Le Monde - 14.11.2019

(Tina Meador) #1

14 |économie & entreprise JEUDI 14 NOVEMBRE 2019


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Recul historique de la voiture en Ile­de­France


Les trajets du quotidien en automobile ont diminué de 4,7 % dans la région par rapport à 2010


L’


Homo automobilis a­t­il
amorcé son déclin? En
région parisienne, cela
pourrait bien être le cas.
La part de la voiture individuelle
dans les déplacements recule à
l’échelle de l’Ile­de­France tout en­
tière, selon l’Enquête Globale
Transport, que Le Monde s’est pro­
curée. Menée en 2018 par Ile­de­
France Mobilités, l’autorité orga­
nisatrice des transports dans la ré­
gion capitale, cette étude montre
que l’usage de l’automobile dans
les déplacements du quotidien a
diminué de 4,7 % par rapport à
2010, date de la dernière étude
comparable (soit − 700 000 trajets
quotidiens en voiture individuelle
sur 14,8 millions). C’est la pre­
mière fois que cette enquête (sa
première version date de 1976)
montre un retrait de l’automobile.
« C’est un vrai renversement, se
félicite Valérie Pécresse, prési­
dente de la région Ile­de­France. Il
y a une envie de lâcher sa voiture.
Ce n’était jamais arrivé depuis
l’après­guerre. » Celle qui se pose
en rassembleuse d’une droite ré­
publicaine aux accents sociaux et
teintée de préoccupations écolo­
giques semble s’être convertie à la
politique du moins de voitures.
« Je suis surtout pour la politique
du moins de bouchons, sources de
pollution et de stress. »
Moins de bouchons, l’enquête
ne le garantit pas. Elle se fonde sur
les déclarations de 7 000 Franci­
liens appartenant à 3 000 ména­
ges et effectuant près de
28 000 déplacements quotidiens.
L’étude a ses limites : elle ne prend
en compte que les déplacements
en semaine des Franciliens (et
donc pas les touristes ou régio­
naux en transit) et elle laisse pas­
ser sous son radar de nombreux
déplacements : livraisons de mar­
chandises et tournées profession­
nelles, cars de tourisme, circula­
tion à vide des VTC et des taxis.

L’inflexion est historique. Et ce,
d’autant que l’ensemble des dé­
placements quotidiens des Fran­
ciliens a connu une hausse de
4,9 % en huit ans. Dans le détail,
presque tous les types de déplace­
ment et la majorité des publics
(cadres, employés, ouvriers,
chômeurs, conjoints au foyer... à
l’exception des agriculteurs, des
retraités, des artisans­commer­
çants et des scolaires) sont concer­
nés par l’abandon de la voiture ces
dix dernières années.
Le fait nouveau, c’est que Paris
n’est plus le seul territoire franci­
lien à voir l’usage de la voiture di­
minuer. Les déplacements auto­

mobiles à l’intérieur de la petite
couronne génèrent 490 000 tra­
jets quotidiens de moins
qu’en 2010 (– 13 %). Même en
grande couronne, royaume de
l’automobile par excellence, elle
est en léger recul (– 1 % entre 2010
et 2018, alors que la population y a
crû de 5 % sur la période).

Offre de bus renforcée
Pour Mme Pécresse, ce résultat est
un des effets de la politique de
transport qu’elle a mise en place
depuis fin 2015 : « Nous avons ren­
forcé l’offre de bus en grande cou­
ronne, nous développons le tram­
way en petite et moyenne cou­

ronne. Le ressenti des voyageurs a
changé sur les lignes du Transilien
dotées de nouveaux trains confor­
tables, climatisés. »
C’est à un transfert des voya­
geurs de leur voiture vers les trans­
ports collectifs que l’on assiste. Les

bus, métros, trains ont vu leur
usage augmenter de 13 %, passant
de 8,3 millions à 9,4 millions de
trajets journaliers. Les modes
doux aussi ont vu leur part pro­
gresser : la marche (+ 8 % et pre­
mier mode de déplacement avec
17,2 millions de trajets), le vélo
(+ 29 %, avec 840 000 déplace­
ments), la trottinette (130 000 tra­
jets). « Je crois au vélo électrique,
parfaitement adapté à la banlieue
et à ses côtes », note Mme Pécresse,
qui vient de lancer Véligo, un ser­
vice de location longue durée de
vélos à assistance électrique.
Dans un contexte d’âpre rivalité
avec la maire de Paris, Anne Hi­

dalgo, ravivé par l’approche des
élections municipales de
mars 2020 et à deux ans du pro­
chain scrutin régional, Valérie Pé­
cresse entend continuer à mon­
trer qu’elle aussi est capable de
faire baisser l’usage de la voiture.
« Je préfère être dans la concerta­
tion que dans la brutalité des in­
terdictions ou des fermetures
d’axe, argumente­t­elle. Il n’est
pas question de créer un conflit ar­
tificiel entre Franciliens. Les habi­
tants de la grande couronne ne
prennent pas leur automobile par
plaisir. Il y aura toujours des voitu­
res sur les routes. »
éric béziat

En Allemagne, une nouvelle centrale


à charbon qui échauffe les esprits


Le site démarrera en 2020, malgré la promesse de Berlin de sortir de cette énergie d’ici à 2038


berlin ­ correspondance

O


utre­Rhin, la nouvelle
suscite l’incompréhen­
sion. Alors que le gouver­
nement allemand a pris, en début
d’année, la décision de mettre dé­
finitivement hors service les
84 centrales thermiques encore en
activité dans le pays à l’horizon
2038, une centrale à charbon flam­
bant neuve devrait être raccordée
au réseau en 2020.
Propriété du groupe énergétique
allemand Uniper, le site de Datteln
4 est « en bonne voie » d’être mis en
service à l’été de l’année pro­
chaine, a déclaré, mardi 12 novem­
bre, Sascha Bibert, le directeur fi­
nancier, au cours de la présenta­
tion des résultats trimestriels de
l’énergéticien. Située en Rhéna­
nie­du­Nord­Westphalie, dans la
région industrielle de la Ruhr,
cette centrale d’une capacité de
production de 1 100 mégawatts, a

coûté 1,5 milliard d’euros. Son dé­
but d’exploitation, initialement
prévu pour 2011, avait été repoussé
à maintes reprises.
D’ailleurs, il était un temps ques­
tion de renoncer à l’ouverture de
cette installation. En effet, la com­
mission d’experts mise en place
par le gouvernement d’Angela
Merkel qui avait préconisé l’aban­
don de la filière du charbon d’ici
2038, recommandait également
de ne plus ouvrir de nouvelles cen­
trales thermiques. Le site de Dat­
teln 4, dernière centrale à charbon
en construction dans le pays, était
visé sans être nommé.
Mais Uniper ne l’entend pas de
cette oreille. « Nous misons sur
Datteln 4, dans l’intérêt de notre en­
treprise et de l’ensemble de la so­
ciété », a insisté M. Bibert. Par le
biais des déclarations de son direc­
teur financier, le groupe implanté
à Düsseldorf commentait pour la
première fois des rumeurs qui se

propagent depuis plusieurs se­
maines. Le 30 octobre, l’agence de
presse Reuters affirmait que l’exé­
cutif allemand ne s’opposerait pas
à la mise en service de Datteln 4, ci­
tant une source anonyme proche
du gouvernement.
Le dossier est sensible outre­
Rhin. En septembre, Berlin a
adopté un « paquet climat » à
100 milliards d’euros visant à ré­
duire de 55 % les émissions alle­
mandes de gaz à effet de serre d’ici
à 2030 par rapport à 1990.

« D’énormes pénalités »
Le gouvernement fédéral se refuse
à tout commentaire. Mais des
membres de la CDU (Union chré­
tienne­démocrate, centre droit) de
la chancelière Angela Merkel pren­
nent position. « Tant d’un point de
vue climatique qu’économique, il
est judicieux de mettre en service la
centrale de Datteln 4 », assure au
Monde Joachim Pfeiffer, député de
la CDU au Bundestag. « Elle émet
beaucoup moins de dioxyde de car­
bone que de nombreuses installa­
tions, plus anciennes et moins effi­
caces », argumente­t­il.
Et, souligne le député, un inves­
tissement important a déjà été
réalisé par Uniper. « Si la centrale
électrique n’était pas raccordée au
réseau, le paiement d’énormes pé­
nalités en découlerait, au détri­
ment des consommateurs et des
contribuables », assure­t­il. C’est
un raisonnement que partage Ar­
min Laschet, le ministre­président

chrétien­démocrate du Land de
Rhénanie­du­Nord­Westphalie et
partisan de l’ouverture du site.
Ces arguments font bondir les
experts. « Une centrale électrique
doit fonctionner pendant au moins
trente ans pour être économique­
ment rentable », rappelle Volker
Quaschning, professeur de systè­
mes d’énergie renouvelable à
l’école supérieure HTW de Berlin.
« L’Allemagne n’a pas besoin de
cette installation », juge l’expert.
Les défenseurs de l’environne­
ment sont également montés au
créneau. « Le surcroît d’émissions
de CO 2 sera de l’ordre de 6 à 8 mil­
lions de tonnes par an », s’insurge
Thomas Krämerkämper, vice­
président du BUND, la branche al­
lemande des Amis de la Terre,
dans un communiqué dénon­
çant l’« imposture » du ministre­
président Laschet et le « sabo­
tage » des efforts en matière de
protection du climat.
Pour les opposants à Datteln 4,
l’espoir s’amenuise. « Si le gouver­
nement fédéral décide de mettre en
service la centrale, les moyens poli­
tiques pour l’empêcher sont limi­
tés », reconnaît Wibke Brems, dé­
putée des Verts au Parlement ré­
gional de Rhénanie­du­Nord­
Westphalie. Mais des recours en
justice ont déjà été lancés par des
associations pour stopper l’ouver­
ture du site. « Il n’est pas à exclure
que les tribunaux aient le dernier
mot », indique la députée.
jean­michel hauteville

– 600 000 – 300 000 (^0) 300 000
Evolution du nombre de déplacements selon le mode de transport entre 2010 et 2018
Nombre de déplacements quotidiens en voiture en 2018
Paris-Paris
En baisse En hausse
Paris-petite couronne
Paris-grande couronne
Petite couronne-petite couronne
Petite couronne-grande couronne
Grande couronne-grande couronne
Voitures Transports collectifs



  • 370 000



  • 490 000


Evolution du nombre de déplacements en Ile-de-France,
en millions de trajets par jour

Voitures

Transports collectifs

1976 1983 1991 2001 2010 2018

0

5

10

15

20

0,4 million
de déplacements
Paris-Paris

8,5 millions de déplacements
grande couronne-grande couronne

3,3 millions de déplacements
petite couronne-
petite couronne

SOURCE : « LA NOUVELLE ENQUÊTE GLOBALE DE TRANSPORT », OMNIL, SEPTEMBRE 2019 INFOGRAPHIE : LE MONDE

0,6 million 0,3 million de déplacements
avec l’extérieur
de l’Ile-de-France

1,4 million

0,3 millon

Paris Petite couronne Grande couronne

On assiste à
un transfert
des voyageurs de
leur voiture vers
les transports
collectifs

Tesla ouvrira son usine européenne
près de Berlin
Le constructeur de véhicules électriques haut de gamme Tesla
va ouvrir une usine géante en banlieue de Berlin, a annoncé son
patron Elon Musk, mardi 12 novembre, en Allemagne. Cette
usine « construira des batteries, la motorisation et des véhicules,
à commencer par le Model Y », a-t-il précisé sur Twitter. Le site,
installé près du nouvel aéroport – toujours en construction – de
la capitale allemande, comprendra aussi un centre d’ingénierie
et de design. Tesla représente 30 % du marché européen des voi-
tures électriques à batterie, d’après Matthias Schmidt, un ana-
lyste spécialiste de l’industrie automobile.

Bug statistique en Suède


malmö (suède) ­ correspondante régionale

P


résentés mi­octobre par l’institut suédois de la statisti­
que (SCB), les derniers chiffres du chômage, en Suède,
semblaient confirmer ce que les experts annonçaient
depuis des mois : l’activité économique entrait dans une pé­
riode de ralentissement. Et bien plus brutalement que prévu,
au vu du taux de chômage, passé de 6,3 % en septembre 2018, à
7,3 %, un an plus tard.
Le jour même de la publication des chiffres, le quotidien Da­
gens Nyheter constate que « le chômage n’a pas progressé aussi
vite, depuis la crise financière en Suède, qu’au cours de ces der­
niers mois ». Dans la foulée, la couronne suédoise, déjà au plus
bas, dégringole, avant de finalement se reprendre.
Mais les économistes s’interrogent : une erreur aurait­elle été
commise? En effet, la Suède semble être le seul des pays nordi­
ques à subir une telle baisse de l’emploi. Mais surtout, aucun
autre indicateur économique ne va dans le même sens, pas
plus que les statistiques de l’agence nationale pour l’emploi.

Stupeur
A Stockholm, la ministre des finances, Magdalena Andersson,
exige des explications. Les accords collectifs doivent être rené­
gociés début 2020 : les mauvais chiffres du chômage sont déjà
évoqués pour tempérer les ambitions salariales des syndicats.
Finalement, SCB concède une erreur, provoquant la stupeur.
L’institut de la statistique blâme son fournisseur, la société
informatique Evry, chargée de mener une partie des entretiens
téléphoniques utilisés pour nourrir les enquêtes mensuelles
sur la situation du marché du travail. « Le nombre d’actifs a pro­
bablement été légèrement surestimé l’année dernière pour être
ensuite sous­estimé pendant l’été 2019 », explique SCB, dans un
communiqué de presse, tandis que « le nombre de chômeurs a
été sous­estimé en début d’année, pour ensuite être surestimé ».
Une première explication est avancée : chaque mois,
30 000 personnes sont contactées au téléphone, dont la moitié
par les employés du centre d’appels d’Evry, installé en banlieue
de Stockholm. Il y a dix ans, une personne sur deux acceptait
de répondre aux questions, contre une sur cinq aujourd’hui, ce
qui pourrait fausser les données recueillies.
Le journal Aftonbladet met en cause également les condi­
tions de travail, dans le centre d’appels, où les salariés, embau­
chés à l’heure et payés aux résultats, auraient falsifié les répon­
ses aux questionnaires. Face à ces révélations, l’institut de la
statistique a décidé de suspendre sa collaboration avec la so­
ciété informatique. Par ailleurs, le PIB suédois va devoir être re­
calculé, en remontant jusqu’au début 2018.
anne­françoise hivert

Vers un paiement
du stationnement
au poids à Paris?
La maire socialiste de Paris,
Anne Hidalgo, envisage, dans
le cas où elle serait réélue
en 2020, de refondre les tarifs
de stationnement de tous les
véhicules. Un vœu en ce sens
va être soumis au conseil mu-
nicipal, qui se tient jusqu’au
vendredi 15 novembre. Il pré-
conise d’organiser dans la fou-
lée des municipales des « états
généraux du stationnement ».
Cette concertation pourrait
aboutir, non seulement à faire
payer le stationnement des
deux-roues motorisés, comme
le recommande le candidat
macroniste de droite Pierre-
Yves Bournazel, mais aussi à
revoir les tarifs pour les voitu-
res. « On réfléchit à l’idée de
faire varier les prix en fonction
du poids des véhicules, précise
Jean-Louis Missika, l’un des
adjoints de la maire. Cela per-
mettrait de pénaliser les SUV
qui polluent, encombrent
l’espace public et abîment
la chaussée. »
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