Libération - 06.11.2019

(Marcin) #1

IV u Libération Mercredi 6 Novembre 2019


Par
JUliette DElage


S comme solidaire
«Avec la finance solidaire, l’épargnant reprend
le contrôle de son argent en choisissant de le
mettre au service de causes qui lui tiennent à
cœur», résume Patrick Sapy. Les produits
d’épargne solidaire permettent aux citoyens
d’investir dans des entreprises non cotées en
Bourse, à fort impact environnemental ou so-
cial. Il peut aussi bien s’agir d’un projet de
production d’énergies renouvelables que d’un
restaurant qui emploie des personnes souf-
frant d’un handicap ou de la création d’un
verger bio dans sa région. Les produits d’épar-
gne solidaire sont labellisés par des organis-
mes privés ou publics. Le gain sonnant et tré-
buchant n’est jamais très élevé pour
l’épargnant. Mais pour Stéphane Voisin, l’es-
sentiel est ailleurs : «Les citoyens acceptent dé-
sormais de sacrifier leur rendement au profit
d’un impact positif sur la société.»

V comme verte
La finance pourrait-elle endiguer le réchauf-
fement climatique et sauver la planète? C’est
ce que pensent de plus en plus de spécialis-
tes, et de politiques, Emmanuel Macron
compris. En septembre 2018, lors du One Pla-
net Summit à New York, le chef de l’Etat a de-
mandé que la finance mondiale soit orientée
vers des actions plus durables et respectueu-
ses de l’environnement. Une finance plus
verte. Pour Stéphane Voisin, est verte «toute
opération financière qui contribue à complé-
ter le déficit de financement de la transition
énergétique». La finance verte renvoie aussi à
la prise en compte des risques sur l’en­-
vironnement d’un placement par les
investisseurs.•

(1) Detox Finance, de Jean-Baptiste Bellon et Stéphane
Voisin (Editions Eyrolles, 20 €).

Huit façons


de changer


la couleur


de l’argent


Durable, solidaire, écologique...


Comment repenser de fond


en comble les systèmes bancaires,


A monétaires et d’investissement.


ssocier la finance à des adjectifs
comme «durable» ou «solidaire»?
En rhétorique, cela s’appelle un
­oxymore. Et dans nos sociétés,
on pourrait presque croire à une bonne bla-
gue... Pourtant, en marge de l’univers de la
spéculation, des subprimes ou des fonds vau-
tours, il existe d’autres formes de finance,
­certes confidentielles, mais tendant vers des
pratiques plus humaines. Finance verte, soli-
daire, éthique... En quoi consistent-elles
exactement?


D comme durable
La finance durable, c’est un peu une grande
famille. Qui sont les membres qui la compo-
sent? Toutes les pratiques financières qui
prennent en compte des critères sociaux ou
environnementaux, parfois les deux en même
temps. «La finance durable enveloppe à la fois
la finance verte, la finance solidaire, mais
aussi les investissements socialement respon-
sables (ISR)», précise ainsi Stéphane Voisin,
enseignant à l’université Paris-Dauphine-, co-
auteur d’un livre sur le sujet (1).


E comme économie sociale et solidaire
«On appelle économie sociale et solidaire l’en-
semble des structures qui ont une activité éco-
nomique à très forte finalité sociale et qui par-
ticipe à l’animation du développement
territoriale», poursuit Pascal Glémain maître
de conférences à l’université Rennes-II. En-
treprises, associations, fondations... ces
structures peuvent avoir des statuts juridi-
ques très différents. Parce qu’elles ont un im-
pact positif sur la société, elles peuvent béné-
ficier de financements solidaires.


E comme éthique
Un fonds d’investissement peut décider
de placer son argent uniquement dans
des milieux qu’il considére comme «éthi-
ques». Exit donc, les investissements dans
les ­secteurs de l’armement, du tabac, ou
même de l’alcool. En revanche, il n’est pas
question ici de s’interroger sur l’impact d’un
investissement sur l’environnement ou la
­société.

I comme islamique
Comme la finance éthique, la finance islami-
que doit répondre à des valeurs morales.
Mais ici, ces valeurs sont issues de la religion
musulmane. Anouar Hassoune, spécialiste
du domaine, explique que l’économie
­musulmane est régie par cinq piliers : «Il est
interdit de pratiquer des intérêts et de spécu-
ler, mais aussi d’investir dans des secteurs
contraires à l’islam comme la viande de porc,
l’alcool, ou les armes.» Dans ce système
­financier, les profits réalisés comme les per-
tes engendrées sont obligatoirement parta-
gées entre les différentes parties. «Ce n’est
pas comme une banque qui ne cherche qu’à
enrichir ses actionnaires», souligne Anouar
Hassoune. Enfin, la finance islamique
doit être au service de l’économie réelle :
«Elle doit permettre de produire des biens
et des services tangibles et ne jamais prendre
la forme d’obligations financières», conclut
le spécialiste.

I comme investissement socialement
responsable
Que souhaitent les investisseurs? La plupart
du temps, réaliser un gain financier. Ils sont
pourtant de plus en plus nombreux à se pen-
cher sur d’autres critères avant de choisir leur
placement. Parmi les entreprises cotées, sont
sélectionnées celles qui respectent à la fois la
planète et les humains. L’investissement so-
cialement responsable est un placement qui
prend en compte les performances financières
d’une entreprise mais analyse en même temps
la durabilité de sa démarche, via des facteurs
tels que sa consommation d’énergie ou son en-
gagement pour l’égalité femmes-hommes.

M comme microcrédit
«Le microcrédit permet de prêter de petites
sommes d’argent aux personnes pour qu’elles
puissent créer une activité», explique Patrick
Sapy, directeur de Finansol, organisme de
promotion de la finance solidaire. A l’origine,
le microcrédit, tel qu’il a été imaginé par le
prix Nobel de la paix et économiste bangla-
dais Muhammad Yunus, était destiné aux
personnes les plus précaires, exclues du sys-
tème bancaire. «Mais depuis quelques années,
on voit se développer des pratiques de micro-
crédit très éloignées de son but originel, re-
grette Patrick Sapy. Les institutions de micro-
finance cherchent à faire de l’argent et se
détournent des demandeurs les plus pauvres,
alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin.»

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