Libération - 06.11.2019

(Marcin) #1
Ni prévenue ni convoquée
comme témoin, la grande ab-
sente du procès «Jeanne» sera
Marine Le Pen. La présidente
du RN (ex-FN) a échappé aux
poursuites dans ce dossier. Les
juges Van Ruymbeke et Buresi,
auxquels elle a expliqué n’avoir
eu «aucune vision sur Riwal, à
qui elle avait délivré une subrogation»,
n’ont pu infirmer ses propos. «La responsa-

bilité pénale n’a pu être rete-
nue», ont-ils estimé, pour celle
qui a pourtant imposé au FN de
travailler avec la société de
Chatillon dès sa prise de pou-
voir, en 2011. Riwal est ensuite
devenu le prestataire de com-
munication privilégié du parti,
mais l’instruction n’a pu dé-
montrer que Le Pen a joué un rôle ou eu
connaissance des montages en cause.

Marine Le Pen
La grande absente

AFP

Marine Le Pen présente sou-
vent Frédéric Chatillon comme
un «simple prestataire». Mais
l’ancien leader du GUD est sur-
tout l’un de ses plus proches
amis. A peine arrivée à la tête
de la formation, en 2011, Marine
Le Pen en a très vite fait un par-
tenaire commercial de premier
ordre. La société de communication de
Chatillon, Riwal, a beau être au cœur de
l’affaire «Jeanne», cela n’a jamais nui à sa
position stratégique dans l’ombre de la

présidente. Pour la campagne
présidentielle de 2017, plus de
­quatre ans après l’ouverture du
dossier par la justice, sur fond
de soupçons d’escroquerie via
des «kits» de propagande,
l’homme continuait donc de
facturer au parti, via la société
Presses de France d’Axel Lous-
tau, des prestations de campagne, éditions
de tracts, d’affiches, avec des «bon pour
accord» apposés sur des devis établis selon
nos informations par... lui-même.

Frédéric Chatillon
Le cher ami

AFP

Conseiller ré-
gional d’Ile-de-
France, Axel
Loustau a géré
certains aspects
financiers de
la campagne
présidentielle
2017 de Marine
Le Pen. Un rôle en phase
avec ses «compétences»,
puisque ce proche de Fré-
déric Chatillon, ex-membre

d u G U D, f u t
cinq ans plus
tôt le trésorier
du microparti
«Jeanne», lié à
la présidente
du FN. Dans l’af-
faire du même
nom, Loustau a
été mis en examen pour
tentative d’escroquerie,
ainsi que faux et usages de
faux. L’homme d’affaires in-

téresse la justice pour son
rôle dans la société de com-
munication Riwal, qu’il a
cocréée avec Chatillon
en 1995 et dont il était en-
core actionnaire (à 17 %) au
moment des faits présu-
més. «Sa double qualité
d’associé de Riwal et de tré-
sorier de Jeanne, lui per-
mettait d’avoir une parfaite
connaissance des opéra-
tions», estiment les juges.

Axel Loustau
Le trésorier

AFP

E u r o d é p u t é ,
Jean-François
Jalkh est sans
doute le haut
cadre du FN le
moins connu du
grand public. Il
en est pourtant
l’un de ses per-
sonnages clés, du temps de
Jean-Marie Le Pen comme
sous le règne de sa fille.
­Adhérent du parti d’ex-

trême droite de-
puis 1974, plus
technicien que
politique, Jean-
François Jalkh a
organisé en 2011
le congrès du-
rant lequel Ma-
rine Le Pen a
succédé à son père. C’est
aussi lui qui, un an plus tôt,
s’est occupé de monter la
future structure de finance-

ment «Jeanne», au béné-
fice de la nouvelle prési-
dente – au départ en cas
d’échec de sa candidature
interne face à Bruno Goll-
nisch. Jean-François Jalkh
devient ensuite secrétaire
général du microparti. Mis
en examen pour escroque-
rie et abus de confiance,
il dira aux juges que «le
vrai patron de “Jeanne”,
c’est le FN».

Jean-François Jalkh
L’artisan des coulisses

AFP

Vieil ami de Marine Le Pen lui
aussi, proche des milieux iden-
titaires, Nicolas Crochet appa-
raît au cœur de plusieurs affai-
res dans lesquelles le FN s’est
retrouvé impliqué ces dernières
années. Dans le dossier
«Jeanne», qui lui vaut d’être mis
en examen pour complicité
d’escroquerie, il a certifié les comptes de
quelque 560 candidats investis par le FN
aux législatives de 2012. Via le cabinet Am-
boise Audit, il facturait ses prestations

1 200 euros à chaque fois, of-
frant une ristourne a posteriori
à ceux n’ayant pas atteint la
barre des 5 % le jour du scrutin.
Selon les juges, Crochet établis-
sait alors des factures minorées
(à 350 euros) et antidatées, soit
un «système de facturation en
fonction du résultat prohibé».
Dans l’affaire des assistants parlementaires
des eurodéputés frontistes, c’est son cabi-
net qui a établi leurs contrats de travail et
organisé le paiement de leurs salaires.

Nicolas Crochet
L’homme aux factures

AFP

du Front national. Photo Denis Allard. Rea

des élections régionales. Photo Laurent Troude


Libération Mercredi 6 Novembre 2019 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 11

Free download pdf