Les Echos - 05.11.2019

(Michael S) #1
phiques protégées (IGP), permet-
tant de mieux protéger en Chine 100
produits européens (dont le roque-
fort, le pruneau d’Agen, le champa-
gne et de nombreux vins français) et
100 produits chinois en Europe. Il
s’agit du premier accord commer-
cial entre l’Union européenne et la
Chine. « C’est un accord majeur pour
l’Europe et un premier point qui,
j’espère, en appellera d’autres à l’ave-
nir », a ajouté Phil Hogan. Les dis-
cussions entamées il y a sept ans sur
le traité d’investissement avec l’UE
traînent toujours. L’Europe espère
aboutir à un accord l’an prochain.
Mais il ne faut pas signer d’accord

rivalité est de plus en plus affirmée,
avec une Chine jouant des divisions
européennes pour pousser son pro-
jet des routes de la Soie.
Outre un contexte international
tendu, la deuxième visite d’Etat
d’Emmanuel Macron en Chine
intervient alors que la France a
musclé son discours à l’égard de
Pékin, plaidant pour des routes de la
soie qui ne servent pas uniquement
les intérêts chinois, défendant un
axe indo-pacifique e t en réaffirmant
le droit à la circulation maritime en
mer de Chine après un inci-
dent entre marines française et chi-
noise en avril dans le détroit de

Taïwan. La crise à Hong Kong et les
appels à la désescalade de l’UE,
relayés par le Quai d’Orsay, ont éga-
lement provoqué une vive réaction
de l’ambassade de Chine à Paris
début octobre. « Hong Kong et le Xin-
jiang relèvent des affaires intérieures
de la Chine, il n’est pas pertinent que
ce soit à l’ordre du jour diplomati-
que », a mis en garde Pékin, avant
l’arrivée d’Emmanuel Macron.

(


Lire l’Enquête Page 14,
l’éditorial de Lucie
Robequain Page 15
et nos informations
Page 22

date par Pékin mais qui ne s’est
toujours pas matérialisée. Dans le
nucléaire civil, autre domaine
important de la coopération fran-
co-chinoise, les négociations
s’éternisent concernant le projet
d’usine d e retraitement d u
combustible. Lors de la première
visite d’Emmanuel Macron début
2018, Orano et CNNC s’étaient
donné jusqu’à la fin de l’année
pour s’entendre formellement sur
ce mégacontrat de plus de 10 mil-
liards d’euros. Depuis, le dossier
piétine. CNNC fait pression sur le
prix et laisse entendre qu’il peut se
passer d’Orano.

Coopérations industrielles
« Cela avance », indique l’Elysée,
tandis que les discussions se sont
accélérées en amont de la visite
présidentielle. Mais « la négocia-
tion n’est pas finie », temporise le
ministère chinois des Affaires
étrangères. Pékin devrait réaffir-
mer son souhait de s’engager rapi-
dement sur la voie du retraite-
ment du combustible, mais, sauf
surprise, les deux groupes ne
devraient pas signer d’accord
mercredi. La France préfère, du
coup, mettre l ’accent s ur le
commerce courant et l’ouverture
du marché chinois aux produits
hexagonaux. Quinze mois après
la levée de l’embargo sur le bœuf

français, les exportations françai-
ses restent très limitées. La visite
d’Emmanuel Macron doit per-
mettre la signature d’agréments à
l’exportation pour une quaran-
taine d’entreprises de la filière
agroalimentaire.
La France souhaite aussi obte-
nir l’acceptation par les autorités
chinoises du principe du zonage
de la peste porcine africaine, qui
permettra aux Européens de
pousser leurs exportations de
porc vers la Chine. Pékin souligne
que « le sujet est technique », lais-
sant entendre que la négociation
pourrait demander du temps. D oit
également être établi durant la
visite un « plan quinquennal »
définissant les axes de coopéra-
tions industrielles possible entre
la France et la Chine. Cette feuille
de route porte sur toute une série
de domaines (énergies nouvelles,
secteur spatial, santé...). Lors de sa
précédente visite, Emmanuel
Macron, accompagné de Cédric
Villani, avait notamment souligné
les coopérations possibles dans le
domaine de l’intelligence artifi-
cielle. Celles-ci sont largement res-
tées au point mort. Les interroga-
tions autour de Huawei, d u
développement du crédit social et
des technologies duales (civil et
militaire) en Chine sont passées
par là. —F. S.

Les principaux enjeux


économiques de la visite


Accompagné d’une quinzaine de
patrons de grands groupes (Air-
bus, BNP Paribas, EDF, L’Oreal,
Suez, Essilor...), d’une quinzaine
d’acteurs de l’agroalimentaire
(Bigard, Interbev, Inaporc...) et
d’une vingtaine d’autres dirigeants
d’ETI et PME (Babilou, Devialet...),
Emmanuel Macron a fait des
enjeux économiques et commer-
ciaux la priorité de sa visite en
Chine. Si l’Elysée table sur la signa-
ture d’une « quarantaine de con-
trats », peu de grands contrats
sonnants et trébuchants sont
attendus lors de ce déplacement.
Dans l’aéronautique, Airbus a
fait le plein de commandes lors de
la visite de Xi Jinping en France en
mars dernier, avec un accord por-
tant sur l’acquisition par la Chine
de 300 avions. « On a vidé la cuve »,
reconnaît-on à l’Elysée. En revan-
che, la France p ousse p our l’ouver-
ture du marché c hinois a ux avions
régionaux de l’entreprise franco-
italienne ATR, promise de longue


Paris escompte « une
quarantaine » d’accords,
mais peu de grands
contrats sont attendus.
Les négociations butent
toujours sur le prix
de l’usine de retraitement
du combustible nucléaire
d’Orano.


les douze derniers mois, le seul
secteur de l’aéronautique repré-
sente 41 % des exportations fran-
çaises en Chine. Avec la certifica-
tion par les autorités chinoises de
l’Airbus A350 l’an passé, la Chine
représente désormais près d’un
quart des livraisons de l’avionneur
dans le monde. Le luxe, lui, repré-
sente environ 6 milliards d’expor-
tations (Hong Kong compris), soit
environ 20 % des fournitures tota-
les à la Chine. Les deux secteurs
représentent donc plus de la moi-
tié des exportations françaises
vers la Chine. La bonne nouvelle,
c’est que les exportations françai-
ses vers la Chine connaissent une
forte croissance alors que les
importations qui en proviennent
ont tendance à se tasser. Ce qui a
permis l’an passé à la France de
réduire de 1,5 milliard d’euros
environ son déficit commercial
vis-à-vis de Pékin. Mais, là encore,
si l’on retire l’aéronautique, le pay-
sage est très différent : les exporta-
tions françaises stagnent. Toute la
croissance repose sur les livrai-
sons d’Airbus. C’est toute la force
du commerce extérieur français
mais aussi sa faiblesse. Derrière le
géant de Toulouse et les quelques
groupes de luxe, les autres entre-
prises françaises ont beaucoup de
mal à se faire une place dans
l’empire du Milieu.n

Airbus et le luxe au cœur


des exportations françaises


Guillaume de Calignon
@gcalignon

La mondialisation aidant, la Chine
est devenue un partenaire com-
mercial de premier plan pour la
France. Elle représente même le
deuxième fournisseur de biens de
l’Hexagone, derrière l’Allemagne
mais devant l’Italie et les Etats-
Unis. La France, elle, constitue le
deuxième exportateur européen
vers la Chine, loin derrière l’Alle-
magne mais devant l’Italie. En
revanche, au niveau mondial,
l’Hexagone n’est que le vingtième
fournisseur de la deuxième éco-
nomie mondiale, dépassé par les
grands producteurs de matières
premières et les voisins de Pékin
que sont la Corée ou le Vietnam.
La première caractéristique de
la relation entre la Chine et la
France, c’est que « le commerce
bilatéral franco-chinois est structu-
rellement déficitaire », comme le
dit une note du Trésor. Le déficit

La relation commerciale
entre les deux pays est
structurellement défici-
taire au détriment de
l’Hexagone. Les exporta-
tions françaises sont très
concentrées sur deux
secteurs : l’aéronautique
et le luxe.

au rabais, a prévenu Joerg Wuttke,
le président de la Chambre de com-
merce européenne en Chine. Car la

« Plus on joue le
franco-allemand et
surtout l’européen,
plus on a de
la crédibilité
et des résultats. »
EMMANUEL MACRON

commercial que la France enre-
gistre vis-à-vis de la Chine –
29 milliards d’euros sur les douze
derniers mois – représente près de
90 % du déficit total de l’Hexa-
gone, hors énergie et matériel
militaire. Sans surprise, la France
importe massivement de l’électro-
nique de Chine. Les importations
de téléphones, ordinateurs et
autres équipements informati-

ques et de télécommunications se
montent à 11,6 milliards d’euros
sur l’année passée. Le textile et
l’habillement sont aussi d’impor-
tants postes d’achats, tout comme
le matériel électrique, les jeux et
articles de sport ou encore l’élec-
troménager. Le constat est un peu
différent si l’on inclut Hong Kong
puisque la France dégage un excé-
dent avec l’ancien protectorat bri-
ta nnique de l’ordre de 6 milliards
d’euros par an, en vendant princi-
palement des produits de luxe.
Deuxième caractéristique, les
exportations françaises sont très
concentrées sur l’aéronautique.
Airbus joue là un rôle majeur. Sur

Les exportations
françaises vers la
Chine connaissent
une forte croissance.

Nicolas Barré
et Frédéric Schaeffer
—Envoyés spéciaux à Shanghai


Emmanuel Macron n’est pas venu
en Chine uniquement accompagné
d’une grande délégation de chefs
d’entreprise et du monde des arts.
De l’avion de la République fran-
çaise qui s’est posé lundi après-midi
sur le tarmac de l’aéroport de Shan-
ghai, a également débarqué Phil
Hogan, le commissaire européen à
l’Agriculture (et prochain commis-
saire au Commerce), bientôt rejoint
par Anja Karliczek, la ministre alle-
mande de l’Education et de la
Recherche. En visite jusqu’à mer-
credi en Chine, le chef de l’Etat a
d’emblée souhaité jouer la carte de
l’unité européenne, fût-elle de
façade, face aux visées hégémoni-
ques de Xi Jinping. Une façon de
prolonger le message passé en mars
dernier lorsqu’Emmanuel Macron
avait invité la chancelière alle-
mande Angela Merkel et le prési-
dent de la Commission européenne,
Jean-Claude Juncker, à se joindre à
la venue du chef d’Etat chinois à
l’Elysée.
La France plaide pour une straté-
gie commerciale européenne com-
mune, forte et exigeante à l’égard de
la deuxième puissance économique
mondiale. « Plus on joue le franco-al-
lemand et surtout l’européen, plus on
a de la crédibilité et des résultats », a


plaidé Emmannuel Macron lundi
soir, lors d’une rencontre avec les
dirigeants d’entreprises françaises
(BNP Paribas, LVMH, Suez etc.) et
allemandes (Volkswagen, BASF,
BMW, SAP, etc.). Echaudée par la
lenteur de l’ouverture de l’économie
chinoise et les acquisitions chinoi-
ses dans des secteurs stratégiques
en Europe, la Commission euro-
péenne a durci le ton au printemps
en qualifiant pour la première fois
Pékin de « rival systémique ». Les
entreprises européennes présentes
en Chine ont fait part de leurs griefs :
« Il y a un sujet clef qui porte sur le
rôle des entreprises d’Etat, a dit Jean
Lemierre, le président de BNP Pari-
bas. Elles sont à la fois nos partenai-
res, nos concurrentes et les règles du
jeu ne sont pas toujours équitables. »
Le patron de Volkswagen en Chine,
première entreprise étrangère dans
ce pays, a renchéri en pointant le fait
que les entreprises étrangères sont
parfois « forcées » de faire des trans-
ferts de technologie lorsqu’elles doi-
vent conclure des joint-ventures
avec des partenaires chinois.
En pleine guerre commerciale
avec les Etats-Unis, la Chine cherche
à se rapprocher de l’Europe dans un
message commun de défense du
multilatéralisme. Pékin vient
d’ailleurs de nommer son premier
« représentant spécial pour les
affaires européennes ». Et Emma-
nuel Macron a annoncé que l’Union
européenne et la Chine signeront
mercredi à Pékin un accord très
attendu sur les indications géogra-

lEmmanuel Macron est arrivé lundi


à Shanghai pour sa deuxième visite


d’Etat en Chine.


lAlors que l’accent est mis


sur l’économie, il a insisté d’emblée


sur l’importance d’une stratégie com-


merciale européenne commune, forte


et exigeante à l’égard de la deuxième


puissance économique mondiale.


lUn accord sur les indicateurs


géographiques protégés sera conclu


mercredi à Pékin.


En Chine, Macron joue la carte européen


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Mardi 5 novembre 2019Les Echos

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