est une
plate-forme semblable à Shut-
terstock, qui recense des photo-
graphies d’artistes iraniens,
dans le but de les vendre à des
entreprises ayant besoin de
générer des contenus. « Avant
d’entreprendre, je travaillais dans
la création de contenus Web ani-
més, et je manquais tout le temps
d’images illustrant le Moyen-
Orient », explique l’entrepre-
neuse de trente-deux ans.
En trois ans, elle parvient à
convaincre des clients comme
Samsung ou Snapp, l’Uber ira-
nien. « Nous avions 30.000 pho-
tos sur la plate-forme et générions
10.000 euros mensuels », indi-
que Bahareh Sobati Azar.

Un début prometteur, j usqu’à
ce que la start-up soit coupée
dans son élan par l’annonce de
Donald Trump, en mai 2018, du
retrait des Etats-Unis du plan
d’action global commun, qui
rétablit les sanctions contre
l’Iran. « J’ai perdu mes clients,
car la majorité d’entre eux
étaient étrangers, et ils ont com-
mencé à quitter le pays »,
regrette l’entrepreneuse. Baha-
reh Sobati Azar décide alors de
s’installer en Turquie et se met
en quête de nouveaux clients,
mais les affaires ne reprennent
pas comme elle le souhaiterait.

Obstacles bancaires
En octobre 2018, elle décide de
candidater à Station F et est
acceptée au sein d u pro-
gramme « Fighters ». Grâce au
French Tech Visa, mis en place
pour faciliter la venue de talents
étrangers, elle peut rejoindre la
France au mois de juin avec ses
deux cofondateurs. « Depuis
que je suis arrivée, je reprends à
zéro », explique-t-elle. La jeune
entrepreneuse cherche des
fonds. En plus de sa plate-forme
de photo, elle envisage d’événe-
mentialiser la production, en
organisant des concours pour
les marques, par exemple.
Mais la reprise de son aven-
ture entrepreneuriale à Paris
n’est pas de tout repos. Si Baha-
reh Sobati Azar peut profiter
des logements créés par Sta-
tion F, e lle n’est pour le
moment pas parvenue à ouvrir
un compte en banque. « Elles
me disent qu’elles n’ont rien
contre mon pays mais que c’est
trop dangereux pour elles
d’ouvrir un compte à une Ira-
nienne à cause des sanctions »,
explique l’entrepreneuse. Déci-
dée à ne rien lâcher, elle conti-
nue à faire le tour des établisse-
ments afin de concrétiser son
ambition initiale.n

Venue d’Iran,


MeaPic tente


de s’installer


en France


PHOTOGRAPHIE


Les sanctions
américaines ayant
fait fuir une grande
partie de ses clients,
l’entrepreneuse
Bahareh Sobati Azar
se relance à Station F.

L’entrepreneuse
a prévu de recruter
deux personnes
d’ici fin 2019.

Unis, mais nous l’avons testé en
France pour régler tous les paramè-
tres. Nous avons rencontré des
enfants et des parents sur des Salons
afin de bien cerner leurs attentes et
nous sommes désormais prêts. »
Pour se faire une place parmi les
centaines de milliers d’éditeurs
d’apps sur l’App Store et Android,
Xooloo mise sur sa viralité, le SEO

« Notre messagerie
est gratuite
et nous n’avons
pas encore
prévu de modèle
économique. »
GRÉGORY VERET
Cofondateur de Xooloo

jour où l’on a découvert le message
qu’une personne avait laissé à son
entourage juste avant sa disparition.
Et dans notre recrutement, il faut
percevoir ces capacités. »
Avec 400.000 utilisateurs qui ont
utilisé s a plate-forme depuis
180 pays, InMemori s’ouvre à l’inter-

national. Hormis les Etats-Unis, elle
officie au Mexique, raconte Clé-
mentine Piazza : « Je me suis rendu
là-bas et j’y ai rencontré le premier
acteur des pompes funèbres. Il m’a
confirmé que les besoins étaient les
mêmes q u’en F rance, e t depuis nous y
accompagnons des centaines de
familles chaque semaine. »
Pour assurer ce développement
et l’ouverture d’un bureau dans

Il aura fallu un an
à la fondatrice
d’InMemori pour
convaincre le marché
américain de lui
faire confiance.

STARTUP


Jeudi 31 octobre vendredi 1er et samedi 2 novembre 2019Les Echos

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