Le Monde - 09.11.2019

(Greg DeLong) #1

“à mesdébuts,j’avais avec lesordinateursla


même approche queles ados pouvaientavoir


avec un eguitar eàl’époque du punk.L’éner gie


et l’impulsivitécomptai entplus qu elaf inition.”


Autreétapecrucialedel’évolutionmusicaleduDJauxbass es
vrombissanteseta ux ambiancesténébreuses, sarencontreavec
Charlotte Gainsbourg, qui, en 2013, luiconfie laréalisation artis-
tique de son albumRest.«Audépart, ellem’asollicitépour pro-
duiredes morceaux électroetrentre-dedans »,se souvient
SebastiAn.L’ententen’est pasimmédiate.«J’insistais pour qu’elle
chante enfrançais, mais ellerefusait.Ladisparition de sa sœurKate
Barry, cettemême année,afait vriller le projet.»Restse trans-
forme alorsenundisque de deuil et d’affirmation de soi, dans
lequel la fille de Serge GainsbourgetJ ane Birkin prend la plume
et le micropour se démasquer en français.«Enécrivantdes
choses aussi personnelles sur safamille, elle ne pouvait plus se
camoufler derrièrel’anglais»,anal yselep roducteur-compositeur
qui, loin de secont enterdes sons électro, intégrer al’ADN gains-
bourien pour le réinventer avec un sens cinématographique du
drame, du groove et de la majestépop.
Bidouillagesaventureux pour Frank Oceanoumélodies structu-
réespourCharlotteGainsbourg,celuidontlesli ve etlessetsdeDJ
cont inuentd’avoirlapuissancedet urbinesn’hésitepasàsortirde
sazonedeconfort. Ungoûtdurisqueinculquétrèstôtparunfrère
de treize ans son aîné, le guitaristeNoëlAkchoté, figureduj azz
cont emporain et des musiques improvisées.«Alorsque jen’avais
que 12 ans, ilm’emmenait dans desfestivalscomme les Instants
Chavirés,àMontreuil,écouter desmusiquesexpérimentales etren-
contrerdes artistesrétifsàtoutes lesconventions »,se so uvient
Sébastien Ak chotéqui, très jeune,sympathise etcollabor eainsi
avec le performeurradical Jean-Louis Costes.


Le créneau instrumentalétant occupépar son virtuose de frère,
l’adolescents’affirmeavec l’aide des machines.«C’était l’époque où
les outils électroniques se démocratisaient,remarque SebastiAn.
L’ ordinateurm’apermis d’allerexplorer desterritoires différents. »À
15ans,cefa ndeDJPremier(duduoaméricainGangStarr)fréquente
d’abor dlem ilieu hip-hop, en se heurtant àlaf rilositédes rappeurs
françaisface àl’électro.Admirateur de latechno cérébrale du label
Warp(AphexTwin,Autechre,LFO...)etenaucuncasnight-clubbeur,
SebastiAnseformesurletardàlac ultur edesdancefloorsgrâceàsa
rencontr eavecPedroWinter, fondateurdeEdBanger,label rénova-
teur de laFrenchTouchdontild evientl’un des piliers.«Onavait
avec les ordinateurslamême approche que lesadospouvaientavoir
avecune guitareàl’époque du punk,se rappelle-t-il.L’ énergie et
l’impulsivitécomptaientplus que la finition. »
Conciliantdésormaistensionsrobotiques etraffinementmusical,
le pr oducteur livre-t-il unpeudel ui-même dans un disque dont
les textes et lechantsontconfiés àd’autres?«Jen’aipas l’impres-
sion de créer des œuvres pour parler de moi »,assur elep udique
esthète.Le sombreinstrumentaldumorceauBeogradsemble
pourtantrésonnerd’unehistoirefamiliale.«Belgradeévoque mon
enfance»,admetSebastiAn qui, après sa naissanceenF rance, a
vécu avec sa mèredans la capitale de l’ex-Yougoslavie,avantde
quitterlaSerbiesouslamenacedelaguerre.«J’adore cetteville et
ses habitants,cemélanged’architectures austro-hongroise etcom-
muniste, deromantisme et de brutalisme. Inconsciemment,cela res-
sort sans doutedans mamusique. »
“ThirsT”,de SebaStian(edbanger/becauSe).

82

Legoût

James

Tolich pour

MLem

agazine du Monde
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