Les Echos - 05.11.2019

(Michael S) #1

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lejournalde7hpour«L’ éditoéco»


dansle6h-9hdeMatthieuBelliard


Chanteloup-les-Vignes,


le retard à l’allumage


LE FAIT
DU JOUR
POLITIQUE

Cécile
Cornudet

L


a conjuration contre
le mot « imbéciles »
a marqué des points.
La polémique suscitée à droite,
au RN, et en coulisse dans
les rangs macronistes contre
les termes choisis par Edouard
Philippe pour dénoncer les
violences de Chanteloup-les-
Vignes – « une petite bande
d’imbéciles et
d’irresponsables » –, a provoqué
une correction lundi soir.
Les trois ministres Nicole
Belloubet, Christophe Castaner
et Julien Denormandie ont
annoncé qu’ils se rendraient ce
mardi sur les lieux.
Il est vrai que le ministre de
l’Intérieur avait lui aussi choisi
ce mot pour qualifier le guet-
apens de jeunes contre des
policiers. « J’ai pleine confiance
en la police pour identifier
les auteurs de ces actes lâches
et imbéciles », avait-il écrit sur
Twitter, avant un déplacement
à Bruxelles.
« Imbéciles », mot bien léger
pour évoquer la vie de la cité
de la Noé, à Chanteloup-les-
Vignes, minée par les tensions
entre trafiquants et forces
de l’ordre, et aborder
la recrudescence des
affrontements jeunes-
policiers dans les quartiers.
« Ce sont des criminels
qui veulent affaiblir la

République », a ainsi contredit
Bruno Retailleau (LR). Tandis
que le président LR du
département, Pierre Bédier,
annonçait que le cirque
incendié serait « reconstruit
dans moins d’un an et
entièrement financé par le
département ». Quand des
élections – municipales – se
profilent, la droite et le RN
n’attendent en général pas
longtemps, lorsque l’occasion
se présente, pour brandir un
signe du « laxisme »
macronien. Ils n’ont pas
attendu ; l’exécutif a dû réagir.
Un retard à l’allumage est
comme un lapsus, il parle.
Il signe la prudence d’un
Premier ministre, méfiant
face aux déclarations
guerrières, et régalien comme
un juppéiste. C’est-à-dire sans
doute en retrait par rapport
à la tonalité qu’Emmanuel
Macron essaie d’imposer
depuis la rentrée.
Il signe les hésitations
élyséennes aussi. Trop fort
dans « Valeurs actuelles »?
Trop faible sur Chanteloup-
les-Vignes parce que l’Elysée
voulait sortir de la séquence?
Le président de la République
tâtonne, cherche le bon
positionnement sur la
sécurité, l’immigration,
la laïcité, ces sujets qui se sont
invités tardivement dans sa
réflexion. Or, quand il y a une
part de calcul électoral dans
une politique (ne pas laisser
Marine Le Pen seule sur ces
sujets), il faut du temps pour
l’ajuster et, a fortiori, la faire
partager à ses proches.
[email protected]

Pour tuer la polémique naissante sur la réaction
d’Edouard Philippe, le gouvernement dépêche
Belloubet, Castaner et Denormandie à Chanteloup.

Dessin Kim Roselier pour « Les Echos

»

public créé en 1998 avait été critiquée
comme « une volonté du gouverne-
ment de brider une expression indé-
pendante sur des sujets sensibles ».
Mais n’y aurait-il pas des raisons
budgétaires plus prosaïques à l’ori-
gine de cette décision? La dispari-
tion de l’Onpes – il va en réalité être
fusionné avec le Conseil national de
la lutte contre l’exclusion – participe
d’une chasse plus large du gouver-
nement contre les très nombreuses
commissions administratives, par-
fois surnommées avec dédain
« comité théodule » pour les moins
utiles d’entre elles. Selon les docu-
ments annexés au projet de loi de

finances pour 2020, l’exécutif a
prévu d’en supprimer ou d’en
fusionner 84, sur le total de 394
organes existant actuellement. « A
cela, il faut ajouter 6 qui ont déjà été
supprimés sur les premiers mois de
2019, ce qui nous amène peu ou
prou au niveau qui était visé par le
gouvernement », souligne-t-on à
Matignon.

Macron à la manœuvre
C’est Emmanuel Macron qui le pre-
mier avait lancé cette traque contre
les organismes jugés « inutiles ». En
avril dernier, le président de la
République avait listé cette action
parmi les pistes pour financer la
baisse de 5 milliards d’euros
d’impôts sur le revenu, au même
titre que la suppression des niches
fiscales (l’effort a finalement été
revu nettement à la baisse) ou une
augmentation du temps de travail
(la piste a été carrément abandon-
née). « Notre objectif, c’est de vérifier
que tous les organismes, surtout ceux
qui sont de petite taille, sont toujours
justifiés », avait ajouté mi-mai l e Pre-
mier ministre Edouard Philippe.
Le gouvernement a brassé large
pour trouver sa liste de 90 organis-
mes à supprimer. Sont concernées

des instances qui avaient une acti-
vité soutenue, comme l’Onpes ou
encore la Commission nationale
des titres-restaurant. A côté de cela,
d’autres semblaient avoir une
importance plus relative, comme le
Comité pour l’histoire préfectorale,
riche de 26 membres, mais qui n’a
pas eu de réunions depuis sa créa-
tion en octobre 2018. La France va
également devoir apprendre à vivre
sans la Commission de reconnais-
sance de qualification pour l’exer-
cice de la profession de géomètre
expert (dont les 13 membres ne se
sont pas réunis ces 3 dernières
années) ou la Commission de révi-
sion du nom des communes. Parmi
tous les ministères, c’est celui de la
Transition é cologique qui est l e plus
sollicité, avec 10 suppressions.

Effort de rationalisation
Au total, ce premier effort de ratio-
nalisation des organismes publics
devrait permettre des économies
très limitées. Le coût de fonctionne-
ment de ces organismes est en effet
compris entre zéro et quelques cen-
taines de milliers d’euros par an.
« La grande majorité de ces suppres-
sions sera engagée d’ici à fin 2019 »,
assure-t-on à Matignon.n

La difficile chasse aux organismes publics inutiles


Renaud Honoré
@r_honore


Mi-octobre, la nouvelle que l’Obser-
vatoire national de la pauvreté et de
l’exclusion sociale (Onpes) allait être
supprimé avait ému des chercheurs
et des acteurs du secteur. La dispari-
tion annoncée de cet organisme


Dans le projet de loi
de finances pour 2020,
le gouvernement assure
qu’il va supprimer environ
90 commissions adminis-
tratives sur les quelque 390
qui existent actuellement.


Depuis l’affaire de la taxe à 3 % sur les dividendes, qui avait obligé l’Etat à rembourser en urgence 10 milliards d’euros aux entreprises, les contentieux fiscaux de série
sont suivis de près par les parlementaires. Photo Thierry Roge/Isopix/Sipa

D’autres a ffaires, de p lus p etites
tailles, se sont récemment c oncré-
tisées, comme celle sur la CSPE
ou les retenues à la source subies
par des sociétés d’assurance-vie
(environ 200 millions d’euros
chacune).
En plus des impôts trop perçus,
l’Etat doit rembourser des intérêts
moratoires aux contribuables
lésés. On ne parle pas d’une petite
somme, puisque de 2012 à 2017 le
coût cumulé de ces intérêts asso-
ciés aux contentieux fiscaux a
atteint quelque 2,55 milliards
d’euros. Il faut dire que dans cette
conjoncture de taux d’intérêt
négatifs, une taxe illégale peut
s’avérer être un très bon placement
pour les contribuables. Jusqu’en

2017, le taux des intérêts moratoi-
res s’élevait encore à 4,8 %. En
2018, tirant les leçons de la taxe
à 3 %, le Parlement a divisé ce
taux par deux, à 2,4 %. Malgré cette
baisse, le coût de ces intérêts mora-
toires devrait rester supérieur à
1 milliard d’euros en 2020, après un
montant revu à la hausse à 1,7 mil-
liard d’euros pour l’année 2019.
Dans ce contexte incertain,
la députée Christine Pires-Beaune a
fait adopter un amendement au
projet de loi de finances imposant
au gouvernement d’informer tous
les six mois la commission des
Finances de l’Assemblée nationale
sur les risques budgétaires des con-
tentieux fiscaux supérieurs à
200 millions d’euros.n

lLe coût des contentieux de série est estimé à 2,35 milliards d’euros pour 2020.


lAprès la taxe à 3 % sur les dividendes, l’Etat a de nouveau été condamné et devra rembourser les contribuables.


Budget : la facture des contentieux


fiscaux repart à la hausse


Les chiffres clefs


765
MILLIONS D’EUROS
Le coût prévu des
contentieux fiscaux dits
de série pour l’année 2019.

2 , 55
MILLIARDS D’EUROS
Le coût cumulé pour l’Etat
des intérêts associés
aux contentieux fiscaux,
entre 2012 et 2017.

Ingrid Feuerstein
@In_Feuerstein


C’est désormais une ligne du bud-
get de l’Etat suivi de près par les
parlementaires. Depuis l’affaire de
la taxe à 3 % sur les dividendes, qui
avait obligé l’Etat à rembourser en
urgence 10 milliards d’euros aux
entreprises il y a deux ans, les
contentieux fiscaux dits de série
font l’objet d’une attention particu-
lière. Le rapport de la députée
socialiste Christine Pires Beaune,
publié à l’occasion du débat sur le
projet de loi de finances pour 2020,
montre que le sujet est loin d’être
clos, même après la fin des rem-
boursements liés à l’invalidation
de la taxe à 3 %.
En 2020, le coût de ces conten-
tieux devrait repartir à la hausse.
Leur montant est estimé à 2,35 mil-
liards d’euros dans le projet de loi de
finances. Il s’agit d ’une estimation de
Bercy qui, le plus souvent, est pru-
dente. Pour l’année 2019, la prévi-
sion inscrite dans le budget s’élevait
à 1,28 milliard d’euros. Elle a été
revue à la baisse, à 765 millions dans
la mesure où certains rembourse-
ments attendus ne seront pas aussi
élevés que prévu cette année.


Ouverture de nouveaux
contentieux
Si ce chiffre inquiète, c’est qu’il tra-
duit de nouvelles condamnations
obligeant l’Etat à rembourser
les contribuables. L’affaire du Pré-
compte, enfin soldée après
quinze ans (!) de rebondissements,
devrait coûter 1,1 milliard au budget
en 2020. En octobre 2018, la France
a subi une condamnation définitive
de la Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE), ce qui va enfin
ouvrir la voie aux r emboursements
pour les contribuables. Un autre
contentieux, sur les OPCVM, conti-
nue de peser chaque a nnée
plusieurs centaines de millions
d’euros. En 2020, ce sont à nouveau
900 millions d’euros qui ont été
provisionnés.


FINANCES
PUBLIQUES


FRANCE


Mardi 5 novembre 2019Les Echos

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