Les Echos - 31.10.2019

(Martin Jones) #1

Le Grand rendez-vous


Amélie de Montchalin


©P

IERRE

VILLARD/

SIPA

Secrétaired’Étatchargéedes Affaires européennes


Dimanche de 10hà11h


AurélieHerbemont,YohannUsai etCécile Cornudetreçoivent


Christine Lagarde arrive
au gouvernail de la BCE
au moment où l’horizon
économique s’obscurcit
dans un contexte de
tensions commerciales et
géopolitiques croissantes.
Photo Fabrice Coffini/AFP

reux pour être efficace et aider à la
stabilisation financière de la région.


  • FAIRE ÉVOLUER LES
    OUTILS ET LES MISSIONS
    Face à une inflation qui reste faible
    de façon persistante et des taux
    d’intérêt très bas, voire négatifs,
    Christine Lagarde devra être atten-
    tive aux travaux des économistes,
    voire des instituts d’émission eux-
    mêmes – la Réserve fédérale pré-
    pare un rapport pour 2020 – sur
    l’adaptation des outils et missions
    des banques centrales. L’un des
    axes de réflexion concerne les
    moyens pour passer le relais aux
    Etats et les pousser à prendre des
    mesures budgétaires. Un autre
    concerne les objectifs de la politi-
    que monétaire. Faut-il changer la
    cible de l’inflation? Certains,
    comme Jacques de Larosière, esti-
    ment que l’inflation d’équilibre se
    situe autour de 1 % dans la zone
    euro plutôt que 2 % : cette révision
    serait plus proche de la réalité et évi-
    terait « une politique monétaire
    exagérément accommodante ».
    D’autres, comme Patrick Artus,
    plaident pour la prise en compte


d’autres objectifs, comme la posi-
tion cyclique de l’économie ou la
croissance nominale (en valeur). Il
faudra aussi décider du niveau des
taux d’intérêt : comment les faire
repartir à la hausse sans créer une
crise de la dette?


  • PACIFIER LE CONSEIL
    DES GOUVERNEURS
    L’une des premières tâches qui
    attend la nouvelle présidente de la
    BCE sera de rétablir la sérénité et
    l’unité au sein du Conseil des gou-
    verneurs. Cette institution, qui ras-
    semble les membres du directoire
    et les gouverneurs des dix-neuf
    banques centrales nationales de la
    zone euro, a traversé une crise sans
    précédent. Plusieurs gouverneurs
    ont fait part publiquement de leur
    désaccord avec la reprise du pro-
    gramme d’achats d’actifs décidée en
    septembre et pas uniquement dans
    les pays du Nord, traditionnelle-
    ment plus hostiles aux mesures de
    soutien à l’économie.
    Même si la dernière réunion pré-
    sidée par Mario Draghi n’a pas
    connu d’affrontement, la situation
    reste tendue. Derrière les protesta-


tions et la tribune d’anciens ban-
quiers centraux critiquant violem-
ment la dernière décision de l’ère
Draghi, on peut voir une tentative
de faire pression sur Christine
Lagarde. Mais la BCE n’aura pas de
décisions de politique monétaire à
prendre avant de longs mois, ce qui
laissera la latitude à la nouvelle pré-
sidente pour imposer sa marque au
Conseil. L’arrivée au directoire de
l’Allemande Isabel Schnabel, plus
modérée que d’autres candidats, a
montré une certaine volonté d’apai-
sement de la part de Berlin.


  • MUSCLER
    LE SYSTÈME BANCAIRE
    Premièrement, l’achèvement de
    l’union bancaire. Ensuite la réduc-
    tion massive des prêts non perfor-
    mants, préalable à l’introduction
    d’un système européen de garantie
    des dépôts. La nouvelle présidente
    de la BCE aura sans doute à cœur de
    pousser ce dossier, censé favoriser
    les fusions bancaires transfronta-
    lières. Or, les banques européennes
    risquent d’avoir besoin de ce genre
    de mouvements structurels. « La
    profitabilité des banques est faible »,


a reconnu l’ex-présidente du FMI
lors de son audition au Parlement
européen, le 4 septembre. Si les
banques françaises, allemandes ou
néerlandaises critiquent volontiers
les taux faibles de la BCE, qui
rognent leurs marges, le secteur
est confronté à d’autres défis, que la
nouvelle responsable a clairement
identifiés : le rôle croissant des
acteurs non bancaires dans l’inter-
médiation et la transformation
technologique. Au-delà, Christine
Lagarde est décidée à promouvoir
les femmes dans un monde dominé
par des patrons masculins.
« La féminisation de la finance n’est
pas une option, c’est une nécessité »,
a-t-elle déclaré à « La Tribune »
le 18 octobre.


  • SURVEILLER LES BULLES
    La politique monétaire ultra-ex-
    pansionniste menée par Mario
    Draghi n’aura pas fait repartir les
    prix à la consommation, mais

  • combinée à celle de toutes les
    grandes banques centrales de la
    planète – elle a gonflé, comme
    jamais, ceux de certains actifs
    financiers. « C’est l’effet Cantillon


[du nom de l’économiste du
XVIIIe siècle, NDLR] : l’inflation se
déverse là où on injecte la monnaie »,
résume Wilfrid Galand chez Mont-
pensier Finance. Au moment où
Christine Lagarde prend les manet-
tes de la BCE, l’ensemble de la pla-
nète f inance est concerné, mais plu-
sieurs marchés sont tout
particulièrement en surchauffe.
Les taux d’intérêt toujours plus fai-
bles ont ainsi poussé l’immobilier à
des niveaux extrêmes. Deuxième
exemple évident : le capital-inves-
tissement. « Les multiples de valori-
sation des sociétés non cotées sont
désormais souvent supérieurs à ceux
des sociétés cotées », observe Wilfrid
Galand. Aux Etats-Unis, les entrées
en Bourse compliquées d’Uber,
Lyft, Slack ou Peloton e t les d éboires
de WeWork sonnent comme
autant d’avertissements. Enfin, sur
le marché obligataire dédié aux
entreprises, les rendements offerts
ne rémunèrent plus les investis-
seurs pour le risque pris et des taux
d’emprunt pousse-au-crime inci-
tent les sociétés à s’endetter tou-
jours davantage.
—C.C., G.B, T. M., V. R. et S. R.

A la présidence de la Banque cen-
trale européenne, il n’y a pas d’état
de grâce. Christine Lagarde, qui
prend ses fonctions vendredi, est
déjà entrée de plain-pied dans sa
mission. Mercredi matin, sur RTL,
elle a repris, plus nettement encore,
le mantra de son prédécesseur,
Mario Draghi : les pays en excédent
budgétaire, dont l’Allemagne,
« n’ont pas vraiment fait les efforts
nécessaires en matière de relance
budgétaire pour consolider une
croissance fragile ». La nouvelle diri-
geante qui aura pour mission de
veiller à la stabilité financière de la
zone euro a ajouté qu’« il n’y a pas
suffisamment d’éléments de solida-
rité dans une zone monétaire uni-
que » et déploré qu’il n’y ait pas un
budget commun à la zone euro.
Une position qui n’est pas partagée
par tous les banquiers centraux du
Conseil des gouverneurs, loin de là.
Christine Lagarde arrive au gouver-
nail de la BCE au moment où l’hori-
zon économique s’obscurcit dans
un contexte de tensions commer-
ciales et géopolitiques croissantes.
Ses défis sont immenses et
nombreux.



  • POUSSER LES ÉTATS
    À STIMULER
    LEUR POLITIQUE
    BUDGÉTAIRE
    Lors du passage de relais avec
    Mario Draghi, Christine Lagarde a
    fait part de son admiration pour
    l’approche de son prédécesseur,
    capable de « parler vrai » avec les
    dirigeants européens. « La politique
    monétaire peut atteindre ses objec-
    tifs, mais elle peut le faire plus vite et
    avec moins d’effets secondaires si les
    politiques budgétaires sont ali-
    gnées », a-t-il encore redit à cette
    occasion. La nouvelle présidente de
    la BCE va devoir à son tour argu-
    menter en ce sens. Sans disposer
    d’effet de levier pour contraindre les
    Etats, elle va devoir compter sur sa
    force de persuasion et un dialogue
    intense avec les chefs d’Etats et de
    gouvernement pour les ouvrir à
    l’i dée d’une politique budgétaire
    plus généreuse. Le contexte est
    compliqué : certains Etats sont déjà
    très endettés (France, Espagne, Ita-
    lie) et ont moins de latitude que
    l’Allemagne, par exemple, qui affi-
    che un excédent budgétaire. Cel-
    le-ci flirte avec la récession en rai-
    son de la guerre commerciale mais
    a toujours préféré l’orthodoxie bud-
    gétaire aux dépenses d’investisse-
    ment. L’émergence d’un budget de
    la zone euro est un élément favora-
    ble, mais il devra être assez géné-


EUROPE


entreprises traduit les inquiétudes
sur l’issue de la guerre commer-
ciale que mènent les Etats-Unis
contre la Chine. Les consomma-
teurs pourraient avoir anticipé une
part de leurs dépenses avant les
hausses annoncées des droits de
douane en septembre puis en octo-
bre et en décembre. Comme au
deuxième trimestre, la consomma-
tion d e biens a ainsi été particulière-
ment dynamique.

Les entreprises réagissent
A l’inverse, les entreprises réagis-
sent à la guerre commerciale en
appuyant sur les freins. « L’escalade
des tensions commerciales et les
effets secondaires que cela peut avoir
sur l’investissement des entreprises
et les dépenses des ménages restent le
principal risque baissier de nos pré-
visions », estime d’ailleurs S&P Glo-
bal Ratings. Les discussions entre
Pékin et Washington ont repris en
octobre, sans toutefois qu’un
accord soit encore scellé.
En attendant les chiffres de
l’emploi en octobre vendredi, la per-
formance de la croissance trimes-
trielle éloigne temporairement le
débat politique sur le fléchissement
de l’économie, alors que la campa-
gne présidentielle pour 2020
démarre. Après une croissance de
2,9 % en 2018, S&P Global Ratings
prévoit désormais une progression
du PIB américain de 2,3 % cette
année, soit 0,2 point de moins que
précédemment prévu. L’économie
ralentirait ensuite à 1,7 % l’an pro-
chain, estime l’agence de notation
financière, notamment sous l’effet
de la dissipation de l’impact de la
réforme fiscale et du ralentisse-
ment de l’économie mondiale.n

tion autour d e 2 %, a engagé un mou-
vement d’assouplissement
monétaire c et été, avec une première
baisse des taux d’un quart de point
fin juillet, suivie d’une deuxième de
même ampleur mi-septembre. Des
baisses de taux présentées comme
une forme d’« assurance » contre la
dégradation de l’e nvironnement
économique. La Réserve fédérale
avait ainsi évoqué cet été un « ajuste-
ment de milieu de cycle ».

Confiance
L’analyse de la conjoncture et des
marchés financiers continue toute-
fois à faire d ébat au sein du comité de
politique monétaire. En septembre,
sept membres avaient voté en faveur
de la baisse des taux, dont le prési-
dent Jerome Powell et le vice-prési-
dent Richard Clarida, mais trois
membres avaient exprimé leur
opposition. Parmi ceux-ci, le prési-
dent de la Réserve fédérale de Bos-

conjoncturistes. C’est moins la
demande qui fait défaut que la
confiance : inquiètes de la guerre
commerciale, les entreprises ont
réduit leurs dépenses d’investisse-
ment, tandis que les ménages ont,
eux, continué à consommer.
Accaparé par la procédure d e des-
titution et les discussions commer-
ciales avec la Chine, Donald Trump a
quelque peu relâché la pression sur
Jerome Powell ces dernières semai-
nes. Le président américain, qui cri-
tique l’écart de taux entre les Etats-
Unis et ceux pratiqués en Europe, en
Australie ou au Canada, avait estimé
la semaine dernière que la banque
centrale manquerait « à ses devoirs »
si elle ne baissait pas une nouvelle
fois le loyer de l’argent, plaidant
même pour qu’elle « stimule » l’é co-
nomie. La prochaine réunion du
comité de politique monétaire de la
Fed est prévue les 10 et 11 décembre.
—V. L. B.

Propos receuillis par
Virginie Robert
@virginierg

Christine Lagarde prend
les rênes de la BCE dans
un environnement où les
taux d’intérêt sont très bas,
voire négatifs, et que
l’inflation reste faible.
Les banques centrales
doivent-elles réviser
certains objectifs
ou revoir certains outils?
A mon sens, ceux qui veulent
réduire l’objectif de taux d’infla-
tion, autour de 1 % par exemple,
se trompent lourdement. A la
rigueur, on pourrait plutôt
chercher à le rehausser un peu au-
delà de 2 %, comme l’envisage Oli-
vier Blanchard, l’ancien chef éco-
nomiste du FMI. Cela peut être
utile dans un environnement de
taux d’intérêt réels bas. Mais au-
delà du taux, il y a des débats très
intéressants sur la bonne cible.
Aujourd’hui c’est l’inflation des
prix, mais on pourrait considérer
l’inflation des salaires ou la crois-
sance du revenu nominal. Ce der-
nier prend en compte les effets de
volume. Prendre en compte les
salaires me paraît une bonne idée,
surtout que cela parle aux gens.

Mais comment inciter
les Etats à agir sur leur
politique budgétaire? Est-ce
par une communication
plus affirmée de ce message
par la banque centrale?
Oui, les banquiers centraux le
disent. Mais ils sont surtout écou-
tés par les marchés! Cela n’a pas
vraiment d’impact sur les Etats.

Certains économistes
réfléchissent à des outils
que les banques centrales
pourraient utiliser
pour pousser les Etats
à faire davantage
de politique budgétaire.
Qu’en pensez-vous?
Cela me semble antidémocrati-
que! Si certaines banques centra-
les, comme dans la zone euro, ont
dû être très proactives, c’est parce
que les Etats étaient très poussifs,
mais une banque centrale ne va
pas se substituer à un Etat!

Qu’a-t-on appris
des instruments
de politique monétaire

ment. Philip Lane, le nouvel écono-
miste en chef de l’institut de Franc-
fort depuis juin, est donc appelé à
jouer un rôle déterminant. Encore
davantage que son prédécesseur
Peter Praet, qui avait comme patron
un Mario Draghi titulaire d’un doc-
torat d’économie au MIT de Boston.
Philip Lane, formé à Harvard,
quitte non seulement un poste de
gouverneur de la Banque centrale
d’Irlande mais sa carrière universi-
taire, notamment au Trinity College
de Dublin, qui lui a valu une solide
réputation d’économiste. « Philip est
à la fois un macro-économiste profes-
sionnel de premier plan et un sage
“policy maker” », dit de lui Olivier
Blanchard, ex-économiste en chef

du FMI. Il revient à cet Irlandais d’à
peine cinquante ans d’établir les p ro-
jections économiques de la BCE
pour la zone euro. Il sera aussi le
spécialiste de ces questions au sein
du directoire de la BCE, qui est com-
posé de six personnes, dont la prési-
dente Christine Lagarde, et prépare
les réunions du Conseil des gouver-
neurs, lequel arrête la politique
monétaire.

« Techniciens essentiels »
« Philip Lane et Isabel Schnabel, que
l’Allemagne a nommée pour le rejoin-
dre au directoire, seront les deux tech-
niciens essentiels de cette enceinte
influente de la BCE, le premier sur les
questions macro et la seconde vrai-

semblablement sur les questions
financière », explique Philippe
Martin, président du Conseil d’ana-
lyse économique (CAE) à Paris.
Au cours de ses premiers mois à
son nouveau poste, Philip Lane n’a
pas dévié de la doctrine économique
accommodante de Mario Draghi,
disent les spécialistes. Il a défendu
les nouvelles mesures de soutien à
l’économie de la BCE prises en sep-
tembre dernier, en expliquant
notamment que la BCE « ne flanche-
rait pas dans son engagement à attein-
dre son objectif d’inflation ». Philippe
Martin, qui connaît bien Philip Lane
pour avoir dirigé avec lui la revue
« Economic Policy », le qualifie de
« néo-keynésien ». « Il considère que

la politique monétaire doit jouer un
rôle actif, explique-t-il. Il connaît
l’importance des signaux à donner
aux marchés sur la politique future
(“forward guidance”, dans le jargon)
et l’importance que joue le taux de
change sur l’inflation et l’activité ».

Pouvoir de persuasion
Réputé jovial et sachant jouer en
équipe, Philip Lane va avoir besoin
de tout son pouvoir de persuasion


  • et peut-être d’adoucir un peu
    son accent irlandais pour se faire
    mieux comprendre, murmurent
    des confrères – pour convaincre le
    Conseil des gouverneurs. Alors que
    l’économie mondiale donne des
    signes de faiblesses, le débat s’est


encore envenimé sur l’activisme des
banques centrales (taux d’intérêt
négatifs, injections monétaires
(QE)...). Certains, notamment en
Allemagne, qualifient ces pratiques
d’injustes à l’égard des épargnants et
de dangereuses car propices à créer
des bulles. « Philip Lane est une
“c olombe”; Isabel Schnabel l’est moins
mais elle aura un rôle important vis-
à-vis de l’opinion allemande en soute-
nant l’institution et son indépen-
dance, dit Philippe Martin. Ce soutien
sera fortement testé si l’outil de l’ “heli-
copter money”, c’est-à-dire l’injection
d’argent directement dans les comptes
en banque des ménages, devait deve-
nir un recours possible contre la défla-
tion en cas de crise. »n

Philip Lane, un néo-keynésien au côté de la nouvelle présidente de la BCE


Nicolas Madelaine
@NLMadelaine
—Envoyé spécial au Royaume-Uni


Christine Lagarde, la nouvelle prési-
dente de la Banque centrale euro-
péenne (BCE), a beau s’être frottée
aux enjeux économiques à la tête du
Fonds monétaire international, elle
n’est pas économiste et n’a gouverné
aucune banque centrale précédem-


L’ex-gouverneur de la
banque centrale irlandaise
devenu économiste en chef
de la BCE sera précieux
pour Christine Lagarde,
qui n’est pas, elle-même,
économiste.


lChristine Lagarde arrive aux commandes de la deuxième banque centrale la plus influente au monde.


lLes défis à relever ne manquent pas pour cette adepte du compromis dont les premiers pas sont attendus avec curiosité.


Les dossiers brûlants qui attendent Christ ine Lagarde


à la tête de la Banque centrale européenne


ÉTATS-UNIS


Véronique Le Billon
@VLeBillon
—Bureau de New York

L’économie américaine fait de la
résistance. Au troisième trimestre,
l’activité a progressé de 1,9 % en
rythme annualisé, selon la pre-
mière estimation diffusée mercredi
par le Bureau of economic analysis
(BEA). Ce n’est qu’une très légère
inflexion par rapport au rythme
enregistré au deuxième trimestre
(2 %), alors que les économistes
tablaient sur un ralentissement
plus prononcé, autour de 1,5 %.

Guerre commerciale
Comme au trimestre précédent,
c’est la consommation d es ménages
qui a soutenu l’activité. Elle a ralenti
son pas, progressant de 2,9 %
quand elle grimpait de 4,6 % le tri-
mestre précédent, mais elle reste
solide, profitant notamment des
créations d’emplois qui sont restées
dynamiques ces derniers mois. Le
coup d’arrêt de l’investissement des
entreprises s’est en revanche con-
firmé au troisième trimestre, avec
un recul de 3 % des dépenses non
résidentielles. Elles avaient déjà
cédé 1 % au deuxième trimestre,
après une longue période de forte
croissance. Au p rix d’un déficit bud-
gétaire en forte hausse, la crois-
sance a aussi continué à être soute-
nue par les dépenses publiques,
avec une progression de 2 % au troi-
sième trimestre (après +4,8 % au
deuxième).
La dichotomie entre le compor-
tement des ménages et celui des

lAu troisième trimestre, l’activité a progressé de 1,9 % en rythme annualisé.


lLa consommation a continué à soutenir la croissance, mais l’investissement


des entreprises s’est replié pour le deuxième trimestre d’affilée.


L’économie américaine


résiste mieux que prévu


La Réserve fédérale baisse à nouveau ses taux


Sans surprise. La Réserve fédérale a
annoncé, mercredi, une nouvelle
baisse d’un quart de point de son
taux directeur, qui évoluera désor-
mais dans une fourchette de 1,50 à
1,75 %. Le comité de politique moné-
taire de la Fed pointe notamment les
« incertitudes » qui pèsent toujours
sur l’activité et sa cible d’inflation.
Dans leur très grande majorité, les
marchés financiers anticipaient
cette baisse des taux ces derniers
jours, et attendaient surtout l’exé-
gèse de la décision, plus tard dans la
journée aux Etats-Unis. La banque
centrale, dont le mandat est de maxi-
miser l’emploi et d e maintenir l’infla-

Le comité de politique
monétaire a annoncé,
mercredi, un nouvel
assouplissement d’un quart
de point de son taux
directeur, le troisième
depuis cet été.

« Des limites à ce qu’une


politique monétaire


peut faire pour


stimuler l’économie »


non conventionnels utilisés
depuis la crise de 2008?
C’est qu’ils fonctionnent comme
des instruments standards. Le
programme d’assouplissement
quantitatif, par exemple, a eu un
effet de revenu sur les ménages et
les entreprises, sur l’activité éco-
nomique, et cela a fait augmenter
l’inflation, exactement comme si
l’on jouait avec les taux d’intérêt.
Mais, comme pour les taux, c’est
frustrant, on ne sait pas très bien
quand ça bouge et ce n’e st jamais
très précis. On ne s’attendait pas à
tant de similitude sur les impacts
de ces différents programmes
avec la politique monétaire
conventionnelle et cela a été une
surprise. Surtout, ils n’ont pas
favorisé, en tout cas pas plus
qu’une politique conventionnelle,
l’émergence de bulles.

Les instruments
non conventionnels ne
créent-ils pas de nouveaux
risques financiers?
Oui, mais p as p lus que la politique
monétaire conventionnelle. La
leçon principale de tout ça, c’est
que les instruments qui ont été
mis en place après la crise per-
mettent des interventions chirur-
gicales là où l’on sent l’émergence
d’une bulle. C’e st pourquoi on a
créé, par exemple, le Conseil de
stabilité financière.

Est-ce qu’on a atteint les
limites de ce que peut faire
la politique monétaire?
Oui, mais on le savait déjà avant.
Tant que la politique budgétaire
ne prend pas le relais, il y aura
des limites à ce qu’une politique
monétaire peut faire pour stimu-
ler l’économie. Pour ce qui con-
cerne la zone euro, la dernière
crise nous a montré que la politi-
que monétaire fonctionnait, que
la banque centrale est indépen-
dante, que nous sommes parve-
nus à éviter u ne déflation massive
et que la plupart des Européens
sont largement en faveur de
l’euro. C’est largement positif.n

THOMAS
PHILIPPON
Professeur
de finances
à la Stern Business
School
de New York

ton, Eric Rosengren, r edoute que des
taux bas n’incitent les ménages et les
entreprises à s’endetter davantage.
Ce dernier s’est de nouveau opposé à
la baisse des taux mercredi, comme
sa collègue Esther George.
Pour prendre leur décision, les
membres du comité de politique
monétaire ont pu s’appuyer sur la
première estimation de croissance
au troisième trimestre p ubliée mer-
credi matin. A 1,9 % en rythme
annualisé, l’activité est restée
plus soutenue qu’anticipé par les

Les entreprises ont
réduit leurs dépenses
d’investissement,
tandis que
les ménages ont,
eux, continué
à consommer.

MONDE


Jeudi 31 octobre vendredi 1er et samedi 2 novembre 2019Les Echos Les Echos Jeudi 31 octobre vendredi 1er et samedi 2 novembre 2019 MONDE// 07

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