Libération - 05.11.2019

(avery) #1

C


onseiller municipal communiste de
Marseille, ancien vice-président de la
région Provence-Alpes-Côte d’Azur
(Paca), Jean-Marc Coppola est l’un des ani-
mateurs du Printemps marseillais, constitué

gnes est le résultat d’une incurie qui a duré un
quart de siècle. Moi je ne dis pas que Jean-
Claude Gaudin a du sang sur les mains. Mais
ce qui est arrivé n’est pas le fait d’un hasard.
Tout découle de choix extrêmement clairs.
Quels ont été ces choix, selon vous?
La municipalité a opté pour une politique
d’abandon des quartiers populaires du centre
en vue de recomposer la ville. Jean-Claude
Gaudin a dit publiquement qu’il voulait faire
revenir des familles qui paient des impôts
dans ces arrondissements. Cette stratégie a
consisté à laisser les mains libres au marché.
Mais un marché du logement sans aucune in-
tervention publique, c’est la porte ouverte aux
marchands de sommeil. Ils sont à l’affût de lo-
cataires pauvres ou modestes qui ont besoin
de se loger. Ils leur louent au prix du marché
des logements indignes. Et comme les gens
n’ont pas le choix faute d’une offre de loge-
ment sociaux suffisante, ils acceptent d’habi-
ter dans ces logements insalubres ou en péril
dangereux.
Gaudin n’a pas construit pour les habi-
tants modestes du centre-ville?
Dans les arrondissements du centre, il y a eu
un refus clair de construire du logement so-
cial, le seul qui est financièrement accessible
aux Marseillais modestes de ces quartiers.

J’en veux pour preuve les révélations récentes
de la presse. Où l’on apprend que la ville, ou
ses satellites comme l’office de HLM ou la So-
leam [la société locale d’aménagement, ndlr],
sont propriétaires, parfois depuis plus de dix
ans, d’immeubles insalubres, vides, qu’ils ont
achetés à l’amiable ou par expropriation. Ils
n’en ont rien fait. Ils les ont laissé pourrir sur
place. Tout a été gelé. Sans doute pour confier
ça au marché. Faire venir les promoteurs et
d’autres catégories sociales à la place des gens
qui habitent ces quartiers parfois depuis des
décennies.
Pourtant les promoteurs ne sont pas vrai-
ment venus. Pourquoi?
Peut-être parce que Marseille est encore dans
un entre-deux. Les gens se demandent si cela
vaut le coup d’investir dans ces arrondisse-
ments du centre.
Quels sont les projets du Printemps mar-
seillais sur ce dossier sensible du loge-
ment?
Notre objectif doit être de loger dignement
tout le monde. Et pour affirmer clairement et
politiquement cette priorité, le premier ad-
joint au maire doit avoir la responsabilité du
logement. Nous devons travailler en intelli-
gence avec tout le monde : les associations,
les habitants, l’Etat, les bailleurs sociaux, et
évidemment la métropole. Nous devons nous
doter des outils nécessaires pour répertorier
les immeubles insalubres, voir dans quel cas
on peut les acheter ou aider les propriétaires
qui sont de bonne volonté à les réhabiliter.
Les immeubles insalubres d’aujourd’hui doi-
vent devenir l’une des ressources pour faire
du logement social de qualité de demain,
grâce à des réhabilitations lourdes ou à des re-
constructions. J’ajoute que l’initiative publi-
que peut être une courroie d’entraînement
pour la rénovation du centre. Nous allons affi-
ner nos propositions et les confronter avec les
associations, les collectifs, les habitants, pour
les enrichir.
L’idée du Printemps marseillais de faire
une liste de gauche unie en vue des muni-
cipales ne semble pas acquise. Qu’en di-
tes-vous?
Les gens engagés dans le Printemps mar-
seillais, une union qui s’est faite dans le
sillage de la tragédie de la rue d’Aubagne,
souhaitent créer une dynamique. Des gens
que je rencontre dans la rue me disent : « Ne
nous décevez pas! » Ils demandent une alter-
native et sentent qu’elle est possible au bout
de vingt-cinq ans de règne de la droite, qui
a le bilan que l’on sait sur le logement. Si on
ne crée pas les conditions de l’alternative, ce
serait de la non-assistance à Marseillais en
danger.
Recueilli par S.A, S.Ha.
et T.S. (à Marseille)
Photo Olivier Monge. Myop

d’élus qui militent en faveur d’une union de
la gauche pour tenter de reprendre la mairie
à la droite.
Un an après les effondrements rue d’Au-
bagne, quel est votre diagnostic sur la si-
tuation du logement à Marseille?
Marseille aurait pu se passer de cette tragédie.
C’est la responsabilité pleine et entière de la
municipalité, c’est-à-dire du maire et de sa
majorité. Ce qu’il s’est passé rue d’Aubagne est
la conséquence la plus visible et la plus dra-
matique de leurs choix stratégiques en ma-
tière de politique du logement. A Marseille,
l’incroyable proportion de logements indi-

Jean-Marc Coppola


«Le résultat d’une


incurie qui a duré


un quart de siècle»


Le communiste Jean-Marc
Coppola, membre du collectif
du Printemps marseillais,
propose que la ville répertorie
les biens à risque, voire
les rachète ou aide les
propriétaires à les réhabiliter.

C


hez les autres candidats dé-
clarés aux municipales, si on
n’en est qu’au stade de
l’ébauche de programme, on a déjà
planché sur quelques idées en ma-
tière de logement. A droite, le séna-
teur Bruno Gilles (LR) avait déjà fait
voter par le Sénat une proposition
de loi au lendemain des effondre-
ments, pour renforcer l’action pu-

blique en la matière. Si le texte conti-
nue son parcours parlementaire, le
candidat Gilles a complété sa copie,
préconisant la mise en place sur le
centre-ville d’une Opération de re-
qualification des copropriétés dé-
gradées (Orcod) qui permettrait, se-
lon lui, d’«accélérer les rénovations»
en coordonnant l’action des diffé-
rentes institutions. C’est déjà ce que
préconisait l’inspecteur général de
l’équipement Christian Nicol, dans
son rapport sur Marseille en 2015.
Autre proposition, la mise en place
d’une zone franche urbaine.
Chez LREM, encore aux prises avec
la désignation de son candidat, on

n’a pas vraiment entamé la rubrique
«programme». L’un des prétendants
officiels, Yvon Berland, avance tout
de même quelques idées, citant lui
aussi le rapport Nicol comme base
de travail. Il propose notamment
d’étendre le Plan partenarial d’amé-
nagement (PPA), lancé cette année
par la Métropole sur le «grand cen-
tre-ville» «à l’ensemble des quartiers
de Marseille concernés par la pro-
blématique des logements indignes
et insalubres».
Chez les Verts, en retrait du proces-
sus d’union des gauches, on veut
déjà renforcer l’existant : plus d’effi-
cacité dans la lutte contre les mar-

chands de sommeil, élargissement
du permis de louer testé dans le
quartier Noailles, accompagnement
des propriétaires sans moyens pour
réaliser les travaux... En cas de vic-
toire en mars prochain, les écologis-
tes se proposent d’organiser une
«conférence citoyenne» au deu-
xième trimestre 2020, d’où sortirait
un «plan de lutte sur dix ans», fi-
nancé «dans le cadre d’un contrat
exceptionnel associant l’Etat, la
ville, la région et l’UE».
Enfin, sans surprise, le Rassemble-
ment national aborde le sujet loge-
ment par le prisme de la sécurité :
en «rétablissant l’ordre dans les ci-

tés», le sénateur Stéphane Ravier,
candidat du mouvement, pense
déjà régler une partie du problème
en réorientant les demandes vers
les «dizaines de logements sociaux
vacants» des quartiers Nord, ce qui
permettrait d’«arrêter la bétonisa-
tion à tout-va» sur l’ensemble de la
ville. Autre idée, retirer les loge-
ments sociaux aux familles dont les
enfants seraient impliqués dans des
trafics de drogue. Quant à la réno-
vation de l’habitat indigne, Ravier
le concède, il n’est pas «expert»,
mais suppose que Marseille aura
besoin de l’aide de l’Etat.
S.Ha. (à Marseille)

Chez les candidats, des plans logement en construction


Des Verts au RN,
chacun avance ses
propositions en
matière d’habitat.
En tatonnant.

Jean-Marc Coppola
sur le Vieux-Port,
le 30 octobre.

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