Libération - 05.11.2019

(avery) #1

Monde


Des soldats maliens à Mopti, en octobre 2018. Photo Michele Cattani. Afp

Mali : 49 soldats tués par l’EI,


la stratégie de Barkhane affaiblie


Une base de l’armée
nationale, installée
dans le village
d’Indelimane, dans
le nord-est du pays,
à l’instigation des
forces françaises
en 2018, a été prise
d’assaut par des
jihadistes. Un coup
dur pour Bamako
et Paris.

«U


ne dynamique
encourageante
s’est installée
dans ce village situé à 200 ki-
lomètres au sud-est de Gao.»

plat. «Ils ont d’abord pilonné
le camp, explique une source
sécuritaire à Bamako. Puis
ils ont ouvert la voie avec un
­véhicule piégé, avant de
­lancer l’assaut à proprement
parler, en plusieurs endroits.»
Les 80 Fama qui défendaient
la garnison ont été rapide-
ment submergés.
Ce week-end, les jihadistes
ont publié deux vidéos tour-
nées à l’intérieur du camp.
Sur les images, ils s’y promè-
nent librement, pillent
l’équipement de l’armée,
communiquent au moyen de
talkies-walkies. «Les as-
saillants parlaient le peul
avec un accent toleebe», indi-
que un travailleur humani-
taire. Quand les avions de
chasse français ont survolé la
zone, quelques dizaines de
minutes plus tard, ils

s’étaient déjà «dispersés». Les
terroristes ont fui «en direc-
tion du Niger», a indiqué le
porte-parole du gouverne-
ment malien.
Des indices qui corroborent
l’implication de l’EIGS, un
groupe implanté dans la zone
dite «des trois frontières»
(Mali-Niger-Burkina Faso)
depuis 2016. Son chef, Ad-
nane Abou Walid al-Saha-
raoui, avait prêté allégeance
au calife autoproclamé de
l’Etat islamique, Abou Bakr
al-Baghdadi. L’organisation
syro-irakienne a publique-
ment reconnu l’EIGS comme
une branche officielle, sans
qu’aucune collaboration opé-
rationnelle n’ait jamais été
prouvée entre la maison
mère et sa franchise.
Il y a un mois, un autre assaut
d’envergure contre une posi-

tion de l’armée malienne,
dans la ville de Boulkessi,
avait déjà coûté la vie a au
moins 40 soldats. Le Groupe
de soutien de l’islam et aux
musulmans (le Jnim, selon
son acronyme en arabe) avait
revendiqué l’attaque, évo-
quant un bilan de «85 mili-
taires tués». Six ans après
l’intervention de l’armée
française au Mali pour délo-
ger les jihadistes qui s’étaient
emparées des villes du nord
du pays, l’activité des grou-
pes islamistes armés ne fai-
blit pas.
Samedi, leurs mines artisa-
nales ont semé la mort à
deux reprises : à 20 kilomè-
tres d’Indelimane, l’une d’en-
tre elles a été déclenchée au
passage d’un véhicule blindé
français «engagé dans une es-
corte de convoi». Le brigadier

La phrase, extraite d’un com-
muniqué du ministère fran-
çais des Armées, date de no-
vembre 2018. Elle résonne
aujourd’hui cruellement. Le
village en question, Indeli-
mane, a été le théâtre d’une
nouvelle attaque jihadiste ef-
froyable ce vendredi : 49 mi-
litaires ont été tués dans l’as-
saut d’une garnison des
Forces armées maliennes
(Fama), selon le dernier bilan
du gouvernement. Le lende-
main, l’Etat islamique au
Grand Sahara (EIGS) a reven-
diqué l’opération.

Motos. La bataille a com-
mencé en plein jour, juste
avant midi. Une nuée de mo-
tos a encerclé la base des
­soldats maliens, dans le vaste
désert du nord-est malien,
sur un terrain totalement

Par
Célian Macé

Ronan Pointeau, 24 ans, a été
tué dans l’explosion. Le
même jour, «lors d’une pa-
trouille de proximité, un véhi-
cule Fama a sauté sur un en-
gin explosif improvisé» près
de Bandiagara, dans le centre
du pays. «Le bilan est de
deux morts, six blessés», a in-
diqué l’armée malienne.

Puits. La tragique déroute
de la garnison d’Indelimane
constitue un revers cinglant
pour Bamako et ses parte­-
naires internationaux. En
mars 2018, les troupes
­françaises avaient elles-mê-
mes effectué les travaux de
­creusement et d’installation
de cette «plateforme
­opérationnelle» censée
­permettre le ­retour de l’ar-
mée malienne dans une zone
trop ­longtemps délaissée.
­«Barkhane» avait précisé-
ment concentré ses forces sur
cette région de Ménaka, ces
­dernières ­années, pour éviter
que l’EIGS ne s’enracine ­
durablement. L’armée
­française a par ailleurs multi-
plié les opérations dites
­«civilo-militaires» de cons-
truction de puits, d’aide mé-
dicale à la population ou de
donations de ­médicaments,
suivant la stratégie du «nexus
sécurité-développement»
chère à ­Paris.
«La région de Ménaka est le
laboratoire des Français, qui
y ont investi beaucoup de
temps et d’argent, résume
Yvan Guichaoua, chercheur
à l’université du Kent. Il y a
de fait deux modèles de
­gestion de la présence jiha-
diste : celui de Ménaka, qui
repose essentiellement sur la
confrontation militaire, et
­celui de Kidal, mis en place
par les ex-rebelles séparatis-
tes, fait de coexistence
­raisonnée. En termes de
­violences, le modèle kidalois
s’avère ­beaucoup plus calme
que celui de ­Ménaka.» Depuis
le quartier général de
­Barkhane, au Tchad, où elle
entame une tournée sahé-
lienne de plusieurs jours, la
ministre française des
­Armées, ­Florence Parly, a
prôné lundi la ­«patience» :
«Barkhane ne s’enlise pas.
Barkhane s’adapte en perma-
nence.» Le président malien,
Ibrahim Boubacar Keïta, a
décrété un deuil national de
trois jours à partir de ce
lundi. Il ne s’est pas exprimé
depuis ­l’annonce du drame
d’Indelimane.•

McDonald’s vire son patron
pour une liaison au sein
de l’entreprise On ne sait rien
de l’amourette de Steve Easterbrook avec un membre
du personnel, si ce n’est que lui-même a estimé
qu’il s’agit d’«une erreur de jugement». «Un manque
de discernement», pour son conseil d’administration.
Combien de Big Mac pourra-t-il s’offrir avec
­ses indemnités? Photo AP

LIBÉ.FR

16 u Libération Mardi 5 Novembre 2019

Free download pdf