Libération - 05.11.2019

(avery) #1

6 u Libération Mardi 5 Novembre 2019


­résorption de l’habitat indigne.
Dans ce projet pour le centre-
ville, les citoyens auront-ils leur
mot à dire?
On ne pourra pas réussir un projet
de résorption de l’habitat indigne
comme celui-ci si on ne le fait pas
en collaboration avec la population.
La rénovation des arrondissements
centraux de la deuxième ville de
France doit être à la hauteur de ses
ambitions : c’est important que l’on
retrouve dans le centre-ville tous
­types de population, que l’on ait des
logements pour tous.
Pour revenir sur la situation
­actuelle, quid du devenir des
187 immeubles évacués depuis
la catastrophe car dangereux, et

toujours vides à ce jour?
Pour lutter contre l’habitat indigne,
on met en place des DUP [les décla-
rations d’utilité publique, qui per-
mettent à la puissance publique de
prendre possession d’un immeuble
ou d’un terrain par l’expropriation,
ndlr]. Ces 187 bâtiments appartien-
nent à des gens. On fera autant de
DUP que nécessaire. S’il faut en
faire 500 à l’avenir, on en fera 500.
Et c’est pour cela qu’il faut que je
sois à la tête de la mairie et de la mé-
tropole. La complémentarité entre
les deux est flagrante.
Une enquête de la presse pointe
68 immeubles (2), propriétés
ou ex-propriétés de la ville, que
la municipalité a laissé pourrir
­vides sur place au lieu de les ré-
nover, pour faire du logement
social par exemple. Vous avez été
l’adjointe de Jean-Claude Gau-
din pendant quatorze ans...
J’étais adjointe à l’espace public.
C’est celui qui est en charge du pa-
trimoine qui doit gérer cette ques-
tion. Si je suis élue, je ferai faire
un état précis du patrimoine de la
ville, comme je l’ai fait quand je suis
arrivée à la tête du département. Là,
ces 68 cas vont déjà nous aider.
Vous situez-vous en rupture avec
la ligne suivie par Jean-Claude
Gaudin, qui voulait modifier
la population du centre-ville
en faisant venir des classes
moyennes?
J’ai une vision différente des cho-
ses. Si on fait le choix de vivre à
Marseille, c’est qu’on veut vivre avec
tout le monde.
Donc, vous êtes en rupture avec
M. Gaudin?
(Elle souffle) Pourquoi ce mot rup-
ture? C’est une question de généra-
tion. Je mise plus sur le numérique,
l’environnement, l’innovation...
Mais je regrette la façon dont Jean-
Claude Gaudin a été traité ces der-
niers mois. C’est un homme bien,
profondément meurtri par ce qui
est arrivé. Je ne veux pas porter de
jugement sur quelqu’un qui a fait
évoluer cette ville pendant vingt-
cinq ans. Je suis née ici, j’ai vu cette
ville changer...
Il a fait des choix politiques
aussi...
Mais ce sont ses choix à lui! Pas les
miens. Mais je ne veux pas qu’on
dise que Jean-Claude Gaudin n’a
rien fait.
Que comptez-vous faire à l’em-
placement des 63 et 65 rue d’Au-
bagne?
Je suggère un endroit de recueil­-
lement, un jardin par exemple, un
lieu en mémoire. Pour qu’on n’ou-
blie jamais. Mais sur ce sujet, il faut
organiser une concertation avec la
population et avec les familles, qui
souhaitent peut-être autre chose.
Recueilli par S.A., S.Ha. et T.S.
(à Marseille)
Photo Olivier Monge. Myop

(1) SPLA-IN : Société publique locale
d’aménagement d’intérêt national, qui
permet de piloter des chantiers d’enver-
gure rapidement.
(2) Le Ravi, Mediapart, Marsactu et la Mar-
seillaise se sont associés pour une en-
quête sur l’habitat dégradé du patrimoine
de la ville, dont le premier volet a été pu-
blié le 29 octobre.

P


résidente de la métropole et
du département, Martine
Vassal, 57 ans, est aujourd’hui
candidate LR à la mairie de Mar-
seille. Elle reçoit Libération dans
son bureau du conseil départemen-
tal, lors d’une journée médias, sem-
ble-t-il marathon, avec plusieurs in-
terviews accordées aux journaux
locaux comme nationaux. Une fa-
çon de s’imposer dans le jeu qui
l’oppose à un autre candidat LR –
Bruno Gilles – à la mairie de Mar-
seille, à quelques jours d’une réu-
nion parisienne qui doit les
départager? Critiquée pour son si-
lence au moment des effondre-
ments de la rue d’Aubagne, il y a
un an, la patronne de la métropole
a, depuis, les clés du logement à
Marseille et tient à donner sa ver-
sion des faits et sa vision.
Quelles leçons tirez-vous des
­effondrements de la rue d’Auba-
gne et de la politique du loge-
ment menée par la municipalité
depuis quatre mandats?
Marseille a perdu huit de ses enfants
et c’est un choc. En tant que respon-
sable politique, on essaie de com-
prendre pourquoi et comment. Et
de se mettre dans la position pour
que ça ne se reproduise plus. Ce qui
m’a frappée quand je suis arrivée sur
place ce jour-là, c’était le silence.
Malgré le monde qu’il y avait. On
sentait bien que quelque chose de
dramatique se passait. Je sais que
beaucoup de gens ont dit : la prési-
dente de la métropole ne parle pas.
Mais la présidente de la métropole,
elle n’avait pas envie de parler
d’abord. Et après l’émotion, il y a eu
la colère. J’ai appris qu’il y avait des
loyers monstrueux pour des gens
qui vivent dans des conditions abo-
minables, tout ça je l’ai découvert.
Vous l’avez découvert ?!
J’en ai découvert l’ampleur.
Il suffit pourtant de se promener
dans Marseille pour constater
l’incroyable état de délabrement
de nombreux immeubles...
Je ne suis pas architecte. Moi j’ha-
bite un vieil appartement avec des
fissures et je ne pense pas être dans
un logement indigne. Je ne suis pas
constructrice, je ne suis pas promo-
trice. Je suis élue. Mais est-ce que
c’était ma responsabilité de regar-
der l’état des immeubles de la rue
Jean-Roque et de la rue d’Aubagne,
en étant à la tête du département?
C’était peut-être le rôle de Patrick
Mennucci quand il était maire de
secteur jusqu’en 2014...
Le maire d’arrondissement n’a
aucune compétence pour pren-
dre des arrêtés de péril ou d’in-
salubrité...
Il a un rôle fondamental de proxi-
mité. Pas que pour le logement mais
pour tout. Dans ma vision de la
structure municipale, il faut que les

mairies de secteur jouent un rôle.
Des enfants délogés et des sur­-
vivants du numéro 65 vous ont
écrit. Vous ne leur avez jamais
répondu. Pourquoi?
J’ai eu un temps de réaction. Je n’ai
pas fait, comme certains, des du-
plex sur place, je ne me suis pas ba-
ladée en talons rue d’Aubagne. Moi,
j’ai voulu prendre du recul.
Vos relations avec les collectifs
qui défendent les délogés sont
tendues. Vous les avez même
qualifiés d’«activistes». Pour-
quoi cette défiance?
Oui, parce qu’il y a une récupéra-
tion politique. Je déroule ma straté-
gie en fonction des populations, pas
en fonction des collectifs. Je n’ai pas

une attitude de défiance. Les élus
les ont vus. Je leur ai proposé de ve-
nir aux assises de l’habitat, ils n’ont
pas voulu.
En décembre, il y a eu un trans-
fert de compétence du logement
de la mairie vers la métropole.
Qu’est-ce cela a changé?
On a souhaité faire un périmètre de
test sur le centre-ville, ce qui repré-
sente 200 000 habitants. J’ai remar-
qué que chacun travaillait en silo :
la ville d’un côté, l’Etat de l’autre.
Grâce à la SPLA-IN (1), dont la mise
en place va être votée en décembre,
la métropole et l’Etat vont travailler
ensemble. La SPLA-IN est un outil
transversal par le biais duquel on va
pouvoir mener les opérations de

Martine Vassal «L’état


des immeubles, était-ce


ma responsabilité ?»


A la tête de la
métropole, et candidate
LR à la mairie de
Marseille, Martine
Vassal s’explique sur son
absence au moment des
effondrements de la rue
d’Aubagne et sur sa
gestion de l’insalubrité
dans la ville.

spécial marseille 5 novembre


Martine Vassal, mercredi au conseil départemental des Bouches-du-Rhône, à Marseille.
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