Le Monde - 09.11.2019

(Greg DeLong) #1
Qui trop embrasse,mal étreint.Aprèsavoir tendre-
mentbécot éson double sur lapochette de son premier album,
Total,en2011, SebastiAn lui file uneraclée surcelle du nouveau,
Thirst.Photographiées et trafiquéesavec ironieparJean-Baptiste
Mondino,lesdeuximagess’amusent,àhuitans d’écart,de la su r-
chauffe narcissique menaçantles artistesàl’ère des réseaux sociaux.
«Enquelques années, lacélébration de soiadégénéréenquelque
chose de lourdetmalsain»,constatelemusicien et producteur fran-
çais de 38 ansàl’humour pince-sans-rire. Si le bisou du premier
disque étaitcont redit parune violencemusicale, la castagne mise
en scènesur lapochette deThirstne laisse rien deviner de la sen-
sualitéetdes élansromantiques qui l’habitent. Plus lancinants que
survoltés, les nouveaux morceaux deSébastien Akchoté–long-
temps réputépour safaçondesecouer les tympans–s’humanisent,
en laissantplus de placeaux rêveries et auxvoix d’invités:les néo-
soul singersaméricainsMayerHawthorne,Sunni Colon, Gallantou
Syd, lesrockeursexcentriquesdes Sparks,lerappeur canadien
Allan Kingdom ou l’Irano-Hollandaise Sevdaliza.

L’as des ordinateurs, néàBoulogne-Billancourt,apris goût aux
rencontres.Avec les années,ce poulain de l’écurie EdBanger (le
label discographique deJusticeouBreakbot)amultiplié lesponts
vers d’autres artistes:remix de Daft Punk, desBeastie Boys,
Woodkid, Uffie ;musiques des filmsSteakde QuentinDupieux
(2007),Notrejour viendra(2010) etLe monde estàtoi(2018) de
Romain Gavras;bande-son du défilé printemps-été2020pour
SaintLaurent...Pour autant, sicesexpériences ontcontribué à
fairedelui une destête sd’affiche de l’électrofrançaise–etun
artisan de son succèsdans le monde entier –, sa carrièresolo a
dépendu d’autresrencontres, plus décisivesencore.
Commecelle deFrank Ocean, chanteur californien issu ducollectif
hip-hop OddFuture,dontles expérimentations et l’intimismeàvif
ontbousculé l’univers des musiques urbaines. En 2012, son pre-
mier album,ChannelOrange,avait«scotché»SebastiAn.«Quelques
mois après, jereçois un appel surprise par Skype»,se souvientle
Parisien d’origine serbe.«Frank Ocean, que jen’avais jamaisren-
contré ,medemande:“Tu peux êtrelàdemain?–Où?–ÀLos
Angeles.”»Tous fraispayés, il file en Californie etcommenceà
participer aux projets de la staratypique duR’n’Baméricain.
«Jamais jen’avai sperçu autantdelibertédans un processus artis-
tique»,insistecelui qui échangeraainsi pendanttrois ansavec
Frank Oceanpourson albumBlonde(2016).«Ilpouvait appeler
qui il voulait ettout essayer,enn’éta nt jamais bloqué par desfor-
mats, ni obsédé par l’idée detube. Cela m’abeaucoup apporté.»

81

James


Tolich pour


MLem


agazine du Monde.


Postproduction Sheriff

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