Libération - 06.11.2019

(Marcin) #1

Au numéro 24 de la August-
strasse, dans le quartier de
Mitte, le Clärchens Ballhaus
fait danser le tout-Berlin
­depuis le 13 septembre 1913.
Touristes Easyjet, retraités
de l’Est nostalgiques ou hip-
sters de Neukölln, qui n’a pas
f r é q u e n t é
cette guin-
guette qui
semble figée
dans le temps – chose raris-
sime dans une capitale où
tout change plus vite que la
forme d’un Barbapapa? Avec
son parquet vieilli, ses soliflo-
res sur nappes blanches et sa
splendide «salle des miroirs»,
le Clärchens a survécu à deux
guerres, à la partition de Ber-
lin, au tournage d’Inglourious
Basterds de Tarantino et à
une ­visite du couple princier
Kate et William en 2017.
Aux yeux des Berlinois, cette
salle de bal est bien plus
qu’un dancing, c’est un sym-
bole. Effrayés de voir leur
ville se gentrifier à vitesse
grand V, dégoûtés de voir des
foodtrucks vendre des pie-
rogi polonais au prix de l’or,
inquiets de voir les pauvres
virés du centre-ville et le East
Side Mall ouvrir un magasin


Primark à deux pas des vesti-
ges du mur, les Berlinois se
rassurent comme ils le peu-
vent avec l’inamovible Clär-
chens. Contrairement aux
clubs comme le techno Ber-
ghain, tout le monde y est
­admis, surtout si vous n’êtes
p a s b r a n -
ché. L’été, on
peut dîner
sur la ter-
rasse ornée de jolis lampions,
avec une addition raisonna-
ble pour le quartier, devenu
aussi inaccessible que le Ma-
rais à Paris : 9,90 euros les
boulettes de viande à la berli-
noise, avec salade de patates
et moutarde ossie Bautz’ner.
A l’époque du mur, le bal, si-
tué à l’Est, jouait en cachette
du rock’n’roll, musique amé-
ricaine donc interdite par le
régime. Le ­videur prévenait
l’orchestre que la police ap-
prochait – et les musiciens se
mettaient à jouer des valses
ou des tangos, le temps que la
«Vopo» patrouille.
On peut donc imaginer la
­panique, cet été, lorsqu’on a
appris que le nouveau pro­-
priétaire des lieux souhaitait
le fermer pour le rénover. Le
contrat d’exploitation de la

Miroir
d’outre-Rhin

la patronne des libéraux-
­démocrates, Jo Swinson,
les a renvoyés dos à dos.
Les jugeant «inaptes» à diri-
ger le pays, elle s’est enga-
gée à arrêter le Brexit si elle
accède au pouvoir, en lan-
çant sa campagne mardi
à Londres.
«L e L abour comme les
­conservateurs veulent négo-
cier et réaliser le Brexit»,
a-t-elle dit, mettant en
garde sur les conséquences
économiques désastreuses

AFP

salle se termine à la fin de
l’année, le personnel est re-
mercié. «J’ai acheté l’endroit
avec l’objectif de protéger le
Clärchens», a assuré Yoram
Roth au Tagesspiegel. Le
quotidien ajoute, phrase cen-
sée rassurer : «C’est un en-
droit magique et important
pour lui, dans un quartier
qui lui tient à cœur car sa
mère y est née.»
Seulement, entre la ferme-
ture à la Saint-Sylvestre et les
travaux de rénovation, fixés
à l’été 2020, où Berlin va-t-il
guincher? Aucune idée non
plus du coût des travaux, de
leur durée et des modalités
de la poursuite de l’exploita-
tion du Clärchens. Or, sans
sa piste de danse, ses cours
de tango et sa bière coulant
à flots, l’endroit pourrait
bien devenir une énième
pièce de musée célébrant
un Berlin disparu. Comme le
dit l’über-Berlinois Günter
Schmidtke, 85 ans, dont cin-
quante à officier au vestiaire
de la guinguette : «Le monde
entier est ici. Il n’y aura au-
cun endroit comme ça si ça
ferme.»
Johanna Luyssen
(à Berlin)

A Berlin, une guinguette


de l’Est en péril


Jo Swinson
cheffe des
libéraux-
démocrates
britanniques

Une troisième voix, claire-
ment favorable au maintien
du Royaume-Uni dans
l’Union européenne. Alors
que le Premier ministre bri-
tannique, Boris Johnson, et
le chef de l’opposition tra-
vailliste, Jeremy Corbyn,
se sont écharpés mardi en
se présentant chacun
comme l’homme de la si-
tuation pour résoudre le
casse-tête du Brexit, au cen-
tre de la campagne des lé-
gislatives du 12 décembre,

de la sortie de l’Union euro­-
péenne et promettant d’in-
vestir dans les services
­publics «un bonus de 50 mil-
liards de livres» (58 mil-
liards d’euros) économisé
en restant dans l’Union.
Elle est convaincue que
ces élections peuvent en-
traîner «un changement sis-
mique», espérant surfer sur
le regain de popularité des
lib-dems. Car à gauche,
­Jeremy Corbyn reste am-
bigu, son parti étant divisé
sur la question.
Devant des militants à
­Harlow, ce dernier a affirmé
vouloir négocier avec
Bruxelles un nouvel accord
de divorce «en trois mois»,
qui pré­voirait une forme
d’union douanière avec
l’UE. Il le soumettrait en-
suite à un référendum qui
proposerait aussi aux élec-
teurs la possibilité de rester
dans le giron européen.
Mais lui-même s’est gardé
de dire quelle option avait sa
préférence. Un manque de
clarté fustigé par ­Boris
Johnson dans une lettre en-
voyée à Corbyn où il le
presse «d’expliquer ce qu’est
réellement [son] projet». En
guise de riposte, ce dernier
a accusé le Premier ministre
de «détourner le Brexit»
pour raboter les droits des
salariés, privatiser le service
de santé au nom d’un «that-
chérisme sous stéroïdes».

«Tout type


de Brexit


portera atteinte


à notre


économie.»


Italie


L’Hellas Vérone a banni
pour onze ans un capo de
ses ultras pour racisme, un
mal récurrent dans les stades
italiens. Mario Balotelli,
qui joue à Brescia, a été visé
dimanche par des cris de
singe de la part d’une tribune
de l’Hellas ­Vérone. Le chef
des ultras, Luca Castellini,
s’est défendu lundi, à sa ma-
nière : «Nous aussi on a un
­nègre dans l’équipe. Hier,
il a marqué et toute la ville a
applaudi.» Ce mardi, le cou-
peret est tombé : Luca Castel-
lini est ­interdit de ­tribune
jusqu’en 2030.


Angleterre


Le club de rugby anglais
des Saracens s’est vu infli-
ger un retrait de 35 points
au championnat et une
amende de 6 millions d’eu-
ros. Les champions d’Angle-
terre et vainqueurs de trois
des quatre dernières Coupes
d’Europe ont été condamnés
pour non-respect du plafon-
nement de la masse salariale
depuis la saison 2016-2017.
Les «Sarries» passent ainsi
de la quatrième à la dernière
place du classement avec


  • 26 points après trois jour-
    nées et vont devoir lutter
    pour leur maintien.


Mardi, la Cour suprême isra-
élienne a entériné l’expul-
sion du directeur local de
l’ONG Human Rights Watch
(HRW), accusé de soutenir le
boycott de l’Etat hébreu. Il
s’agissait du dernier recours
légal d’Omar Shakir, citoyen
américano-irakien en poste
depuis 2017.
Point d’orgue d’un long
feuilleton judiciaire, la déci-
sion de la plus haute cour du
pays établit un précédent.
Pour la première fois, Israël
entend expulser un de ses
résidents, sous couvert
d’une loi de 2017 visant à in-
terdire l’accès du pays
aux soutiens du mouvement
propalestinien BDS ­(Boycott,
Désinvestissement, Sanc-

tions), bête noire de la droite
israélienne qui en a fait une
­menace quasi existentielle,
accusant ses ­partisans d’an-
tisémitisme. La ­législation
anti-BDS avait déjà été utili-
sée cet été pour faire capoter
la visite en Cisjordanie de
deux élues du Congrès amé-
ricain, Ilhan Omar et Ra-
shida Tlaib.
Le ministère de l’Intérieur,
qui avait révoqué le visa de
travail de Shakir dès 2017,
s’est appuyé sur des tweets
de l’employé de HRW pu-
bliés il y a plusieurs années,
alors que ce dernier était
étudiant aux Etats-Unis,
le qualifiant de «propagan-
diste propalestinien». Shakir
conteste l’interprétation de

ces tweets. En outre, le ­
gouvernement israélien
­considère que les rappels au
droit ­international de HRW
à ­l’attention d’entreprises
comme Airbnb pour les
­dissuader d’opérer dans les
Territoires occupés s’appa-
rentent à une forme d’incita-
tion au boycott.
«Omar Shakir est un acti-
viste du BDS qui a profité de
son séjour en Israël pour y
nuire, ce qu’aucun pays sensé
ne peut accepter», a réagi
­Gilad Erdan, ministre de
la Sécurité intérieure et
­principal architecte de la
­législation anti-BDS. L’ONG
israélienne B’Tselem consi-
dère quant à elle que la déci-
sion de la Cour suprême est

une nouvelle étape dans le
«rétrécissement de l’espace
déjà limité en Israël pour
s’opposer à l’occupation. De-
puis des décennies, cet espace
est inexistant pour les Pales-
tiniens. Désormais, il se
­réduit plus encore pour les
acteurs internationaux et,
bientôt, pour les Israéliens».
Joint par Libé peu après la
décision des juges, Omar
Shakir, déjà expulsé par le
passé d’Egypte et de Syrie
pour ses activités au sein de
HRW, dénonce «un précé-
dent décisif [...] et un blanc-
seing à la répression et à la
­limitation d’accès des défen-
seurs des droits de l’homme.»
Guillaume Gendron
(à Tel-Aviv)

Israël : la justice valide l’expulsion


du directeur de Human Rights Watch


FC Barcelone : Ansu
Fati, un ado à dons
A 16 ans seulement, l’atta-
quant du Barça bat un à un tous les records de
précocité, les médias espagnols comparant les
débuts du môme à ceux de Cristiano Ronaldo,
de Mbappé, de Hazard ou de Messi lui-même.
Né à Bissau, il a obtenu la nationalité espagnole
et pourrait jouer avec la Roja. Photo AFP

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