Libération - 06.11.2019

(Marcin) #1

II u Libération Mercredi 6 Novembre 2019


l’intérieur? Questions crucia-
les, questions d’avenir, qui se-
ront au cœur de la journée
qu’organise Libération, en
partenariat avec MAIF. Pour
essayer de comprendre com-
ment «les eaux froides du cal-
cul égoïste» (Marx), peuvent
se réchauffer au foyer de la
solidarité humaine.
Laurent Joffrin

investir dans des valeurs fi-
nancières, mais aussi, pour
partie, dans des valeurs mora-
les. Jusqu’où ira cette réforme
de l’esprit public? Au cœur du
monde financier, souvent bru-
tal et autocentré, l’idée du
bien public peut-elle prendre
sa place? En un mot, peut-on
croire à l’utopie d’un capita-
lisme qui se réformerait de

en place par une réglementa-
tion publique), les épargnants
tendent de plus en plus à
choisir des placements «res-
ponsables», socialement uti-
les ou respectueux de la pla-
nète. Surprise? Pas tout à fait.
L’individu des sociétés ouver-
tes est un hybride : il pense à
lui, mais ce faisant, il pense
aussi à la collectivité. Il veut

Par
Franck Bouaziz


Finance


solidaire


un cercle


vertueux


L’investissement socialement responsable, s’il reste encore


confidentiel dans l’épargne des ménages français,


est en pleine croissance. Ce système, qui permet d’injecter


de l’éthique dans ses finances personnelles, se décline


en de multiples formes.


A


première vue, les deux notions ne
semblaient pas faites pour s’enten-
dre... Les marchés financiers et le
monde de l’investissement ne pa-
raissent pas mobilisés, en priorité, par les en-
jeux de solidarité. Et pourtant, depuis une
quinzaine d’années, l’investissement sociale-
ment responsable (ISR) ne connaît pas la
crise. Il affiche 15 à 20 % de croissance chaque
année et pèse, aujourd’hui, 12,5 milliards
d’euros déjà collectés et investis de manière
particulière. La rentabilité n’est pas, en effet,
l’unique objectif de ces produits financiers.
L’utilité sociale est l’autre raison d’être de ces
placements de toutes sortes. En clair, les épar-
gnants engagés dans la finance solidaire sont
prêts à tirer un trait sur une partie de leur re-


tour sur investissement, afin qu’il puisse être
redistribué à des fondations, associations ou
encore entreprises à vocation sociale. En
échange, ils peuvent bénéficier d’un avantage
fiscal au même titre que s’ils effectuaient un
don direct à une association caritative.
L’objectif poursuivi par les promoteurs de la
finance solidaire est donc double. D’une part,
organiser une source de financement pour le
monde de l’économie sociale et solidaire, qui
ne peut être dépendante des seuls dons et con-
tributions volontaires. Et de l’autre, fournir des
produits financiers adaptés à ceux qui veulent
placer leurs économies de manière différente.
Cet écosystème ne peut néanmoins fonction-
ner que s’il offre des garanties aux épargnants.

Rentabilité partagée
Toutes les structures destinataires de ces in-
vestissements socialement responsables sont

labellisées. L’association Finansol a ainsi au-
dité, contrôlé et certifié 160 placements, en-
treprises ou encore associations conformé-
ment à un cahier des charges, «ce qui constitue
un facteur de confiance pour les épargnants»,
estime son président, Frédéric Tiberghien.
Reste que la finance solidaire a encore de soli-
des marges de progression devant elle, malgré
son taux de croissance à deux chiffres. A ce
jour, elle représente en tout et pour
tout... 0,25 % de l’épargne totale des ménages,
estimée à 5 500 milliards d’euros.
L’investissement socialement responsable a
reçu un sérieux coup de pouce en 2010, avec
une modification de la législation sur l’épar-
gne salariale (lire ci-contre). Depuis cette date,
les entreprises qui ont mis en place des systè-
mes d’intéressement ou de participation sont
tenues de proposer à leurs salariés des fonds
dits «90-10». Derrière cette mystérieuse ap-

pellation, on trouve, en fait, des fonds com-
muns de placement (FCP) dans les-
quels 90 % des sommes collectées sont inves-
ties dans des entreprises «classiques» cotées
en Bourse. Le solde, 10 %, est affecté à des as-
sociations ou entreprises d’insertion labelli-
sées par Finansol. Ce canal est aujourd’hui le
principal véhicule d’investissement sur le-
quel peut s’appuyer la finance solidaire. Il re-
présente 7,5 milliards d’euros investis.
Les épargnants peuvent également choisir de
souscrire directement à des placements es-
tampillés «finance solidaire». Le Crédit coopé-
ratif, qui compte 350 000 clients, a d’ailleurs
forgé son identité sur ces placements pas
comme les autres. Des livrets d’épargne sont
ainsi proposés, dans lesquels la rentabilité
versée est partagée entre le titulaire du livret
et un panel de 53 associations ou fondations
choisies parmi les 160 labellisées par l’associa-

Forum


égoïstes,
sont-ils aussi des animaux
­sociaux, qui savent, au fond
d’eux-mêmes, qu’ils ne seront
pas heureux dans une société
malheureuse?
Et de fait, une vaste prise de
conscience sociale et écologi-
que traverse les démocraties.
Dès lors qu’ils bénéficient de
garanties suffisantes (mises


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