24 |culture JEUDI 14 NOVEMBRE 2019
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L’audacieuse Chiara Parisi bientôt
à la tête de PompidouMetz
L’Italienne au parcours singulier a été choisie pour son éloquence
PORTRAIT
Q
ui ne céderait à sa
fougue? Chiara Parisi
devrait être nommée
à la direction du Cen
tre PompidouMetz
lors du prochain conseil d’admi
nistration de l’établissement pu
blic, le 28 novembre, a dévoilé Le
Figaro, lundi 11 novembre. Pour
l’institution lorraine, qui célé
brera ses 10 ans en 2020, c’est une
première : ses précédents direc
teurs, Laurent Le Bon et Emma La
vigne (qui a pris la tête en septem
bre du Palais de Tokyo), apparte
naient tous deux au sérail Pompi
dou. Le parcours de la pasionaria
romaine, installée en France de
puis quinze ans, est plus singu
lier. Au dire de Serge Lasvignes,
président du Centre Pompidou,
c’est son éloquence qui a con
vaincu le jury, lui permettant de
l’emporter devant d’autres candi
dats plus « institutionnels »,
comme Camille Morineau, qui
quitte la Monnaie de Paris, ou
François Quintin, lâché par la fon
dation Lafayette Anticipations
qu’il avait contribué à faire naître.
Mèche au vent, regard d’un bleu
intense, débit mitraillette et ac
cent inimitable : à 49 ans, Chiara
Parisi n’a rien perdu de la ferveur
qu’elle avait quand elle a débar
qué, là aussi à la surprise de beau
coup, sur l’île de Vassivière, dans le
Limousin, pour y diriger le Centre
international d’art et du paysage.
Pour bagages, elle a un doctorat en
histoire de l’art contemporain de
l’Université La Sapienza de Rome.
Mais surtout, déjà, une profonde
intimité avec les artistes.
Son credo? « Il faut à tout prix
croire en la force des artistes, qui
sont de vrais guerriers. Cela relève
pour moi d’une véritable respon
sabilité sociale, nous confiaitelle
il y a quelques années. Rappeler
que toute création a une valeur su
périeure et magique, loin de toute
question de marché. Et qu’en situa
tion de crise intense il faut soutenir
la création car elle est un moteur
pour la société, bien plus qu’une
question d’image et de mode. » De
2004 à 2011, elle fera de cette île
lointaine, posée sur un lac artifi
ciel, un rendezvous du monde de
l’art international.
Pas de main morte
Elle est la première à montrer
en France le sculpteur Thomas
Houseago, avant qu’il ne de
vienne une star du marché. Elle
lance d’audacieuses cartes blan
ches : Claude Lévêque met en
scène les ruminants venus du pla
teau de Millevaches voisin et
envahit de foin la nef du centre
d’art, bâti par Aldo Rossi ; Hubert
Duprat transforme le phare domi
nant le site en paysage lunaire.
Mais elle offre aussi des opportu
nités à la jeune génération. Elle
laisse Cyprien Gaillard flanquer le
bâtiment de pins coupés, et Rosa
Barba faire son cinéma dans la
nuit du lac.
Les hivers sont rudes, surtout
quand on a un bébé, et pas de per
mis de conduire. Mais c’est les lar
mes aux yeux qu’elle quittera le
Limousin, en 2011, pour participer
à l’aventure de la Monnaie de Pa
ris. L’institution vient de réhabili
ter son bâtiment sur les quais de
la Seine pour tenter de devenir un
lieuphare de l’art contemporain.
Là encore, elle n’y va pas de
main morte : elle organise une ré
trospective du poète conceptuel
Marcel Broodthaers dont plus
d’un musée fut jaloux, elle réin
vente avec ses complices Chris
tian Boltanski et Hans Ulrich
Obrist « Take me (I’m yours) », ex
positionpotlatch dont chaque
objet peut être emporté par les vi
siteurs. Elle transforme aussi avec
Paul McCarthy les salons néo
classiques de l’institution en cho
colaterie, d’où sortent à la chaîne
des Pères Noël munis de plugs
anaux. On se souvient encore de
la polémique. Mais plus encore de
sa rétrospective de Maurizio
Cattelan, fameux trublion qu’elle
est la seule à savoir persuader de
sortir de la retraite anticipée qu’il
s’est choisie.
Le succès public est au rendez
vous. Pas assez pour la Monnaie,
cependant, qui la remercie de fa
çon très cavalière en 2016 et la
remplace par Camille Morineau,
sans lui faire nulle grâce d’avoir
su imposer le lieu sur la cartogra
phie des musées parisiens.
Apprendre
On aurait pu l’attendre à la tête de
la Villa Médicis, où elle a réalisé
pendant deux ans un cycle d’ex
positions dévolu aux artistes
femmes, d’Annette Messager à
Tatiana Trouvé, mais le gouver
nement ne semble pas pressé de
trouver un successeur à Muriel
MayetteHoltz, quinze mois
après son départ. Direction Metz,
donc. Elle devra y apprendre à gé
rer une équipe beaucoup plus
large que celles qu’elle a connues,
à négocier avec le grand frère pa
risien et à se coltiner le problème
de la conservation des œuvres.
Quant à la question du public?
« Elle est devenue centrale pour
moi, assuraitelle dès son arrivée
à la Monnaie, alors qu’à Vassi
vière nous pouvions concentrer
tous nos efforts sur une valeu
reuse personne venue nous rendre
visite malgré un mètre de neige. »
Elle retrouvera sans doute quel
ques flocons à Metz. Mais ga
geons que la plus italienne des
villes de l’Est lui réservera un ac
cueil chaleureux.
emmanuelle lequeux
Débouté face à « Mediapart », le metteur
en scène JeanPierre Baro fait appel
La justice a décidé de ne pas dépublier un post de blog paru sur le site
accusant le directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry de harcèlement
A
u moment où les déclara
tions d’Adèle Haenel et
les accusations contre
Roman Polanski occupent le de
vant de l’actualité, une affaire de
viol et de harcèlement touche le
théâtre. Elle concerne JeanPierre
Baro, metteur en scène et direc
teur du Théâtre des Quartiers
d’Ivry (ValdeMarne), et se joue
sur le terrain judiciaire.
Tout est parti d’un article publié
le 25 juin par JeanPierre Thibau
dat sur son blog, « Le Balagan »,
hébergé par Mediapart. Dans cet
article, intitulé « #metoo, le théâ
tre français aussi », le journaliste
et critique met en cause Jean
Pierre Baro et Guillaume Dujardin
- fondateur du Festival de Caves, à
Besançon, et enseignant en théâ
tre à l’université de la même ville.
Dix élèves (un garçon et neuf jeu
nes femmes) ayant porté plainte,
Guillaume Dujardin sera jugé le
18 mars 2020 pour chantage
sexuel et agressions sexuelles. Il a
été radié de l’université.
JeanPierre Baro, lui, n’est pas
poursuivi. A la suite d’une plainte
pour viol déposée le 26 septem
bre 2018 par une jeune femme qui
travaillait dans un bureau de pro
duction au moment des faits in
criminés, en 2011, le metteur en
scène (né en 1980) a été placé en
garde à vue le 26 novembre 2018
et confronté à la victime présu
mée. L’affaire a été classée sans
suite en mars, en raison d’une
« infraction insuffisamment ca
ractérisée ». JeanPierre Thibaudat
le précise dans son article, où il
fait témoigner la jeune femme,
qui a choisi de s’exprimer anony
mement (et qu’il appelle Camille).
Il relate également les témoigna
ges, eux aussi anonymes, de deux
comédiennes, victimes présu
mées de harcèlement de la part de
JeanPierre Baro, qui a pris la di
rection du Théâtre des Quartiers
d’Ivry le 1er janvier.
Dix jours après la publication de
l’article, le 2 juillet, Mediapart a pu
blié, sur « Le Balagan », un droit de
réponse de JeanPierre Baro, qui
reproche au journaliste de ne pas
l’avoir interrogé pendant son en
quête, et l’accuse de « revisiter » ses
relations avec les trois jeunes fem
mes. « Je sais ce que je suis et ce que
je ne suis pas. Je ne suis ni un agres
seur, ni un violeur, ni une bête, écrit
JeanPierre Baro. Je ne peux pas
laisser tenir ces propos qui me nui
sent considérablement. »
Le strict terrain du droit
Le 13 juillet, c’est au tour d’une vic
time (appelée Claire par Jean
Pierre Thibaudat) de s’exprimer
sur Mediapart : « Je constate que
de nombreuses choses que j’ai di
tes lors de notre entretien télépho
nique et qui me semblent impor
tantes ont été occultées. » La jeune
femme développe son point de
vue en expliquant que ce qu’elle
voulait mettre en avant, en té
moignant auprès de JeanPierre
Thibaudat, c’était le déroulé
d’« une soirée tristement banale »
où la « domination masculine »,
inculquée par un système, piège
un homme et une femme.
Le 23 juillet, JeanPierre Baro a
assigné en référé, devant la
17 e chambre du tribunal de grande
instance de Paris, JeanPierre
Thibaudat, Edwy Plenel, le direc
teur de Mediapart, et Mediapart,
au motif que l’article du 25 juin
« porte atteinte au respect de la
présomption d’innocence ». Jean
Pierre Baro demandait la suppres
sion de l’article sur le blog, la pu
blication d’un communiqué sur le
blog et sur le compte Facebook de
JeanPierre Thibaudat, et des in
demnités financières.
L’audience, qui s’est tenue le
24 septembre, n’a pas porté sur
les faits reprochés par JeanPierre
Thibaudat à JeanPierre Baro,
mais sur le strict terrain du droit.
Dans sa décision, rendue le 30 oc
tobre, Florence LasserreJeannin,
viceprésidente de la 17e chambre,
a débouté JeanPierre Baro de tou
tes ses demandes. Elle a suivi
Me PierreEmmanuel Blard, l’avo
cat de JeanPierre Thibaudat, qui a
fait valoir que « seules les person
nes visées par une enquête ou une
information judiciaire peuvent de
mander le respect de leur pré
somption d’innocence ».
JeanPierre Baro conteste, en dé
clarant au Monde : « J’aimerais
préciser que cette décision de jus
tice est très hautement critiquable
en droit. Voilà pourquoi nous
avons décidé avec mon avocate,
Sophie Obadia, de faire appel. »
brigitte salino
« Il faut à tout prix
rappeler que toute
création a une
valeur supérieure
et magique, loin
de toute question
de marché »
Le MegaOctet dans
toutes ses splendeurs
La formation d’Andy Emler a fêté ses 30 ans,
lors d’un concert au D’Jazz Nevers Festival
MUSIQUE
nevers envoyé spécial
A
ndy Emler tient un gros
gâteau orné de bougies et
du nombre 30 en friandi
ses. La photographie figure dans le
programme du festival D’Jazz Ne
vers Festival, en annonce du con
cert de ce lundi 11 novembre, dans
la grande salle de la maison de la
culture. Soirée anniversaire, donc,
celle du MegaOctet, fondé en 1989
par le pianiste, compositeur, chef
d’orchestre et arrangeur. Préci
sion, le MegaOctet réunit depuis
ses débuts non pas huit, mais neuf
musiciens.
Et quelle fête, dans une allégresse
constante, avec entrelacs rythmi
ques à tomber, lyrisme mélodique,
parties d’ensemble époustouflan
tes. Une musique qui dit les pas
sions, le parcours d’Andy Emler, né
en 1958. Le classique, le contempo
rain, avec études de haut niveau, le
rock et la pop, à la base de ses pre
mières formations, au milieu des
années 1970, le jazz, qui vient plus
tard. Tout cela se mélange, fait ins
piration, un peu comme chez
Frank Zappa – plus raide dans son
rapport à la musique savante –,
qu’Andy Emler met en bonne place
dans son panthéon.
Vif, audacieux
A l’actif du MegaOctet, huit al
bums, depuis le premier, au nom
du groupe, sorti en 1990, jusqu’au
dernier en date, A Moment For,
en 2018. L’écriture est complexe,
pleine de pièges rythmiques, de
riffs qui ne permettent pas un
dixième de seconde de retard, de
relances. Et reste limpide, sans en
gloutir, épuiser. Pour les parties
solistes, Emler laisse ses compa
gnons filer, vibrer, s’étonner de
leurs inventions. Cette liberté s’en
tend sur les disques, s’affirme en
core plus lors des concerts.
Celui de ce 11 novembre a en plus
été copieux. Deux parties, un
court entracte, plus de deux heu
res trente enthousiasmantes. C’est
d’abord avec le répertoire de A Mo
ment For que se déploie le Me
gaOctet. Le groupe a connu au
cours de son histoire des change
ments de personnel, d’instrumen
tation. La formation actuelle est
stable depuis un bon moment :
Philippe Sellam, présent depuis
1989, et Guillaume Orti aux saxo
phones alto, Laurent Dehors au té
nor, à la clarinette, Laurent Blon
diau à la trompette, François
Thuillier au tuba, Claude Tchamit
chian à la contrebasse, François
Verly, trente ans de présence, au
marimba, aux tablas et à diverses
percussions, et Eric Echampard à
la batterie. Andy Emler, au piano,
en meneur attentionné. Entre
eux, des sourires lorsqu’un soliste
fait merveille, une envie de se dé
passer pour le collectif.
Et puisque anniversaire il y a, la
deuxième partie accueillait trois
invités, anciens membres du Me
gaOctet. Le guitariste Nguyen Lé,
qui était de la première formation,
Médéric Collignon, chanteur, vo
caliste, cornettiste et le saxopho
niste et chanteur Thomas de Pour
query. Ils se coulent dans l’orches
tre comme si c’était hier. A neuf, le
MegaOctet est splendide, vif,
audacieux. A douze, pour un soir,
pour ce soir, il l’est un peu plus.
sylvain siclier
D’Jazz Nevers Festival, prochains
concerts : Shai Maestro,
Géraldine Laurent, Orchestre
national de jazz, Joe Lovano,
Louis Sclavis, Papanosh et André
Minvieille... Jusqu’au
16 novembre. De 3 à 25 euros.
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23 NOVEMBRE 2019
11h-17h