Le Monde - 09.11.2019

(Greg DeLong) #1
ni régulés niévalués.»«Le piègesur ces
questions, c’est l’argumentdelaconcur-
rence, se dire“oui,ilyades problèmes
éthiques, mais si on ne lefait pas, les
Chinois leferont ...” »«On s’occupe trop
des tuyaux mais pas assez de la struc-
turedu pouvoir.»«Même nous, ici,dans
cettecommunauté, onanos biais, par
exemple dans lafaçondontonparle de
la Chine.»«Si vousrestez sur desrails,
vous neréussirez pas.Pers onne neréus-
sit enrestan tsur lesrails.»«On rai-
sonnecomme des ingénieursense
demandantcommentréglerteloutel
problème de l’intelligenceartificielle,
mais on neréfléchit pas au-delà.Quel
est l’impact social qui va avec le senti-
mentdeperdr elepouvoir sur le monde
qui nous entoure?»

Leursponcifs
Il faut encourager l’intelligenceartifi-
cielle, mais une IAresponsable. Ilfaut
êtrevigilant.Mais il faut l’encourager.
Mais il faut êtrevigilant.

Leurs questionsexistentieLLes
Où va-t-o ntrouver des profs de maths
pour les universités maintenantque
tous les étudiants en maths sefont
financer leur thèsepardes grandes
entreprises?Quand larespectéeKate
Crawford,del’universitédeNew York,
travaille aussipour Microsoft, quand
Joëlle Pineau, professeureàl’université
McGill,consacrel’essentiel de son
tempsàFacebook, peut-onreprocher
aux meilleursd’aller travaillerpour des
géants du privé qui leur donnenttous
les moyens ?Quel impactcela va-t-il
avoir sur larechercheenIA?

Leur graaL
Enchaîner unegrandeécole, un excel-
lentmaster enmachine learningde type
MVA, une thèse en IA dans unbonlabo-
ratoireetatte rrir avec un salaireprodi-
gieu xchez Google ouFacebook.

La faute de goût
Nommer laconférenceGlobalForum
on AIforHumanity et serendrecompte
qu’iln’yani Africains ni Chinois.

Tous les milieux ontleursimposteurset
ceux quitententdeles démasquer.
Rares sontceux oùcettechasse est aussi
présente que le milieu de l’intelligence
artificielle (IA). Bidon ou non?Laques-
tion sepose d’autantplus fréquemment
quechaque jour que Dieufait,uncol-
loque ou uneconférencesur le sujet se
tientquelquepart.Et, quand descher-
cheursenIAseretrouvent,une grande
partie de leurattention va àchercher à
mesureràqui ils ontaffaire.«Vous tra-
vaillezdans quel labo?» «Avec qui?»
«Avec untel,mais je croyais qu’il ne s’in-
téressait pasàl’intelligenceartificielle
face aux émotions...»«Si,si,maintenant,
il s’y intéresse...»Récemment,un jour-
nalisteayant contribuéàunnumérode
SciencesetAvenirconsacréausujet
tweetait :«Unnumérogaranti 100 %
sansLauren tAlexandre[entrepreneur
et personnalitémédiatique]ni Idriss
Aberkane[chercheur etconsultant]»,et
était instantanémentretweetépar
d’autrespass ionnés.
La semaine dernière, la crème de la
rechercheétait rassemblée au Global
Forum on AIforHumanityàParis.
Quandcesscientifiquesparlentd’ave-
nir, la fracturenesesitue pasentre ceux
s’exclamantque «c’est génial»etceux
évoquantdes dystopies dans lesquelles
des machines prennentlecontrôle sur
les humains, mais entreceux redoutant
les dégâts d’une IAfortequi tourne mal
(vision Bill Gates) etceux craignantles
dégâts causésparune IApassisophis-
tiquée (celle de maintenant) mise entre
les mains den’importe qui sans trans-
parencenicontrôle.«Y réfléchirn’est
pas unequestiond’éthique mais de sécu-
rité, unpeu comme pour laconstruction
des ponts »,indiquait StuartRussell,
auteur deHumanCompatible: Artificial
Intelligenceand the Problem ofControl
(Viking, non traduit) et professeur à
l’universitédeBerkeley.


àquoi on Les reconnaît
Si quelqu’unporteuncostume impec-
cable, c’est sans doutecelui quiaété
propulséresponsable de l’intelligence
artificielle dans un ministèreouune


institution. Si quelqu’unport eunK-way
ou unebarbehirsute, c’est probable-
mentunpuits de science,commeMarc
Schoenauer,directeur derechercheà
l’Inria. Si quelqu’unporteune araignée
àlaboutonnière, c’est probablement
CédricVillani, quin’ajamais travaillé
dans le secteur mais que ses anciens
confrères en mathématiquesconnais-
sentpour ses travaux sur le transport
optimal. Et si quelqu’unporteuncol
romain, c’est le frèreÉric Salobir,un
dominicain qui dirige un thinktank
catholique s’intéressantàlatech.
De temps entemps, quelqu’un est
quelqu’une.«Les conférences sur l’intelli-
genceartificielle sontun des rare sendroits
où la file d’attentepour lestoilettesest
plus longuecôté hommes quecôté
femmes»,m’afaitremarquerune cher-
cheuse alorsque nous nous lavions les
mains.La«crise de la diversité»,selon
l’expression deKate Crawford,profes-
seureàl’universitédeNew York,fait par-
tie des sujets qui tracasse le secteur.
«Quatre-vingt-dix pourcent des profs
d’intelligenceartificielle sontdes hommes.
Ce n’est pas un problèmetechnique, c’est
une industrie quireproduit une percep-
tion biaisée du monde...»La chercheuse
LaurenceDevillersvoudrait qu’on lui
expliquepourquoi les assistantsvocaux
onttous desvoix defemmes et s’appel-
lentAlexa, Sophia ou Samantha.
Êtrespécialistedel’IA n’empêchepas
d’avoir uncomportementd’humain. En
conférence, leschercheursaussi sonten
retard le dernier jour,répondentàleurs
e-mailspendantles discoursdes
ministres et prennenttropdeviennoi-
series auxpauses-café.

commentiLsparLent
«Commentunsystème d’intelligence
artificielle peut-iléviter defairedutort
s’il ne sait pasce qui fait dutort ?»
«Amazonamis deux ansàserendre
compteque, si son système d’analyse des
CV nefaisaitremonterque des CV mas-
culins, c’est parce qu’ils avaientmis en
référenced’embauchesréussies les pre-
mières embauches, des hommes à
80 %.»«Lesassistants vocaux ne sont

ENTRE-SOI


TexteGuillemetteFAuRE

LesgarsdeL’Ia.
àlarencontre Des experts De l’intelligence artificielle réunisàparispour unforum.

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