Les Echos - 31.10.2019

(Martin Jones) #1

04 // FRANCE Jeudi 31 octobre vendredi 1er et samedi 2 novembre 2019 Les Echos


Claude Fouquet
@ClaudeFP

Si les Français sont de plus en plus
accros à leurs smartphones ou à
leur ordinateur, il existe encore un
fossé énorme entre ceux qui sont à
l’aise avec les nouvelles techno-
logies et ceux qui sont perdus
devant un écran. C’est ce que mon-
trent les données publiées mer-
credi par l’Insee.

Côté face, désormais 71 % de la
population, y compris un nombre
croissant de personnes de plus de
75 ans, est utilisatrice quotidienne
ou presque d’Internet (24 points de
plus qu’il y a dix ans). Mais côté pile,
presque une personne sur 7 (15 %)
« n’a pas utilisé Internet l’année
écoulée ». Si l’on rajoute les 2 % de
Français qui ne sont dotés d’aucune
des compétences de base numéri-
que (la recherche d’information, la
communication, l’utilisation de
logiciels et la résolution de problè-
mes), il en découle que l’illectro-
nisme concerne 17 % de la popula-
tion. En clair, un Français sur six est
frappé d’illettrisme numérique,
selon l’analyse de l’Insee.

Les plus modestes
et les plus âgés pénalisés
Sans grande surprise, une bonne
part de ceux qui sont restés à
l’écart ne l’ont pas toujours fait
volontairement. On retrouve
parmi eux de nombreuses person-
nes âgées (le plus souvent au-des-

sus de 75 ans, 64 % de c ette popula-
tion ne s’étant pas connectée
durant l’année écoulée), celles qui
sont peu diplômées ou dont le
niveau de vie est modeste et qui ne
peuvent de ce fait s’équiper.
Mais les données publiées par
l’Insee montrent clairement que si

un nombre croissant de Français
utilisent Internet, ils ne sont pas si
à l’aise face à un clavier et un écran.
Alors que de plus en plus d’admi-
nistrations et d’entreprises propo-
sent de passer par leur site Internet
pour des démarches ou des achats,
« une personne sur quatre ne sait
pas s’informer », dont 9 % sont
pourtant des utilisateurs d’Inter-
net. Parmi eux, un tiers ( 33 %) « n’a
ainsi pas été en mesure de se rensei-
gner sur des produits et services
et 49 % de rechercher des informa-
tions administratives ».
Même constat lorsqu’il s’agit sim-
plement de communiquer via
Internet. « Parmi l es usa-
gers d’Internet, 14 % n’ont ni envoyé
ni lu de courriels et 54 % n’ont pas
communiqué via les réseaux sociaux
(qu’ils soient personnels ou profes-
sionnels) », souligne l’Insee.
Seul point rassurant finalement,
les Français n’ont pas à rougir quant
à leurs compétences sur le Web et
se situent dans la moyenne de
l’Union européenne.n

SOCIÉTÉ


Même si un nombre
croissant de Français
surfe quotidiennement
sur la Toile, il existe
toujours de nombreu-
ses personnes qui ne
sont pas à l’aise devant
un clavier, selon l’Insee.


Un Français sur six touché par l’illettrisme numérique


Guillaume de Calignon
@gcalignon


Tant bien que mal, la croissance
française résiste aux tourments de
l’économie mondiale. Selon l’Insee,
le PIB a progressé de 0,3 % au troi-
sième trimestre, comme s’y atten-
daient les économistes e t comme sa
tendance de long terme. Pas d’accé-
lération donc de l’activité cet été
puisque, depuis début 2 018, l’écono-
mie française croît en moyenne au
même rythme. Mais pas de dégra-
dation non plus dans un contexte
international, qui s’est tout de
même assombri ces derniers mois.
Même si elle connaît une certaine
accalmie, la guerre commerciale
entre les Etats-Unis et la Chine n’est
pas finie. E t le coup de frein synchro-
nisé des économies allemande et
chinoise ainsi que le Brexit ont
poussé le FMI à revoir à la baisse sa
prévision de croissance mondiale
cette année à seulement 3 %. « Fina-
lement, les interrogations portent
aujourd’hui davantage sur la situa-
tion internationale que sur l’évolu-
tion des données intérieures françai-
ses », résume Julien Pouget, chef du
département de la conjoncture à
l’Insee. Si ce rythme de progression
de +0,3 % se renouvelait au qua-
trième trimestre, alors la croissance
française s’é tablirait à 1,3 % en 2018,
légèrement en retrait par rapport à
l’objectif gouvernemental (+1,4 %).


La consommation
des ménages tient le coup
C’est grâce à la demande intérieure
que la France évite, pour l’instant,
un ralentissement plus prononcé
de son activité. La consommation
des ménages tient le coup. Le pou-
voir d’achat est soutenu par les créa-
tions d’emplois, toujours dynami-
ques, les hausses de salaires certes
modérées mais réelles, et les mesu-
res « gilets jaunes ». L’Observatoire
français des conjonctures écono-
miques (OFCE) estime à 800 euros
par ménage en moyenne, soit 2,4 %,
les gains de pouvoir d’achat cette
année, soit près de 4 fois plus qu’en



  1. Mais tout cet argent n’a pas été
    encore dépensé, comme le prouve
    la hausse du taux d’épargne depuis


CONJONCTURE


RETROUVEZ«L’ÉDITOECO»
À7H45DULUNDIAUVENDREDI

SUR


Parmi les
utilisateurs
d’Internet, un tiers
« n’a pas été
en mesure
de se renseigner
sur des produits
et services et 49 %
de rechercher
des informations
administratives ».
INSEE

Les choix
des Français
en termes
d’équipement

En 2019, 12 % des individus
de 15 ans et plus résidant
en France hors Mayotte
ne disposaient d’aucun
accès Internet. Si ces chif-
fres illustrent la « fracture
numérique » souvent
décriée par les politiques,
ne pas s’équiper chez soi
peut être pour certains
un véritable choix : 19 %
des Français dans ce cas
justifient cette décision
par leur « manque d’inté-
rêt » pour Internet, 15 %
par la volonté de protéger
leur vie privée et seule-
ment 6 % l’expliquent
parce qu’ils ont un accès
à Internet en dehors
de leur domicile.

conjonctures économiques
(OFCE) ont même calculé qu’en
dépit d’une dette record, les
intérêts nets versés par les
entreprises françaises se
situaient à un niveau histori-
quement bas. L’an passé, la
charge d’intérêts nets des entre-
prises représentait 0,8 point de
valeur ajoutée contre 4,3 points
en moyenne il y a dix ans.

Les prévisions
de demande résistent
Ensuite, le déterminant princi-
pal de l’investissement, l’anti-
cipation que font les chefs
d’entreprise de la demande
future, résiste malgré le ralen-
ti ssement mondial. Interrogés
le mois dernier par l’Insee, les
industriels français s’atten-
daient à des perspectives certes
moins optimistes mais qui res-
tent à peu près dans leur
moyenne de long terme.
Enfin, il semble que les
entreprises françaises aient
commencé leur mue vers l ’éco-
nomie numérique, les investis-
sements en logiciels étant très
dynamiques depuis plusieurs
années. Dans une étude pour le
centre de réflexion La Fabrique
de l’industrie parue l’an der-
nier, l’économiste Sarah
Guillou remarquait ainsi que
« les efforts d’investissement en
logiciels [avaient] connu une
forte croissance en France à par-
tir de 2009 (+30,3 % entre 2009
et 2015, contre +13,1 % en Alle-
magne) ». De quoi laisser espé-
rer que la politique de l’offre
fonctionne à terme et entraîne
une montée en gamme du tissu
productif hexagonal.
Ce point est toutefois âpre-
ment discuté par les écono-
mistes, certains relativisant
cette hausse. Pierre Sicsic, de la
Banque de France, estime que
les investissements dans les
actifs immatériels ayant ten-
dance à se déprécier plus vite,
ils doivent être plus souvent
remplacés. Ce qui expliquerait
en partie le dynamisme de
l’investissement en nouvelles
technologies.
—G. C.

C’est l’un des moteurs les plus
importants de l’économie fran-
çaise depuis 2015 et il est parti
pour le rester encore quelques
trimestres. « L’investissement
des entreprises reste dynamique
et résiste même mieux que
prévu », constate Julien Pouget,
chef du département de la
conjoncture à l’Insee.
Entre 2015 et 2018, les entrepri-
ses françaises ont augmenté
leurs investissements de 3,7 %
en moyenne et sur les douze
derniers mois, la hausse atteint
4 %. La progression du PIB a
pourtant ralenti entre-temps.

Taux de marge
au plus haut
Comment expliquer ce dyna-
misme qui ne se dément pas?
Première hypothèse, « le
cumul du versement du CICE
aux entreprises au titre de 2018
et de sa transformation en
baisse de charges au 1er janvier
2019 soutient ponctuellement le
taux de marge des entreprises
françaises et leur capacité
d’autofinancement. Cette déci-
sion peut en partie expliquer la
bonne dynamique de l’investis-
sement, d’autant que les condi-
tions de financement restent,
elles, toujours très favorables »,
estime Julien Pouget.
En effet, au deuxième trimes-
tre, le taux de marge des entre-
prises était au plus haut depuis
2008 et la capacité d’autofinan-
cement des sociétés françaises
dépassait 100 %, ce qui signifie
que ces dernières pouvaient
théoriquement financer leurs
investissements sans recourir à
l’endettement.
Et en septembre, le taux
moyen des crédits à l’équipe-
ment accordés aux entreprises
était de 1,34 % seulement contre
1,41 % il y a un an, selon la Ban-
que de France. Les économistes
de l’Observatoire français des

Les entreprises françai-
ses continuent d’investir
massivement. Sur un an,
leurs investissements
ont progressé de 4 %
environ.

un an. La consommation n’est pas
aussi forte que ce que le gouverne-
ment espérait il y un an mais les
ménages ont mis de côté, ce qui
limite le risque de mauvaise sur-
prise pour les prochains trimestres.
Voilà qui est plutôt rassurant dans
un contexte international risqué.
Les investissements des entrepri-
ses, eux, restent dynamiques malgré
le recul de la production industrielle
depuis deux trimestres. Mais les
taux d’intérêt restent très bas et les
marges des entreprises devraient
atteindre un point haut cette année.

Reste le commerce extérieur. Le
ralentissement de la croissance
mondiale se fait sentir. Alors que les
exportations ont augmenté en
moyenne chaque année de près de
3 % depuis 2014, elles ont à peine
grimpé de 2 % au troisième trimes-
tre, e n rythme annuel. Les carnets de
commandes étrangers ont com-
mencé à se dégrader, selon les indus-
triels français interrogés par l’Insee.
Conséquence, le déficit commercial
au troisième trimestre a amputé la
croissance du PIB de 0,4 point.
Toutefois, les dernières enquêtes
en provenance d’Allemagne sem-
blent indiquer une stabilisation de la
situation conjoncturelle du premier
partenaire commercial de la France,
même si le niveau du moral des
industriels germaniques reste bas.
La confiance des ménages français
est, elle, élevée. Celle des chefs
d’entreprises hexagonaux est moins
dégradée que chez nos voisins alle-
mands et italiens et elle est compati-
ble avec une croissance de l’ordre de
0,3 % à 0,4 % au cours des prochains
trimestres. La perspective d’une pro-
gression du PIB attendue par le gou-
vernement de 1,3 % l’an prochain
paraît donc tout à fait atteignable.n

lLe PIB a progressé de 0,3 %


au troisième trimestre.


lLa bonne résistance de la demande


intérieure explique ce bon résultat.


La croissance française tient le coup


face au ralentissement mondial


Le pouvoir d’achat
est soutenu par les
créations d’emplois,
toujours dynamiques,
les hausses de
salaires certes
modérées mais
réelles, et les mesures
« gilets jaunes ».

Le dynamisme


des investissements


ne se dément pas

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