Libération - 06.11.2019

(Marcin) #1
Devant le Sénat avant
le vote de la loi asile
et immigration,
en juin 2018.
Photo Boby

C’


est un sujet au carrefour de deux dé-
bats fantasmés, englués dans les
stéréotypes. D’un côté, celui de l’im-
migration, rendue responsable de tous les
maux, dont le chômage. De l’autre, celui des
difficultés de recrutement des employeurs
qui ne trouveraient plus de main-d’œuvre

pour faire tourner leurs entreprises. Lundi,
le gouvernement a ouvert la voie à l’instaura-
tion de quotas pour les immigrés souhaitant
venir travailler en France. Une mesure qui in-
terroge autant qu’elle inquiète.

Quotas ou «objectifs chiffrés»?
Mardi, sur BFM, la ministre du Travail, Mu-
riel Pénicaud, n’a pas tranché le problème.
«L’idée, c’est d’avoir des objectifs chiffrés, ou
des quotas, c’est une question de sémantique»,
a-t-elle éludé. Avant de poursuivre : «C’est la
France qui recrute par rapport à ses besoins.

C’est une approche nouvelle, un peu une ap-
proche qu’[ont] le Canada et l’Australie.» Une
logique pas si neuve, pointe de son côté Jean-
Eudes du Mesnil, secrétaire général de la
CPME, organisation patronale plutôt favora-
ble à la mesure. Un arrêté de 2008 définit
déjà, par région, les métiers en tension pour
lesquels un employeur n’a pas à justifier ni
de la situation de l’emploi ni de sa recherche
préalable de candidats nationaux, s’il décide
d’embaucher un étranger non ressortissant
d’un Etat membre de l’UE, de l’Espace
­économique européen ou de Suisse. Les
­démarches d’autorisation de travail sont
alors facilitées.
«Il faut relativiser l’annonce du gouvernement,
juge encore le représentant patronal. La véri-
table nouveauté, c’est que cette liste qui datait
de dix ans va être réactualisée tous les ans.» A
la clé, estime-t-il, un outil plus proche de la
réalité, et moins de paperasse pour les pa-
trons. «Le problème du quota, c’est que c’est
figé, précise Aina Kuric, députée de la Marne
apparentée LREM, peu à l’aise avec le terme.
Là, le but, c’est d’avoir quelque chose de plus
souple, être plus réactif.»

Les quotas


par profession


remis sur le métier


Autrefois défendue par Nicolas
Sarkozy, l’idée de sélectionner
une immigration par secteur
et par région reste à préciser.

Comment cela fonctionnera-t-il?
Le flou demeure. La ministre du Travail a
toutefois donné des indications, mardi. Pre-
mière étape : la nouvelle liste de métiers en
tension sera fixée à «l’été prochain». D’ici là,
la méthodologie doit être affinée. Un travail
devrait commencer «dans quelques semaines
avec les partenaires sociaux et les régions».
Une réunion est annoncée le 18 novembre. La
Dares, cellule statistique du ministère du
Travail, et Pôle Emploi seront aussi mis à
contribution «pour analyser tous les métiers
en tension» et vérifier que «les efforts de for-
mation ont été faits» pour permettre en prio-
rité aux demandeurs d’emploi de se position-
ner sur les postes vacants. Difficile d’en savoir
plus, pour l’heure, sur ce «nouvel outil statis-
tique pour mesurer la réalité des tensions sur
le marché» que promet le gouvernement et
qui permettra à l’immigré «professionnel»
d’avoir «un visa de travail pour une durée dé-
terminée et un travail déterminé».
Seule certitude : il inclura bien un nombre de
personnes fixé par métier et par territoire. Et
non par pays d’origine, car cela n’aurait eu
«aucun sens», selon Muriel Pé- Suite page 4

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