la Newsletter «Libé Marseille»
Libération a pris ses quartiers à Marseille, ville
capitale. Retrouvez tous les jeudis l’actu de Marseille
dans une newsletter réservée aux abonnés du journal.
qu’elle instruise les dossiers
d’insalubrité». Pareil pour
les arrêtés de péril. Le rap-
port précise que le préfet au-
rait pu se substituer au
maire, y compris pour faire
effectuer «les travaux d’office
[...] aux frais de la commune»
dans les immeubles dange-
reux. En substance : tout
dysfonctionnait à Marseille.
Même les crédits de l’Anah
(Agence nationale de l’habi-
tat) n’étaient pas mobilisés.
La commune peut pourtant
y recourir pour réaliser des
travaux de réhabilitation
en cas de défaillance des
propriétaires.
Pour le Haut Comité, la crise
trouve notamment ses origi-
nes dans «le manque de vo-
lonté politique» des élus de
construire du logement so-
cial. «Si de nombreux ména-
ges sont contraints d’habiter
dans [des taudis], c’est no-
tamment parce que leur ni-
veau de revenus ne leur per-
met pas d’accéder à un
logement digne au sein du
parc privé», analyse le rap-
port. Force est de constater
que les HLM manquent.
Seules 9 communes, sur
les 92 que compte la métro-
pole d’Aix-Marseille, attei-
gnent le quota de 25 % de
logements sociaux exigé par
la loi SRU et «40 communes
sont sous les 10 %». La ville de
Marseille elle-même est
à 21,6 % de HLM. Et surtout,
elle construit très peu de
PLAI (les «logements très so-
ciaux», aux loyers encore
plus bas que les HLM ordi-
naires car destinés aux
ménages les plus pauvres).
Pourtant, «à Marseille, 74 %
des demandeurs de logements
sociaux disposent de revenus
inférieurs aux plafonds pour
accéder au PLAI». Pour clore
le tout, les logements sociaux
ne sont pas toujours attribués
aux publics prioritaires,
qui en ont le plus besoin,
notamment ceux qui relè-
vent du Dalo.
Plan d’urgence. Pour le
Haut Comité, l’action publi-
que est à revoir de A à Z à
Marseille. Son rapport com-
porte pas moins de 18 recom-
mandations pour mettre fin
au scandale du logement in-
digne. Il préconise une aug-
mentation de la production
de logements très sociaux, la
mise en place d’un observa-
toire des logements indignes,
une application sans faille des
textes contre les immeubles
insalubres, un plan d’urgence
de réhabilitation des taudis,
un relogement digne des dé-
logés. Et une garantie de droit
de retour dans leurs apparte-
ments une fois leur immeuble
réhabilité.•
Marseille : le Haut Comité au
logement démolit l’action publique
Par
tonino serafini
Photo
Théo Giacometti.
Hans Lucas
C
haque année, le rap-
port du Haut Comité
au logement pour
les personnes défavori-
sées (HCLPD) donne un coup
de projecteur sur les condi-
tions d’habitat des personnes
et familles pauvres. Il alerte à
chaque fois les pouvoirs pu-
blics sur une thématique par-
ticulière. Le HCLPD s’est par
exemple déjà penché sur les
défaillances de l’héberge-
ment d’urgence ou le droit au
logement opposable (Dalo),
dispositif qui vise à rendre
prioritaire des foyers très mal
logés ou pas logés dans l’ac-
cès à un HLM.
Responsabilité. Cette an-
née, le Haut Comité a axé son
document, que Libération
s’est procuré, sur la question
du logement indigne dans la
deuxième ville de France.
Son titre, «Marseille : de la
crise du logement à une crise
humanitaire», et sous-titre,
«chronique d’une incurie pu-
blique», donnent le ton sur la
gravité de la situation. Il sera
remis dans quelques semai-
nes à Emmanuel Macron et
Edouard Philippe.
«Les effondrements rue d’Au-
bagne ne relèvent pas de faits
divers accidentels, et impré-
visibles. [Ils] résulte[nt] d’une
continuité de
d y s f o n c t i o n -
nements [...]
des acteurs publics», souli-
gne le Haut Comité. Il pointe
notamment «l’absence de
traitement de l’habitat indi-
gne jusqu’à la gestion chaoti-
que de la crise». Ainsi, le rap-
p or t précis e qu’avant
l’effondrement de la rue
d’Aubagne, pas moins
de 1 400 «signalements d’ha-
bitats [...] indignes [étaient]
restés sans réponse». Mais
en 2017, seuls «57 arrêtés de
péril ont été pris par la muni-
cipalité [et] aucun pour insa-
lubrité». Des chiffres invrai-
semblables à mettre en rap-
port avec les «40 000 lo-
gements indignes, soit 13 %
des résidences principales».
Le rapport pointe clairement
la responsabi-
lité de la mairie
dans la crise
marseillaise, mais également
celle de l’Etat, qui a laissé
faire. «Les services de la pré-
fecture connaissaient [...] le
nombre de signalements effec-
tués pour cause d’insalubrité
ou de péril et auraient pu
comparer avec le nombre [dé-
risoire] d’arrêtés effectivement
pris.»
Or, face à l’incurie et aux dé-
faillances de la municipalité,
«le préfet aurait pu mettre
en demeure la ville afin
Au rapport
France
Un an après à Marseille, «ni ou-
bli ni pardon» Un grand silence a en-
vahi mardi la place Homère, au milieu
de la rue d’Aubagne. Il est 9 heures, des centaines d’habi-
tants de Marseille commémorent les huit morts emportés
par l’effondrement de deux immeubles, tout près de là, un
an plus tôt. Puis la foule scande «ni oubli ni pardon». Et
«cassez-vous !» à destination des élus de tous bords, tenus
pour coresponsables du délabrement des immeubles.
LIBÉ.FR
Le rapport sur
l’habitat marseillais
que «Libération»
s’est procuré et
qui doit être remis
à l’exécutif dans
quelques semaines
dénonce une «crise
humanitaire».
Mardi à Marseille lors de la commémoration un an après l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne.
Mennucci réplique aux insinuations pointant
sa responsabilité sur l’état des immeubles
Le socialiste a vivement réagi aux propos que Martine Vas-
sal, la présidente (Les Républicains) de la métropole, a tenus
dans Libération mardi, refusant de laisser passer ce qu’il
considère comme «une abjection». L’ancien député du cen-
tre-ville s’est ainsi fendu d’un communiqué où il fustige la
candidate LR à la mairie de Marseille, en remontant le fil de
l’histoire. Deux articles à lire sur notre site.
18 u Libération Mercredi 6 Novembre 2019