18 |argent SAMEDI 9 NOVEMBRE 2019
0123
GESTION COLLECTIVE
De la marijuana dans votre portefeuille?
M
ême si le cannabis est
interdit dans la majo
rité des pays du
monde, le Canada, mais aussi plu
sieurs Etats des EtatsUnis ont
tout récemment décidé de le léga
liser. Et, comme on l’imagine, ce
nouveau marché a attisé les con
voitises de nombreuses sociétés
sur le continent nordaméricain.
Nombre d’entre elles n’ont pas
hésité à s’introduire en Bourse,
permettant ainsi de voir immer
ger un compartiment spécifique
au sein de la cote, qu’il s’agisse de
grossistes ou de détaillants de
marijuana, de biotechs ou encore
de transformateurs et de fabri
cants d’accessoires dédiés.
Ainsi, outreAtlantique, certains
poids lourds du secteur, comme
Canopy Growth Corporation, The
Scotts MiracleGro Company,
Aurora Cannabis Inc. ou encore
Cronos Group Inc. affichent d’ores
et déjà des capitalisations boursiè
res se chiffrant en milliards de dol
lars. Preuve de cet engouement,
des indices boursiers investis ex
clusivement sur des valeurs « can
nabis » ont vu le jour.
Parmi les plus connus, on peut
citer le Global Cannabis Stock In
dex ou encore le Marijuana Index,
tous les deux composés des titres
les plus liquides de l’industrie, per
mettant ainsi à certains fournis
seurs de trackers de proposer des
exchangetraded funds (ETF) répli
quant quasiment à l’identique la
performance de ces indices. En ef
fet, rappelons que les ETF sont des
fonds indiciels cotés en Bourse
pendant les heures de cotation du
marché. Il est donc possible de les
acheter et de les revendre en
temps réel, comme une action. Ce
rise sur le gâteau : leurs frais de
gestion sont bien inférieurs à ceux
prélevés par des fonds d’investis
sement classiques.
Un outil idéal
Il s’agit donc d’un outil idéal,
pour investir à moindre coût
dans l’industrie du cannabis, tout
en diversifiant le risque encouru
sur un large nombre de valeurs.
Néanmoins, pour l’heure, « les ac
tifs sous gestion des ETF investis
sur les indices boursiers cannabis
pèsent moins de 1 % des encours
globaux des trackers », précise De
borah Fuhr, fondatrice associée
du cabinet ETFGI. En effet, depuis
le lancement des premiers fonds
indiciels sur la marijuana, réali
sés par ETF Managers et Horizons
ETFs Management, seule une poi
gnée de trackers spécialisés sont
disponibles sur le marché, la plu
part d’entre eux étant apparus
tout récemment.
Pour l’heure, réglementation
oblige, ces produits financiers
font l’objet de cotation unique
ment sur les places financières
nordaméricaines, « en particulier
au Canada », ajoute Deborah
Fuhr. En France, ils sont accessi
bles par le biais d’un compteti
tres permettant d’avoir accès aux
marchés boursiers étrangers. Il
faut savoir que la plupart des
courtiers en ligne proposent dé
sormais ce service à leurs clients.
Autre élément à prendre en
compte avant d’investir : avoir
conscience du risque de change
sousjacent.
En effet, en se positionnant sur
un ETF investi en devises étrangè
res, un investisseur français s’ex
pose de facto à un risque de dé
préciation de ces monnaies face à
l’euro. Mais, audelà de cet effet
devise, le risque principal en
couru est celui de la perte en capi
tal. Reste donc à savoir s’il est
aujourd’hui intéressant d’investir
dans l’industrie de la marijuana.
En effet, après l’euphorie des pre
mières introductions en Bourse,
l’engouement des investisseurs
pour le secteur s’est clairement
effrité, avec des indices évoluant
bien loin de leurs plus hauts his
toriques, comme le montre la
performance des ETF lancés dans
le courant de cette année.
Qui plus est, « la volatilité du sec
teur est relativement élevée »,
comme le rappelle Nikolaas Faes,
analyste financier chez Bryan
Garnier. Néanmoins, « les valori
sations sont redevenues attrayan
tes, compte tenu des bonnes pers
pectives de croissance de l’indus
trie dans les années à venir », ajou
tetil. Une opinion que partage
également Sam Masucci, le direc
teur général de la société de ges
tion ETF Managers Group, qui
rappelle que « le marché du can
nabis devrait croître de 17 % par an
pour atteindre un chiffre d’affaires
de 56 milliards de dollars
en 2025 ». Quand l’argent a l’odeur
de la marijuana...
romain thomas
Des fonds solidaires pour l’épargne salariale
Ces produits souscrits dans le cadre d’un plan d’épargne salariale ont un succès croissant
P
rincipaux collecteurs
d’épargne pour la fi
nance solidaire, les fonds
communs de placement
d’entreprise (FCPE) « 9010 » con
sacrent jusqu’à 10 % de leurs actifs
au financement de projets solidai
res, c’estàdire favorisant l’emploi
ou le logement de personnes en
difficulté, ou des activités écologi
ques et d’aide au développement.
Ces FCPE solidaires profitent
d’une croissance bien plus rapide
que les FCPE classiques. « L’en
cours des FCPE solidaires est passé
de 2,8 milliards d’euros en 2010 à
7,9 milliards en 2018, quand l’en
cours d’épargne salariale passait
de 88,6 milliards d’euros à
125,5 milliards sur la même pé
riode », note Christian Borsoni,
responsable de BNP Paribas Epar
gne & retraite entreprises.
« Les acteurs engagés mettent la
promotion de l’épargne solidaire
au cœur de leurs offres », poursuit
Christian Borsoni. Huit nouveaux
FCPE solidaires ont ainsi reçu le la
bel Finansol en 2018, sept étant gé
rés par Humanis Gestion d’actifs
et un par BNP Paribas Asset Mana
gement. Humanis a finalisé la la
bellisation de sa gamme de FCPE
solidaires régionaux, dont l’origi
nalité consiste à réinvestir dans
des entreprises solidaires locales
l’épargne collectée sur ces mêmes
territoires, notamment via les
fonds territoriaux de France ac
tive, un acteur majeur de l’inves
tissement solidaire.
De son côté, BNP Paribas AM a
complété sa gamme composée de
neuf FCPE solidaires représentant
plus de 2,1 milliards d’actifs. Ré
sultat de cet élargissement de l’of
fre, l’encours des FCPE solidaires a
encore progressé de 8,3 % l’an der
nier, quand l’ensemble des FCPE
baissaient de 4,6 %, à cause du re
cul des marchés financiers fin
- « Cette croissance s’explique
par l’attachement des épargnants
souhaitant donner du sens à leur
épargne, en investissant sur ce
type de supports », explique Ma
rieGeneviève LoysCarreiras,
analyste investissement solidaire
chez BNP Paribas AM.
Une diversification
Pour répondre à cette demande
de sens, les gérants veillent aussi
à proposer des FCPE solidaires
dont les 90 % d’investissements
« classiques » soient adaptés aux
différents besoins et situation
des épargnants. Dans sa gamme
de FCPE solidaires « multientre
prises », ouverts à toute entre
prise qui le souhaite, BNP Pari
bas Epargne & retraite entrepri
ses propose ainsi différents
types de profil rendementris
que avec un FCPE solidaire obli
gataire, un dynamique et un
fonds équilibre (50 % obliga
tions, 50 % actions) dont le lan
cement est prévu début 2020.
Ces fonds 9010 sont alors répar
tis à 90 % comme des fonds d’in
vestissement classiques sur les
marchés financiers, en actions,
obligations ou selon des profils
(prudent, équilibré, dynamique)
dont les résultats se comparent à
ceux des sicav et FCP ordinaires.
Pour leur part, les 5 % à 10 % de fi
nancements solidaires échappent
totalement aux turbulences des
marchés financiers, puisqu’il ne
s’agit pas d’investissements bour
siers. Pour autant, il ne s’agit pas
de philanthropie, mais bien d’in
vestissements dont la diversifica
tion et la sophistication se sont ac
crues au fil des années et au gré
des réglementations.
« La loi Hamon de 2014 a permis
d’ouvrir l’investissement solidaire à
des entreprises qui n’étaient pas
considérées comme solidaires
mais qui le sont devenues avec
l’agrément d’entreprise solidaire
d’utilité sociale (ESUS) », explique
Patrick Savadoux, viceprésident
de Finansol qui avait créé le pre
mier fonds solidaire, le FCPE In
sertion emplois, pour la CDC
en 1994. Toujours présent dans la
gamme de Mirova, société de ges
tion filiale de Natixis, au sein du
groupe Banques populaires Cais
ses d’épargne, le fonds Insertion
emplois dynamique affichait fin
octobre des gains de 29 % sur
trois ans, 39 % sur cinq ans et 172 %
depuis 2003 grâce aux investisse
ments en actions classiques
(comme LVMH, L’Oréal ou Air li
quide...) représentant près de 85 %
de son portefeuille. Le reste est ré
parti entre 8,8 % d’obligations et
liquidités, et 6,4 % de titres solidai
res. Parmi ces derniers, Insertion
emplois dynamique investit dans
les coopératives Ethiquable ou Tri
papyrus Environnement, aux
côtés de France active investisse
ment, principale société d’inves
tissement solidaire en France, do
tée de 200 millions d’euros de
fonds propres. Ethiquable est une
coopérative spécialisée dans le
commerce équitable de produits
alimentaires bio travaillant avec
soixantedix coopératives parte
naires regroupant 46 532 produc
teurs en France et à l’étranger.
Pour sa part, la société coopéra
tive et participative (SCOP) Tri
papyrus Environnement est une
entreprise d’insertion vendéenne,
spécialisée dans le traitement des
déchets plastiques, notamment
issus du démantèlement de por
tes et fenêtres ou de bateaux de
plaisance hors d’usage.
« On a la chance que les gérants
se parlent entre eux, ils se connais
sent et ont une relation de con
fiance pour partager leurs infor
mations et investir dans de nou
veaux acteurs qui n’auraient pas
été éligibles à l’investissement soli
daire il y a une dizaine d’années »,
poursuit Patrick Savadoux. C’est le
cas par exemple de Moulinot.
Cette société, qui forme les restau
rateurs au tri des déchets pour les
recycler en biogaz, bénéficie d’un
agrément d’ESUS, et a été récom
pensée par le grand prix Finansol
en 2017.
Audelà de ce nouveau vivier
d’acteurs solidaires à promou
voir, les FCPE solidaires disposent
aussi d’une palette d’instruments
financiers plus adaptés à leur fi
nancement, allant des billets à or
dre aux titres participatifs en pas
sant par les obligations converti
bles. Derniersnés de cette
panoplie, les titres associatifs ont
permis à l’UCPA de collecter,
en 2018, 5 millions d’euros
auprès des investisseurs.
gilles pouzin
Cinq fonds cotés qui investissent dans le cannabis
SOURCE : MORNINGSTAR, NOVEMBRE 2019
Performance
cumulée depuis
le lancement
Date
Nom du fond de création
(société de gestion)
ETFMG Alternative Harvest ETF
(ETF Managers Group) 03/12/
Marijuana Life Sciences Index ETF
(Horizons ETF Management) 04/04/2017 + 6,
Cambria Cannabis ETF
(Cambria Investment Management)
25/07/2019 – 29,
AdvisorShares Pure Cannabis ETF
(AdvisorShares)
17/04/2019 – 30,
Amplify Seymour Cannabis ETF
(Amplify ETFs)
23/07/2019 – 31,
+ 5,
QUESTION À UN EXPERT
Comment évaluer son patrimoine
pour savoir si l’on est assujetti à l’IFI?
olivier rozenfeld, président de Fidroit
L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est dû par les foyers fiscaux
dont le patrimoine immobilier net imposable excède le seuil de
1 300 000 euros. Les biens doivent être appréciés à leur valeur de
marché au 1er janvier de l’année d’imposition. C’est la méthode par
comparaison qui doit être retenue, tout en prenant en compte des
caractéristiques propres, physiques du bien (qualité de la construc-
tion, orientation, état de vétusté, confort...), mais aussi juridiques.
D’un point de vue juridique, un bien occupé à titre de résidence prin-
cipale en direct autorise un abattement légal de 30 %.
Pour une résidence secondaire (occupation par intermittence), cela ne
devrait pas entraîner de décote significative. Pour les biens loués, en
général, une moins-value est constatée. Il est communément admis
10 % pour un bien loué et jusqu’à 40 % pour des logements soumis
aux baux de la loi de 1948 imposant des loyers très faibles et une im-
possibilité de donner congé au locataire d’origine. Enfin, un abatte-
ment de 20 % peut aussi être accepté lorsque le contribuable est en
indivision. Au contraire du démembrement, qui reste sans effet. En cas
de détention d’un bien par une SCI, un abattement de 10 % peut être
retenu en raison des difficultés à trouver acheteur... Dernière bonne
nouvelle, les juges nous précisent que ces décotes se cumulent !
É PA R G N E
Pas d’assurance-vie sans fonds en euros
Un sondage du 5 novembre YouGov, réalisé pour
le conseiller financier en ligne Nalo, indique
que quatre Français sur cinq se désintéresseraient
de l’assurancevie si le fonds en euros, au capital
garanti, venait à être limité. En ce qui concerne les
détenteurs d’au moins un contrat d’assurancevie,
deux sur trois se détourneraient du produit.
Fin septembre, l’assureur Generali France annonçait
vouloir mettre un terme à l’omniprésence des fonds
en euros dans les contrats d’assurancevie
pour promouvoir à la place les unités de compte.
FRANCE ACTIVE
INVESTISSEMENT,
PRINCIPALE SOCIÉTÉ
D’INVESTISSEMENT
SOLIDAIRE EN FRANCE,
EST DOTÉE DE
200 MILLIONS D’EUROS
DE FONDS PROPRES
63 %
C’est la part des fonds communs de placement d’entreprise
solidaires (FCPE) dans l’ensemble des placements solidaires.
Avec 7,995 milliards d’euros d’encours à la fin de l’année 2018,
les FCPE solidaires dits « 90-10 » sont ainsi les premiers bailleurs
de fonds pour les entreprises solidaires, loin devant les autres
placements de ce genre, qu’il s’agisse des placements bancaires
(3,917 milliards d’euros) ou des investissements solidaires
en direct (651 millions d’euros).
SOS CONSO
CHRONIQUE PAR RAFAËLE RIVAIS
Le notaire, l’abus de
faiblesse et la prescription
E
n avril 2012, Dominique X. apprend que sa tante
Nelly, 85 ans, veuve sans enfants, installée à l’autre
bout de la France, a été placée en maison de re
traite. Elle appelle la vieille dame, qui lui confie
être là contre son gré, par le fait d’une « entourloupe de
JeanLuc ». Dominique alerte aussitôt le procureur de la Ré
publique, mais Nelly décède le 2 mai 2012. Le jour même, le
procureur ordonne une enquête, qui révélera que Jean
Luc Y., notaire de profession, a dilapidé le patrimoine de
Nelly (quelque 365 000 euros), en profitant de l’état de fai
blesse dans lequel elle se trouvait depuis la mort de son
époux, en septembre 2005.
Lorsque M. Y. est traduit en justice, il fait valoir que les ac
tes d’abus de faiblesse commis avant le 2 mai 2009 sont
prescrits : le délai pour poursuivre ces délits n’était en
effet que de trois ans à l’époque (il a été étendu depuis) ; or,
la prescription n’a été interrompue que le 2 mai 2012, par la
réquisition du procureur.
La cour d’appel de Douai, qui statue le 10 juillet 2018, ob
serve toutefois que « lorsque l’abus frau
duleux procède d’un mode opératoire uni
que, la prescription ne commence à courir
qu’à partir du dernier prélèvement effec
tué sur le patrimoine de la victime ». Les
actes reprochés à JeanLuc Y. procèdent
ils d’un « mode opératoire unique »? Le
premier concerne la souscription d’un
contrat d’assurancevie, pour un mon
tant de 75 000 euros : le 18 janvier 2006,
JeanLuc Y., accompagné d’un conseiller
financier et d’un autre notaire, vient faire
signer ce document à la vieille dame, alors qu’elle est hospi
talisée et qu’elle doit être transférée en réanimation, pres
que inconsciente. Il stoppe le véhicule du SAMU, en dépit de
l’opposition du médecin gériatre.
En août 2007, le notaire obtient une procuration sur les
comptes de Nelly ; en juin 2007, il se fait adopter par elle, de
venant son unique héritier. Ces actes sont « distincts, sans
rapport entre eux », constate la cour ; toutefois, souscrire une
assurancevie, puis en modifier les bénéficiaires relèvent
d’une « opération unique ». Or, la clause bénéficiaire a été
modifiée en mars 2012, soit après la date de prescription, au
profit des petitsenfants du notaire.
La cour juge que la souscription s’est faite alors que Nelly
« se trouvait en état de faiblesse » ; et que la modification de
la clause bénéficiaire s’est faite alors que son état de santé
« s’était encore dégradé ». Elle refuse de constater que l’acte
de 2006 est prescrit ; elle condamne le notaire à un an de
prison avec sursis et 75 000 euros d’amende (pour en savoir
plus, rendezvous sur Lemonde.fr/argent). La Cour de cassa
tion l’approuve le 18 septembre 2019.
LE DÉLAI POUR
POURSUIVRE CES
DÉLITS, ÉTENDU
DEPUIS, N’ÉTAIT
QUE DE TROIS ANS
À L’ÉPOQUE
CLIGNOTANT