Les Echos - 05.11.2019

(Michael S) #1

Les Echos Mardi 5 novembre 2019 FRANCE// 05


progrès sur « la fluidité de lecture et
la capacité de calcul » et aussi d’une
amélioration « plus forte » pour les
élèves des « territoires les plus
défavorisés ». L’étude du ministère
évoque « un contexte d’augmenta-
tion des performances d’ensemble
en français et en mathémati-
ques entre 2018 et 2019, en début
de CE1 ».
Voilà pour les résultats globaux.
Au-delà de la communication
ministérielle, quel est l’effet réel du
dédoublement des classes sur les
CP et les C E1 des territoires défavori-
sés de l’éducation prioritaire (REP
et REP +) qui touche désormais
300.000 élèves?
Parmi tous les critères testés par
le ministère, l’un d’eux est détermi-
nant pour mesurer le chemin par-
couru par rapport à l’objectif du
ministre d’atteindre 100 % de réus-
site en CP : c’est l’exercice de lecture
d’un texte à voix haute. Le niveau
attendu en début d’année en CE1 est
de 30 mots lus par minute.

« L’écart augmente
à la défaveur des REP + »
Si on prend les élèves de CE1 hors
éducation prioritaire, 30 % avaient

un niveau de maîtrise insuffisant
sur l’exercice de lecture à voix haute
en 2018, niveau revu à 28 % en 2019.
Pour les élèves de CE1 de l’éducation
prioritaire (REP et REP +), ce pour-
centage était de 4 2 % en 2018 puis de
39 % en 2019. Avoir 100 % de réus-
site a u CP suppose a minima q ue les
élèves de REP et REP + rattrapent
ceux qui s ont hors éducation priori-
taire. Sur cet exercice de lecture à
voix haute scruté de près par le
ministère, le rattrapage aurait donc
dû être de 12 p oints, et non d e 3. « On
a fait 25 % du chemin, ce n’est pas
neutre, mais on est vraiment très loin
du compte, alors même que les
dédoublements s’appliquent déjà
depuis deux ans », confie un expert
avisé.
« On se rend compte que les élèves
en éducation prioritaire progressent
bien de septembre à février [en CP],
mais leur progression en début de
CE1 est moins forte que celle des
autres », admettait dimanche Jean-
Michel Blanquer. Le ministre expli-
que cela par « la chute de connais-
sances durant les vacances » et
annonce qu’il va renforcer le sou-
tien scolaire gratuit pendant l’été,
notamment dans l’éducation prio-

Marie-Christine Corbier
@mccorbier


Les progrès sont « significatifs »,
s’est félicité Jean-Michel Blanquer,
dimanche, dans le « JDD » en com-
mentant les résultats des dernières
évaluations nationales menées,
pour la deuxième année, auprès d es
élèves de CP et de CE1. « Le niveau
des élèves remonte », assure le
ministre de l’Education. Il parle de


ÉDUCATION


Le ministre de l’Educa-
tion, Jean-Michel
Blanquer, se félicite
du niveau des élèves
« qui monte ».


Mais les dédouble-
ments de classe,
destinés à réduire
l’écart entre les élèves
des zones les plus
défavorisées et les
autres, ne produisent
pas encore les effets
attendus.


le cou à quelques idées reçues en la
matière.
D’abord, le télétravail, même s’il
progresse, reste peu répandu. Seuls
3 % des salariés télétravaillaient au
moins un jour par semaine en 2017,
c’est-à-dire avant la réforme du Code
du travail qui en assouplit les condi-
tions. Chez les cadres, cependant,
le télétravail est plus courant, puis-
que 11 % d’entre eux y recouraient
déjà avant la réforme. La pratique
touchait même presque un quart
des cadres appartenant à une
famille monoparentale.

Risques psychosociaux
Une des grandes conclusions de
l’étude, c’est que les cadres télétra-
vailleurs ne sont ni plus ni moins
satisfaits de leur travail que leurs col-
lègues qui ne pratiquent pas le télé-
travail. Pour les économistes de la
Dares, « tout se passe comme si les
avantages du télétravail étaient
contrebalancés par une moins bonne
santé et de moins bonnes conditions
de travail ». En effet, les cadres qui
télétravaillent au moins deux jours

par semaine travaillent plus que
leurs collègues et travaillent plus
souvent le soir. « Les télétravailleurs
intensifs ne bénéficient pas d’une
meilleure conciliation de leur vie pri-
vée avec leur vie professionnelle »,
constate ainsi Amélie Mauroux,
adjointe au chef du département
conditions de travail et santé à la
Dares. « Mais un accord collectif sur
le télétravail apparaît comme étant
protecteur pour ces cadres. »
Ensuite, souvent, les entreprises
qui incitent les cadres au télétravail
sont en pleine réorganisation. Ainsi,
21 % des cadres télétravailleurs font
partie d’une entreprise qui a procédé
à un plan de licenciement. Et 47 %
des cadres télétravailleurs disent

ritaire e t les zones rurales.
Pour Roland Goigoux, professeur à
l’université de Clermont-Auvergne,
« c’est un aveu d’échec ». Ce spécia-
liste de la lecture souligne l’effet
« faible » des dédoublements sur les
REP et surtout des écarts qui « se
creusent » avec les R EP + , où le pour-
centage d’élèves ayant un niveau
insuffisant en lecture en début de
CE1 atteint 43 %. « L’écart augmente
de 0,7 point à la défaveur des REP + »
pour la lecture de textes, admet le
ministère dans son étude.

Pratiques pédagogiques
Pour expliquer le taux d’échec
encore élevé en éducation priori-
taire, alors que l’objectif des dédou-
blements était de le réduire, cer-
tains spécialistes invoquent les
changements pédagogiques qui
n’ont pas suivi dans les classes. « Si
les pratiques n’ont pas évolué, alors
même q ue le ministère a tenté
d’imposer le changement par la bru-
talité, avec des inspecteurs mandatés
pour aller faire trois visites de con-
trôle dans chaque classe, c’est qu’il
faut s’interroger sur ce mode de pilo-
tage », réagit, de son côté, Roland
Goigoux.n

Dédoublement des CP et CE1 :


des résultats encore modestes


La difficile condition sociale


du cadre télétravailleur


ressentir un risque important de
perdre leur emploi, contre 12 % des
personnes qui ne sont pas en télétra-
vail. Enfin, 10 % des cadres télétra-
vailleurs sont en situation de handi-
cap et 17 % sont en risque dépressif.
En moyenne, l’état de santé de ces
télétravailleurs intensifs est moins
bon que celui de leurs collègues.
Néanmoins, rien ne prouve que le
télétravail soit à l’origine de ces pro-
blèmes de santé, de dépression et de
ressenti d’un risque pour l’emploi à
terme. Il est possible que la causalité
soit inverse : les entreprises pour-
raient avoir tendance à faire télétra-
vailler les personnes à tendance
dépressive et les handicapés. De
même, les entreprises qui licencient
et se réorganisent ont tendance à pri-
vilégier le télétravail, ce qui pourrait
expliquer le sentiment de risquer de
perdre son emploi. L’étude ne
conclut pas sur ce point. Ces facteurs
d’insatisfaction pourraient préexis-
ter au télétravail. Reste que la condi-
tion sociale du télétravailleur en ce
début de XXIe siècle apparaît quand
même peu enviable, en moyenne.n

Guillaume de Calignon
@gcalignon


Réduction du temps de trajet,
meilleure adéquation entre vie pro-
fessionnelle et vie privée, autonomie
plus grande... Le télétravail est à la
mode, mais le nombre de salariés
qui en profitent et les conditions
dans lesquelles ils exercent leur
métier sont encore mal connues.
Une étude de la Dares, une direction
du ministère du Travail, vient tordre


SOCIAL


11 % des cadres prati-
quaient déjà le télétra-
vail au moins un jour
par semaine en 2017.


Ils ressentent de moins
bonnes conditions
de travail et leur état
de santé est moins
satisfaisant que celui
de leurs collègues.


les exhortant à « placer le loge-
ment comme priorité numéro un
du prochain mandat », « résorber
en dix ans l’habitat indigne » et
« produire massivement du loge-
ment social ». Une manifestation
est prévue samedi. La dernière
avait très largement rassemblé,
plus encore qu’après l’assassinat
d’Ibrahim Ali, tué d’une balle
dans le dos par un colleur d’affi-
ches du Front national, en 1995.
« Faire l’impasse sur le sujet sera
une erreur politique », résume
un observateur politique.
Tous l’ont bien compris, à
commencer par la favorite des
sondages, Martine Vassal,
ancienne élue de Jean-Claude
Gaudin et désormais à la tête de
la métropole et du département.
Début octobre, elle a signé avec
CDC Habitat une convention de
portage immobilier et foncier
pour intervenir directement
dans six copropriétés embléma-
tiques de l’habitat privé indigne
à Marseille, dont celle du parc
Corot régulièrement pointée
par les médias. Elle a également
dégagé un budget de 235 mil-
lions pour accompagner la
réhabilitation privée d’environ
2.000 logements du centre-ville.

4.000 immeubles
Le c andidat RN, S téphane
Ravier, épingle lui aussi la situa-
tion dramatique de l’habitat
marseillais, pointant « une
immigration clandestine qui a
conquis des logements et qui ne
paie aucun loyer ».
La question doit permettre à
la société civile de reprendre les
commandes. Benoît Payan, c hef
de file de l’opposition PS à la
mairie, résume le propos : « Jus-
qu’à présent les Marseillais n’ont
pas été consultés pour la cons-
truction de leur ville, il faut que
cette élection leur permette de s’y
engager », défend-il. Le chantier
sera colossal pour la nouvelle
majorité. Il resterait encore à
Marseille 4.000 immeubles
indignes, selon la Fondation
Abbé Pierre.n

Paul Molga
—Correspondant à Marseille

Opération déminage ce lundi
pour la majorité municipale LR
marseillaise, à la veille du pre-
mier anniversaire du drame de
la rue d’Aubagne, qui a enseveli
8 habitants sous les décombres
de leurs immeubles. Entouré de
sa garde la plus fidèle, le maire,
Jean-Claude Gaudin, a égrené
les dizaines de mesures prises
dans l’urgence pour traiter « la
crise », et gérer la psychose qui
s’est emparée de la ville : plus de
2.400 habitats supposés indi-
gnes ont été signalés par leurs
habitants, et 370 ont été frappés
d’arrêtés de péril grave et immi-
nent. « Il faut du temps, a mar-
telé le maire. En vingt-quatre
ans, nous avons déjà fait beau-
coup, mais pas encore assez pour
résorber le problème et il reste
beaucoup à faire pour mes suc-
cesseurs. »
Depuis quelques semaines, la
question du logement a fait une
entrée remarquée dans la cam-
pagne des prochaines munici-
pales. Le dernier sondage Elabe,
fin septembre, place désormais
le sujet dans le carré de tête des
attentes des Marseillais, en qua-
trième position (28 %) derrière
la propreté et l’entretien de la
ville (55 %), la sécurité (50 %) et
l’éducation (25 %).
L’activisme de plusieurs asso-
ciations citoyennes (Collectif du
5 novembre, Marseille en
colère...) e t de la Fondation Abbé
Pierre n’y est pas étranger. Cette
dernière a réclamé des engage-
ments concrets aux candidats,

POLITIQUE


Un an après l’effon-
drement de trois
immeubles de la rue
d’Aubagne, la ques-
tion du logement
s’invite en force
dans la campagne.

A Marseille,


l’habitat indigne,


enjeu des


municipales


en bref


Eric Feferberg/AFP

Baroin veut « desserrer la mâchoire
entre Le Pen et Macron »

POLITIQUE L’ex-ministre François Baroin, qui vient de réinté-
grer les instances stratégiques des Républicains, a estimé lundi
sur RTL qu’il fallait « desserrer la mâchoire entre Le Pen et
Macron, qui est comme un piège à loup et n’est pas bon pour le
débat démocratique », et s’est dit convaincu d’un « rebond » de la
droite a ux municipales. Celui q ui publie jeudi un essai consacré
à la République, intitulé « Une histoire sentimentale », a balayé
les spéculations sur une candidature à la présidentielle de 2022.

L’ex-ministre PS Méadel, candidate
à Montrouge, sans étiquette

MUNICIPALES Juliette Méadel, ex-secrétaire d’Etat PS chargée
de l’Aide aux victimes, est candidate aux municipales à Mon-
trouge (Hauts-de-Seine), en « candidate libre », sans étiquette,
les partis politiques n’inspirant « plus confiance », a-t-elle
affirmé lundi à l’AFP. Celle qui veut faire de Montrouge « un vil-
lage aux portes de la capitale » avait soutenu Emmanuel Macron
dès le premier tour de la présidentielle, sera confrontée au
maire sortant UDI, Etienne Lengereau, soutenu par LREM.

3 %


DES SALARIÉS
Le nombre de ceux qui
télétravaillaient au moins
un jour par semaine en 2017.
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