Libération - 06.11.2019

(Marcin) #1

France


S


auf énorme surprise, la
commission nationale
d’investiture (CNI) de LR
devrait désigner ce mercredi
soir Rachida Dati, ancienne mi-
nistre de Nicolas Sarkozy,
comme tête de liste pour
­briguer à nouveau la mairie
du VIIe arrondissement et, sur-
tout, porter les couleurs de la
droite pour la Mairie de Paris.
Elle faisait face à Marie-Claire
Carrère-Gée, elle aussi candi-

Municipales : faute


d’alternative à Paris,


LR tente Dati


Le parti devrait valider ce mercredi soir la nomination


de l’ex-ministre comme tête de liste, malgré les divisions.


Nombre d’élus sortants prévoient déjà de faire bande à part.


Par
Christophe Forcari

L’élu RN Julien Odoul a-t-il été piégé par Fatima E.,
comme l’a affirmé Macron dans Valeurs actuelles?
«Il s’est fait coincer! Apparemment cette femme est plus proche
des milieux de l’islam politique qu’on ne le croyait.» Ainsi parlait
Emmanuel Macron dans Valeurs actuelles la semaine dernière. Selon le chef de l’Etat, il se
pourrait donc que Fatima E., la femme agressée par un élu RN en raison de son voile au con-
seil régional de Bourgogne-Franche-Comté, ait piégé Julien Odoul à de pures fins politi-
ques. Sur quoi s’appuie-t-il pour reprendre cette théorie émanant de l’extrême droite? Sur
pas grand-chose, comme l’explique CheckNews dans son enquête.

date à la candidature. Mais
quelle droite Rachida Dati va-t-
elle au juste porter? «A Paris,
on a les 50 nuances de droite»,
ironise Jean-Pierre Lecoq,
maire du VIe arrondissement.
Il y en a même qui souhaitent
une alliance large jusqu’à
LREM, incluant également
l’UDI de Jean-
Christophe La-
garde et le Modem
de François Bay-
rou. «Pour réussir une majorité
alternative sur Paris, il faut une
grande ­alliance», poursuit Le-
coq, favorable à cette option,
tout en concédant que «les divi-
sions parisiennes de LREM ne
facilitent pas les choses».
Rachida Dati ne l’entend pas de
cette oreille. Elle ambitionne de
présenter des listes étiquetées
LR dans tous les arrondisse-
ments. Une stratégie «du dra-
peau» ainsi que la qualifie
Agnès Evren, députée europé-
enne et patronne de la fédéra-
tion de Paris. Au risque de met-
tre les maires LR sortants en
difficulté. D’autant plus que,
lors des dernières européennes,
LREM a réalisé de très bons
scores dans nombre d’arrondis-
sements.
Cette volonté d’être présent pa-
tout devrait être débattue lors
de la réunion de la CNI. «Non
seulement sa ligne est minori-
taire mais rien ne dit qu’elle
aura la possibilité de la mener
à bien. Dans le XVIIIe, le XIXe et
le XXe, je ne suis pas sûr que
nous disposions des forces suffi-
santes pour monter des listes»,
analyse un conseiller de Paris.

Nouveaux. «Nous étions assez
nombreux à en pincer pour
Pierre-Yves Bournazel, député
du XVIIIe. Mais lors de la réu-
nion du 5 décembre 2018 consa-
crée aux municipales, Laurent
Wauquiez nous a bien fait pas-
ser son message. Pour lui, il était
hors de question d’investir un
élu LR qui, à ­l’Assemblée natio-
nale, vote avec le gouverne-
ment», raconte Jean-Pierre Le-
coq. Philippe Goujon, maire
du XVe arrondissement, a, lui,
quitté le groupe LR au Conseil
de Paris pour rejoindre celui
d’Agir, dirigé par Bournazel.
Tout comme celui du Ier, Jean-
François Legaret. Maire du IXe,
Delphine Bürkli soutient quant
à elle la candidature de Benja-
min Griveaux (LREM).
Florence Berthout, maire du Ve,
qui a longtemps fait figure de
favorite pour conduire la droite
parisienne, roule elle aussi dé-
sormais pour Macron. D’autres

conseillers d’arrondissement,
comme Anne-Constance On-
ghena (XIXe), ont rejoint les
rangs d’Agir. Sans compter les
nouveaux venus qui troublent
encore un plus le paysage.
Comme Pierre Liscia, élu non
inscrit du XVIIIe. Cet ancien
chroniqueur à l’émission
les Terriens du
­dimanche, qui
vient de publier le
livre la Honte. Pa-
ris : ce que vous ne savez pas, a
décidé de se présenter à la mai-
rie du XVIIIe sous l’étiquette du
mouvement Libres! de Valérie
Pécresse. Une manière pour la
présidente de la région Ile-de-
France, qui a quitté LR sous la
présidence Wauquiez, d’affir-
mer qu’elle garde un œil sur la
capitale.

«Ridicule». «Qu’on laisse les
neuf maires qui nous restent
mener leur campagne et nouer
les alliances qu’ils veulent»,
plaide Philippe Goujon, qui en-
tend se présenter sous son pro-
pre nom et sur son bilan, sans
forcément faire état de son affi-
liation LR. «Si Goujon ne veut
pas de l’étiquette LR, alors il y
aura une liste LR en face de lui»,
affirme l’entourage de Dati.
«J’espère qu’on ne s’infligera pas
le ridicule de présenter des listes
LR contre des maires LR», pour-
suit Goujon. «Paris va être la
première épreuve de Christian
Jacob en tant que nouveau pré-
sident de LR. Il va devoir pren-
dre des décisions. Soit il recadre
Dati, soit il la laisse faire et,
dans ce cas-là, LR n’existera
plus à Paris», prévient un élu
parisien qui veut croire à un
«retour à la raison».
Jugée trop clivante, sous le
coup d’une enquête pour ses ju-
teux contrats de conseil auprès
d’une filiale de Renault-Nissan
alors qu’elle était eurodéputée,
Rachida Dati, qui ne manque
pas de notoriété, est loin de
faire l’unanimité dans son pro-
pre parti. «Il faut dire qu’elle n’a
pas non plus brillé par ses inter-
ventions au Conseil de Paris»,
souligne un autre élu. Reste que
sur la scène de la droite pari-
sienne, elle est la seule à possé-
der une dimension nationale et
une réelle notoriété. «De toute
façon, il n’y avait pas de plan B
et comme la nature a horreur du
vide et qu’elle avait envie d’y
­aller...» résume un des mem-
bres de la nouvelle direction de
LR. Sans illusions sur les résul-
tats à attendre de la bataille de
Paris, le parti convalescent a dé-
cidé de se contenter de Dati.•

Rachida Dati
à Paris en mars.
Photo Albert
Facelly

La femme
du jour

12 u Libération Mercredi 6 Novembre 2019

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