Libération - 05.11.2019

(avery) #1
lamente Tamburi. Cette économie parallèle
nourrit bien trop de monde dans la région.»
Pour mettre fin au «vieux monde mafieux», il
faudrait exiger «l’utilisation de matériaux recy-
clés» dans les marchés publics.
L’instauration d’une «prime à l’environne-
ment» est actuellement étudiée par la mairie
de Six-Fours-les-Plages. Erik Tamburi espère
que sa commune sera capable de donner
l’exemple. La Commission européenne a fixé
les objectifs à atteindre en ce domaine :
en 2020, 70 % des déchets du BTP devront être
entièrement revalorisés, affirme la directive
«déchets» de juin 2018 ; jusqu’à 100 % en 2025.
«On en est loin», constate Erik Tamburi, qui
propose d’ouvrir un centre de formation au
­recyclage du nom du défunt maire de Signes :
«C’est le moins qu’on puisse faire...»•

(1) Le prénom a été changé.

portés ses gravats. Un sous-traitant était
chargé de les évacuer à sa place : la même en-
treprise que celle installée sur la décharge du
Castellet... A la préfecture, on assure qu’une
instruction a été ouverte par le parquet de Tou-
lon. «La voie pénale est rarement la meilleure
solution, assure un gendarme de l’Office cen-
tral de lutte contre les atteintes à l’environne-
ment et à la santé publique. Les maires crai-
gnent de voir les responsables partir en prison
et laisser le site orphelin, une fois condamné.»
D’après un sondage de l’Agence de l’environ-
nement et de l’énergie, 49 % des plaintes dépo-
sées au tribunal par les maires seraient ainsi
classées sans suite.

«économie parallèle»
Mais un autre obstacle se pose pour démante-
ler. Plus technique, cette fois-ci. «La matière
est muette, stérile, vous ne ferez jamais parler
les déchets», avance un major de la gendarme-
rie. Il faut ruser, remonter la chaîne des sous-
traitants, pièce par pièce. «Nous montons les
dossiers à l’envers, poursuit le haut gradé, nous
partons des infractions les plus lourdement
­punies, comme la fraude fiscale ou l’escroque-
rie en bande organisée, pour en venir seule-
ment dans un deuxième temps aux infractions
à l’environnement.»
En 2014, deux filiales de la société Pizzorno
Environnement ont été condamnées par la
chambre criminelle de la Cour de cassation
pour avoir déversé des camions entiers de mâ-
chefer sur la commune de Bagnols-en-Forêt.
Des boues toxiques et des restes d’incinéra-
tion étaient mélangés à des déchets ménagers,
sans que les chefs de chantier n’aient été mis
au courant de ces activités. Un «délit de faux»
pour lequel sera condamnée la filiale produi-
sant de fausses factures.
Au tribunal de Draguignan, deux à trois «gros
dossiers» similaires sont suivis par le procu-
reur chaque année. Une soixantaine en tout,
si l’on inclut les dépôts sauvages et les «aban-
dons illégaux de déchets». «Les procédures peu-
vent être longues, souligne le vice-procureur
de Draguignan, Guy Bouchet, surtout lorsque
les entreprises en question sont cotées en
Bourse, et qu’il faut accumuler un maximum
de preuves avant d’auditionner les premiers té-
moins.» Des entreprises «cotées en Bourse»? Se-
cret de l’instruction oblige, il n’en dira pas
plus. «Si même Pizzorno, le roi des déchets mé-
nagers, peut être condamné pour des faits pa-
reils, vous imaginez les autres...» se désole Erik
Tamburi. Dans sa commune de Six-Fours-les-
Plages, ce conseiller municipal (divers droite)
a plusieurs fois tenté de faire condamner un
entrepreneur pour avoir déversé les gravats
d’une ancienne passerelle de la ville en pleine
nature. En vain. L’homme a été relaxé en appel
en 2016. «Les sanctions n’effraient personne, se

L’état sort son plan


La secrétaire d’Etat à la Transition
écologique, Brune Poirson, s’est ren-
due lundi sur la décharge illégale de
Carrières-sous-Poissy (Yvelines), afin
d’y présenter l’action du gouverne-
ment contre les dépôts sauvages, un
crime environnemental qui coûte en-
tre 340 et 420 millions d’euros aux
collectivités. Une visite organisée à la
demande d’associations, comme Ri-
ves de Seine nature environnement,
qui réclame l’intervention de la pré-
fecture pour déblayer le site. Installée
dans une ancienne plaine maraîchère,
la «mer des déchets» croule sous plus
de 35 000 tonnes de débris, dont des
sacs de médicaments et de l’amiante.
La secrétaire d’Etat a rappelé l’ambi-
tion du gouvernement de faire adop-
ter d’ici à la fin de l’année la loi anti-
gaspillage. Examinée en ce moment
par l’Assemblée, elle devrait inclure la
reprise gratuite des déchets pour les
entreprises du BTP et la mise en place
d’une taxe pollueur-payeur dans le
secteur. «Brune Poirson est venue faire
la promotion de sa loi, dit Anthony Ef-
froy, le président de l’association. Elle
a rappelé que la préfecture avait dé-
bloqué 800 000 euros au titre de la
dotation de sécurité locale pour dépol-
luer le site. Mais quand seront-ils mis à
disposition ?» La ministre assure que
le futur éco-organisme, prévu par la
loi antigaspillage, sera tenu de net-
toyer les sites déjà pollués. Si elle était
adoptée, la taxe n’entrerait en vigueur
20 septembre. qu’en 2021.


Erik Tamburi (élu divers droite de Six-Fours), dans l’ancienne carrière d’Evenos.

Libération Mardi 5 Novembre 2019 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 19

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