Libération - 06.11.2019

(Marcin) #1

VIII u Libération Mercredi 6 Novembre 2019


Par
Didier Arnaud
Envoyé spécial à Langon (Gironde)

En Gironde,


l’association


organise des


tournées dans les


collectivités locales


pour promouvoir


la récupération


et l’échange.


I


ls se sont retrouvés ce vendredi après-
midi, une vingtaine de personnes,
majoritairement aux cheveux grison-
nants, dans une salle de réunion de
l’agglo de Langon (Gironde) pour écouter
«la bonne parole» de l’association
Zero Waste («pas de gaspillage»). Com-
ment faire du neuf avec du vieux? Réparer,
troquer, vivre plus intelligemment en pro-
duisant moins de déchets? La première
raison est écologique, mais l’aspect écono-
mique est évidemment omniprésent.
La démarche n’est pas isolée. Elle s’inscrit
dans une idée «politique» plus large. En ef-
fet, depuis septembre 2018, la NEF (coopé-
rative financière qui propose des solutions
d’épargne et de crédit orientées vers des
projets ayant une utilité sociale, écologi-
que ou culturelle), acteur de la finance so-
lidaire depuis plus de trente ans, a lancé sa
campagne de mobilisation, «Alors c’est
quand la banque éthique ?» Parmi ses pre-
miers signataires, Emmaüs France, Bio-
coop et... Zero Waste France.
Dans ce territoire rural, l’idée n’est pas

neuve et on a mis depuis un certain temps
à l’agenda des usages qui privilégient
l’échange à l’achat, la récup au rejet...

Bidouille. Il faut dire que la méthode a de
nombreux avantages. Les retraités re-
créent le lien qui leur manquait, par exem-
ple en se rendant dans ces «Repair Café»
où la bidouille est reine. Ces nouvelles ha-
bitudes permettent également de créer soi-

même, faire plus attention aux objets et
aux vêtements, réduire les achats de neuf.
«On entre dans une logique “mes objets doi-
vent durer plus longtemps”. On va donc at-
tendre un peu pour réparer le lave-linge, en
consultant par exemple des autodiagnos-
tics en ligne sur les pannes. On se familia-
rise avec de nouvelles techniques pour amé-
liorer l’entretien, un meilleur usage des
vêtements», explique Ariane, responsable

de Zero Waste. L’association diffuse égale-
ment des techniques pour le tri. Ou expli-
que que porter les dernières Nike n’est pas
forcément un gage de personnalité : on
peut aussi trouver son style en portant des
vêtements vintage...
Ce jour-là, c’est le Sictom Sud-Gironde
(syndicat intercommunautaire de collecte
et de traitement des déchets ménagers)
qui a invité l’association à Langon. Le syn-
dicat a depuis longtemps installé une
zone de «réemploi» des objets pour leur
donner «une seconde chance». Il est par-
venu également l’an passé à réaliser
18 tonnes de déchets en moins et vise 36
cette année. Une paille, il est vrai, sur un
volume global de 38 000 tonnes pour la ré-
gion. Mais l’important est l’évolution des
mentalités. «Les usagers sont aujourd’hui
plus mal à l’aise à l’idée de jeter un meuble,
ils ont conscience que quelqu’un pourrait
l’utiliser...» Jérôme Guilhem, le président
du Sictom, insiste sur la pédagogie. «Le
travail n’est pas marginal, on a enclenché
quelque chose. Sur un territoire rural, la
problématique vêtement existe, les recycle-
ries aussi, l’électroménager est toujours
conditionné à cette obsolescence program-
mée, et nous, au milieu de tout cela, on es-
saie d’informer.» Il poursuit : «Notre fête de
la récup en est à sa troisième édition. On y
fait venir des réparateurs, des artistes qui
œuvrent à 100 % avec de la récup. Les jeux
qu’on jette au lendemain de Noël – un vo-
lume énorme – seront reconditionnés et re-
mis dans la boucle»...

Urgence. Et de fait, les choses bougent.
Les habitants se mettent à rapporter
des bouteilles, utilisent des composteurs


  • 40 % des habitants en sont équipés sur le
    territoire du Sictom. Guilhem le note op-
    portunément : «Quand il faut voter le bud-
    get, il passe à l’unanimité, sur les 85 com-
    munes.» Son objectif? Pérenniser les
    actions, les partager. Cela peut passer par
    le soutien aux associations. Il persiste : «On
    doit être le catalyseur des énergies sur le ter-
    ritoire. Demain, 44 acteurs viendront pour
    parler de leur activité. Les gens d’ici doivent
    prendre connaissance de ce qui existe.»
    Zero Waste France est là pour les y aider.
    «Depuis le 15 mai on consomme à crédit, il
    nous faudrait l’équivalent de trois planètes
    pour suivre notre rythme de consomma-
    tion», répète l’association. Elle a ainsi
    lancé l’opération «je ne participe pas au
    Black Friday» et veut proposer un outil
    pour résister toute l’année. Il y a urgence :
    Combien de matières premières pour fa-
    briquer un smartphone? Pas moins
    de 183 kilos, extraites d’acier, d’alumi-
    nium, de plastique, du pétrole... Et une fa-
    mille possède en moyenne 99 objets élec-
    triques ou électroniques!
    La recyclerie du Bazadais à Bazas, en
    ­Gironde toujours, est une structure de ré-
    emploi qui apprend entre autres à «custo-
    miser les meubles». Le responsable des
    «cyclos du canal», évite quant à lui aux vé-
    los de finir à la benne en les réparant. L’as-
    sociation Répar-acteur, établie à Langon, a
    jeté son dévolu sur les ordinateurs. «Un
    ordi, si on veut qu’il consomme moins d’élec-
    tricité, il faut le soigner, explique son res-
    ponsable. J’en ai nettoyé un récemment qui
    était en rade. Il avait accumulé dix ans de
    poussière à l’intérieur. Et bien... il a redé-
    marré.» Il suffit parfois d’un rien.•


Zero Waste


«une seconde


chance» pour


les vieux objets


Forum


20 km

GIRONDE

Bordeaux

CHARENTE
MARITIME

LANDES

LOTET
GARONNE

OcéanAtlantique DORDOGNE

Langon

Sarah Bouillaud
Free download pdf