Le Monde - 09.11.2019

(Greg DeLong) #1
C’est un vaudeville enpleinCœur du bordelais
quevivent deuxfamilles voisines de viticult eurs renommés.
Situés surles terresôcombien emblématiquesdeSaint-Émilion,
leschâteaux Figeac etCormeil-Fi geacMagnan se côtoient
depuislexixesiècle. La familleManoncourt,propriétairedu
château de Figeacpossèdeledomaine depuis1892.Quant au
grand-pèredeRichard Moreaud, propriétairedeCormeil-Fi geac
Magnan, il acquit so ndomaine en1940.Audépart, le nom de
Figeac étaitcelui d’un villagesur lequelréside l’ensemble de
cesdomainesviticole s, lesparce lles ayantété séparéesàlafin
duxixesiècle. D’un côté,leC hâteau Figeac etses41hectares
de vignes,réparties autourd’unchâteau duxixesiècle, produit
l’un de sesvinsréputés, un premiergrand cruclasséB,avec
uneproduction de120000 bouteilles paran. Prix de son
millésime2013:envir on 190euros.À500 mètresdelà,
le Château Cormeil-Fi geacMagnan s’éten dsur 25 hectares
et pr oduit110 000 bouteilles de troisgrands crus.
Fourchette de prix :entre21et25euros.
Entre lesdeux domainesvoisins, la courtoisie n’estplusdemise
depuissept ans. En 2012,Château Figeac décide d’assigner son
voisin pour l’utilisation du nom«Figeac». Selon MeFaucho ux,
avocatduChâteau Figeac ,cette procédureavait pourbut de
«faire annulerpourdécep tivité, c’est-à-diretromperie,deux de
sesmarques.LeChâteau Figeacconsidérait quel’utilisation de
celles-ci pouvaitlaisser penserque le svinsChâteau Cormeil-
Figeacet Magnan-Figeacauraientunl iendirect ou indir ect avec
le vinouledomaineduChâteau Figeac ,alorsque cen’estpas le
cas.»Il faut direque la fa milleManoncourt,une grande famille

Figeac est le
théâtre d’une
guérilla entre
deux vignobles
historiques du
Bordelais.

Lescaves se rebiffent.


C’estlal utte ouvertesur le sterresdeSaint-É milion.


Deux familles se disputent, depuis sept ans, àcoupsde


procèsetd’ordonnances d’huissi ers, le droitd’apposer


l’appellation Figeac surleursbouteilles.


TexteClaireMayer


bordelais ecomposéede Thierry, le patria rche–disparu en
2010 –Marie-France, la mère,etl eurs quatrefilles,Laure d’Ara-
mon, Hortense, Claire et Blandine, estune habituée destribu-
naux .SiT hierryManoncourt alégué 51 %delasociété familiale
àsafilleLaure et àson épouxen2005, la gestion duchâteauest
assezvitecontestéepar le restedelafratrie.Audécès du
patria rche, leschosesnes’arrangentpas.Pire, en 2012,Château
Figeacrate la pl us hautedistinctiondu classementdessaint-
émilion.Rapidement,Laure et sonépouxÉric deSauvand’Ara-
monsontécartés du trône.L’aînée lanc ealorsune séri edepro-
cèspourcontesterlad imin ution desesdroit s. Depuis ,c’est une
véritableguerre ouverte:autotal,Laure alancésix procédures
contresamèreetses sœurs, qu’elleatoutesperdues.
Commesic ette guérillajudiciaireintestine ne suffisait pa s,
le Château Figeacse metégalementàassigner enjusticeses
voisins:Alain Château,propriétaireduChâteau Yon-Figeac
depuis1985,ouencor el’ex- champion deskiacrobatiqueJean
Dutruilhetson Château Croix Figeac ,tous ontdû aban donner
leurmarque. En 2012,c’est au tour du château Cormeil-Fi geac
Magnan.«Penda nt plus d’un siècle, on acoexistétranquillement
sans aucuneacrimonieréciproqueett outd’uncoup,en2012,
just eaumomentdelasortie de larévi sion du clas sement de
saint-émilion ,onareçudelapartd’unhuissierune ordonnance
quinousdisaitque Figeacne voulaitpas partager le nomde
Figeacet contestai tlal égiti mité de Cormeil-Figeac»,explique
Richard Moreaud, dont le domaine estaujourd’huigérépar ses
enfants, Victor et Coraline. Pendant sixans, l’af fairen’avance
pas. En 2016,une décision dejusticedutribunaldeBorde aux
arenvoyédos àdos lesdeux propriétés.Mais, contrairement à
sesvoisins, Richard Moreaudnecomptepas plierdevantla
familleManoncourt,qu’ilconnaît très bien .En1988, il recevait
le diplômeuniversitaire d’ aptitude àladégustation de l’institut
d’œnologiedeBorde aux auxcôtés... d’HortenseManoncourt.
Pour ju stifier sa guérilla, le Château Figeacaplaidé queson
nom étaitcrucial dans lacommercialisation desesvins.
«LeChâteau Figeac ,commen’importe quelle entreprise,a
sa marque àdéfendre, celle-ci estimportante dans sa stratégie
puisqu’elle luipermetdelutternotamment contre la contrefa-
çon»,explique MeFauchoux.Etd ’ajouter:«Ils’agit, dans ce
combat judic iair e, d’éviter queleconsommateur soit trom pé.
Évidemment, on comprendque desdomaines quines ontpas
au bénéficede l’ appellation premiergrandcru classé aientun
intérêtdecréerunl ienaveclas tar de l’ appellation.C’est ce qui
s’estpassé de notrepointdevue.»La familleMoreaud,quant à
elle,s’appuie sursal égit imitéhistorique,«plus quecentenaire
surlep rivilège du tènement»,avecdes«actes notariésde1 878
nous situantbiensur celuideFigeac, et entièrement, pas une
parcelle ouquelques ares»,explique MeLampre,avocate des
Moreaud. MeFauchoux n’estévidemmentpas de cetavis. Selon
lui,l’affaire aété engagée«sur la based’unexamentrès méticu-
leux,dedocuments historiques, cadastres ycompris, parfois
rédigé senvieuxfrançais,qui montraient, selon nous,que les
domaines de CormeiletMagnann’étaientpas situé ssur l’ancien
domainedeFigeac, ce quiposaitalorsdes problèmesendroit
desmarques et de laconsommation».
Manifestement, la justicen’a pasété convaincue .Le29octobre
dernier, elle confor te la fa milleMoreaud enjugeantque les
marquesCormeil-Fi geac etMagnan-Figeac nesont pas«décep-
tives».«Lacouraété très claire surlar econna issance desdroits
historiquesdemes clients»,se féli cite MeLampre,qui espère
bien avoirobtenulà unevictoir edéfinitive.Rienn’est moinssûr.
Tout en regrettantcette décision,MeFaucho ux va examiner dans
lesprochainsjours«lapossibili té d’un pourvoi en cassation».Et
de déclarer que«leChâteau Figeacentend aujourd’huiconsa-
crer touteson énergie àporterplus hautencore la qualitéduvin
Château Figeac».Tout un programme.

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lasemaine

Klein Stéphane/PhotoPQR/Sud Ouest/Maxppp
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