Les Echos - 31.10.2019

(Martin Jones) #1

Les Echos Jeudi 31 octobre vendredi 1er et samedi 2 novembre 2019 FRANCE// 05


Pour la ministre des Solidarités,
Agnès Buzyn, sur des charbons
ardents avec cette réforme, l’essen-
tiel était de ne pas réduire le panier
de soins auxquels ont droit les mala-
des en situation irrégulière. Comme
l’a révélé « L’Opinion » qui a lu une
« note blanche » gouvernementale,
on n’y touchera pas : les sans-pa-
piers conserveront l’accès à tous les
soins, sauf à la chirurgie esthétique,
aux cures thermales, à la procréa-
tion médicalement assistée, aux
lunettes et aux prothèses dentaires
ou auditives, aux médicaments à fai-
ble service médical rendu comme
c’est le cas actuellement. Le soin res-
tera gratuit, sans franchise ni droit
de timbre. Mais pour les actes les
plus coûteux, comme la pose d’une
prothèse de la hanche ou l’opération
de la cataracte, il faudra demander
une autorisation préalable.

Renforcer les contrôles
C’est une façon de faire un premier
tri et de repérer d’éventuels abus.
Mais, au-delà de cette question du
panier de soins, l’AME n’échappera
pas à un tour de vis. « Il y a un sujet
que personne n’a vu, qui n’est pas un
sujet d roits d e l’homme et que je veux
régler vite, ce sont les gens qui vien-
nent avec un visa touristique, qui
restent trois mois et ensuite se met-
tent à l’AME », a déclaré Emmanuel
Macron dans un entretien à
« Valeurs actuelles ». Le député
LREM du Val-d’Oise D ominique Da
Silva compte proposer ce jeudi, en
réunion de groupe, un amende-
ment visant à exclure la durée de
séjour inscrite sur le visa touristi-
que dans le calcul du délai de rési-
dence de trois mois exigé pour tou-
cher l’AME. « Sinon, c’est trop facile
de demander un visa d e trois mois! »
explique-t-il.

Par ailleurs, le député souhaite
que les demandeurs d’asile
déboutés et sous le coup d’une
obligation de quitter le territoire ne
soient plus autorisés à demander
illico l’AME, et il proposera un
amendement en ce sens. « On main-
tient l’AME dans ses fondements,
mais on lutte contre l’abus de droit »,
explique Dominique Da Silva.
Enfin, le gouvernement souhaite
renforcer les contrôles pour la déli-
vrance de l’aide. Mais en contrepar-
tie, selon nos informations, il cher-
che à améliorer la prise en charge des
sans-papiers qui viennent juste
d’arriver, parfois porteurs de mala-
dies graves ou contagieuses – ceux
qui relèvent aujourd’hui des « soins
d’urgence » à l’hôpital, faute d’avoir
droit à l’AME.
A côté d e cette question d e l’AME,
l’exécutif va aussi s’attaquer aux tri-
cheurs, ou plutôt « empêcher les
détournements de droits », confie
une source ministérielle. Au banc
des accusés, les « filières de tourisme
médical » géorgienne ou albanaise,
qui profiteraient du système pour

venir se faire soigner dans le pays
gratuitement, en toute légalité.
L’an dernier, les demandes d’asile
ont augmenté de 23 % en France,
alors que les flux migratoires vers
l’Europe baissaient. La Géorgie et
l’Albanie, deux pays considérés
comme « sûrs », arrivent quasi-
ment en tête du classement des
demandes d’asile par nationalité,

respectivement en hausse de 61 %
et 23 % en un an, à la fin août 2019.
Ces demandeurs d’asile bénéfi-
cient de la protection universelle
maladie dès le dépôt de leur
demande. Si leurs ressources men-
suelles sont inférieures à 746 euros
par mois – deux fois le salaire moyen
en Albanie –, ils ont droit au panier
de soins gratuits de la couverture

universelle maladie complémen-
taire. Très large, il inclut les prothè-
ses dentaires ou auditives. « C’est
beaucoup plus généreux que l’AME!
Ce que je veux qu’on fasse, c’est mettre
un délai de carence pour réguler cette
aide », a souligné le chef de l’Etat. Ce
délai devrait être de trois mois,
comme p our les Français qui revien-
nent après une expatriation.n

lL’exécutif s’apprête à faire voter


des mesures restreignant l’accès


aux soins des étrangers.


lIl a renoncé à réduire le panier


de soins gratuits, mais compte


s’attaquer au tourisme médical.


Soins aux étrangers : le gouvernement


va lancer la chasse aux abus


PHOTO

:JESSICA FORDE

©KGP

RODUCTIONS

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UN FILM DE

COSTA-GAVRAS


D’APRÈS LE BEST-SELLER DE
YANISVAROUFAKIS

MICHELEPRÉSENTENTRAY-GAVRASETALEXANDRE-GAVRAS

“Moneycan’tbuymelove”
THE BEATLES

LE6NOVEMBRE


“L’ÉCONOMIE


TIENT SON THRILLER”
LEPARISIEN

“PASSIONNANT”
LE FIGARO

SANTÉ


Solveig Godeluck
@Solwii


Réformer à l’aveugle. Pas facile, s ur-
tout lorsque l’on s’aventure sur un
terrain aussi sensible que l’accès
aux soins des étrangers. C’est pour-
tant ce que s’apprête à faire le gou-
vernement, en retouchant deux dis-
positifs dont l’utilisation est peu
documentée, l’aide médicale d’Etat
(AME) – qui concerne 300.00 0
sans-papiers et coûte 1 milliard par
an – et la prise en charge par l’Assu-
rance-maladie de tout ou partie des
soins des demandeurs d’asile, soit
120.000 personnes en 2018.
Ces modifications intervien-
dront par la voie réglementaire. Il y
aura également des amendements
au projet de loi de finances, jeudi
prochain, lors du vote des crédits
de la mission santé. C e sera l e lende-
main de la remise d’un rapport de
l’Inspection générale des affaires
sociales et de l’Inspection générale
des finances sur l’AME.


« Il y a un sujet que
[...] je veux régler
vite, ce sont les
gens qui viennent
avec un visa
touristique, qui
restent trois mois
et ensuite se
mettent à l’AME. »
EMMANUEL MACRON

Grégoire Poussielgue
@Poussielgue


L’art de la « disruption », encore et
toujours, au risque de l’incompré-
hension et de la polémique. En accor-
dant un entretien fleuve à « Valeurs
actuelles » – réalisé la semaine der-
nière dans l’avion le ramenant de La
Réunion – sur les q uestions d e l’islam
et de l’immigration, Emmanuel
Macron en a dérouté plus d’un.
« Valeurs actuelles », classé à la
droite de la droite, met quasi systé-
matiquement en une les sujets liés
à l’islam et à l’immigration. La gau-
che s’offusque. « Le choix de ce sup-
port, spécialisé dans la haine antimu-
sulmans, qui propage la xénophobie
la plus crasse à longueur de colonnes,
n’a rien d’anodin », a dénoncé Ian
Brossat, le porte-parole du PCF.
L’Elysée assume « la volonté
[d’Emmanuel Macron] de parler
à tous les Français ». « Il est allé
débattre avec des gens qui ne sont
pas d’accord avec lui pour défendre
ses valeurs et ses idées », estime un
proche. Mais l’Elysée reconnaît un
« problème de forme », compte tenu
de la longueur de l’entretien


(12 pages). L’impact de l’interview
a dépassé les attentes.
Lundi dernier, alors que la polé-
mique sur le voile battait son plein,
Emmanuel Macron avait pourtant
été très clair sur sa volonté de ne pas
s’exprimer sur les questions d’islam,
d’immigration ou de laïcité. « Pour-
quoi je ne veux pas céder à la précipita-
tion et aux injonctions de parole dans
ces moments-là? Parce que je serais
moi-même complice d’une espèce de
confusion collective », avait-il déclaré
sur RTL. Le même jour, la mosquée
de Bayonne a été attaquée par un
ancien candidat (FN) qui a fait deux
blessés par balle, attentat qui a créé
une vive émotion en France.

Cet entretien à « Valeurs actuel-
les », une première pour un prési-
dent de la République en fonction,
ne tombe donc pas au mieux. Les

rares responsables de la majorité qui
se sont exprimés ont insisté sur la
nécessité pour Emmanuel Macron
de parler immigration, moins sur le
choix de « Valeurs actuelles ».

« Fixer le cap »
Sur le fond, Emmanuel Macron réi-
tère ses positions dans les colonnes
de l’hebdomadaire : sa volonté de
mieux intégrer, de mieux lutter
contre l’immigration clandestine,
son refus du communautarisme...
« Je ne veux pas tomber dans le piège
communautarisme = islam. Le com-
munautarisme, c’est le projet poli-
tique », dit-il. Sur le voile, après la
mise en cause par un élu (RN) d’une
mère voilée lors d’une sortie sco-
laire, il est aussi très clair. « Mon
problème n’est pas la maman qui
porte un voile en accompagnant son
enfant en sortie scolaire. Celle-là, elle
n’est pas perdue : elle a mis son
enfant à l’école publique et elle vient
faire une sortie scolaire. C’est même
par elle qu’on va reconquérir les
personnes égarées », estime-t-il.
Cette interview s’inscrit dans la
continuité du débat sur l’immigra-
tion, organisé début octobre à
l’Assemblée et au Sénat. Dans les
prochains jours, le Premier minis-
tre détaillera les mesures concer-
nant l’accès aux soins des étrangers.
« Cette interview sert à fixer le cap »,
estime un conseiller de l’exécutif.n

Macron choisit « Valeurs actuelles »


pour parler islam et immigration


Son interview à « Valeurs
actuelles » a indigné la
gauche. L’exécutif assume
et rappelle la nécessité
de parler à tous les Français.


Le chef de l’Etat
réitère ses positions :
sa volonté de mieux
intégrer, de mieux
lutter contre
l’immigration
clandestine,
son refus du
communautarisme...
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