14 |sports VENDREDI 29 NOVEMBRE 2019
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Handball : les Bleues font le pari de la jeunesse
Les Françaises défendent leur titre au Mondial à Kumamoto, au Japon, du 30 novembre au 15 décembre
O
livier Krumbholz ne
veut pas l’avouer,
mais les Jeux olympi
ques de Tokyo, dans
huit mois, occupent son esprit.
« Le but suprême de ce collectif,
c’est les JO », avait affirmé sans dé
tour le sélectionneur de l’équipe
de France féminine de handball le
7 novembre, quelques jours avant
de s’envoler pour le Mondial de
Kumamoto (sud du Japon), du
30 novembre au 15 décembre.
Car avant de caresser l’Olympe,
seul titre international qui se re
fuse encore aux handballeuses
françaises – elles s’étaient incli
nées en finale contre la Russie
en 2016 à Rio –, les championnes
du monde et d’Europe devront
ferrailler pour conserver leur ti
tre. Et Olivier Krumbholz compte
s’appuyer sur la jeune génération
de joueuses pour se sortir des piè
ges de la phase préliminaire : « Ce
sont elles qui peuvent faire gagner
l’équipe de France. »
Les Bleues retrouveront succes
sivement, dans la poule B, la
Corée du Sud, le Brésil, l’Australie,
l’Allemagne et le Danemark. Un
groupe propre à donner quel
ques sueurs froides : seules les
trois premières places – contre
quatre lors des précédentes édi
tions des championnats du
monde – sont qualificatives pour
le tour principal. « On est sur une
dynamique positive, on a tou
jours aussi faim. Et on sera
l’équipe à abattre », savoure déjà
la demicentre Allison Pineau.
« Un rythme de fou »
Les Françaises feront leur entrée
en lice samedi 30 novembre
contre les SudCoréennes, au jeu
atypique, « toujours complexe à
jouer ». « Le niveau de la poule est
très relevé, pas une équipe ne peut
dire qu’elle est audessus du lot
[seule l’Australie évolue un ton
en dessous], il va déjà falloir en
sortir de cette poule. Après,
l’équipe montera en charge, les
filles seront lancées », positive
Olivier Krumbholz, selon qui les
joueuses brésiliennes représen
tent la menace la plus sérieuse
du premier tour.
« Elles ont mis du temps à digé
rer leur titre de championne du
monde 2013, mais je les sens de
nouveau dans une phase ascen
dante avec une grosse défense »,
prévient celui qui est à la tête du
handball féminin français quasi
ment sans discontinuer depuis
2003 (il n’aura connu qu’une in
terruption entre juin 2013 et jan
vier 2016).
Avec cinq matchs en une se
maine lors de ce tour prélimi
naire, les handballeuses françai
ses n’auront guère le temps de
goûter aux sources chaudes de
Kikuchi ou aux racines de lotus
au piment, spécialités de Kuma
moto. « C’est un rythme de fou »,
fulmine le sélectionneur fran
çais, qui dénonce en outre un
traitement inéquitable avec
l’équipe du Danemark dans l’or
ganisation de la poule.
Les Scandinaves disputeront
tous leurs matchs à Kumamoto,
alors que les Bleues se rendront,
pour leurs quatre premières ren
contres, à Yamaga, à une heure de
transport. « Les organisateurs ont
mis l’équipe championne du
monde dans les pires conditions
pour être performantes, c’est un
crochepied à l’équipe de France »,
s’indigne le technicien français.
Les joueuses françaises pour
ront toujours se reposer sur leur
défense, grâce à laquelle elles ont
bâti leurs succès passés. Une for
teresse gardée par les taulières
Allison Pineau, Béatrice Edwige
ou encore Amandine Leynaud, la
gardienne et capitaine de
l’équipe de France.
Seule fissure dans l’édifice Bleu,
la blessure au genou gauche de
Laura Glauser – « une grosse
tuile », selon Krumbholz – oblige
le sélectionneur à lancer dans le
grand bain international une
quasinéophyte (Roxanne Frank
ou Catherine Gabriel) pour se
conder Amandine Leynaud sur le
poste. « Ce sera l’occasion pour
une jeune gardienne ambitieuse
de briller », veut croire le sélection
neur français.
D’autres « débutantes » auront
également l’occasion de se mon
trer, à commencer par Orlane
Kanor, l’artilleuse de l’équipe, et
les benjamines du groupe, la de
micentre Méline Nocandy (21 ans)
et la pivot Pauletta Foppa (19 ans),
chargées d’apporter de la puis
sance et de la vitesse en attaque.
La poule de tous les dangers
« On va faire confiance aux jeu
nes, elles ont du talent, il y a une
vraie richesse dans ce groupe », se
réjouit l’entraîneur des Bleues,
qui avoue n’avoir jamais ressenti
depuis 2007 une telle complé
mentarité entre les différentes
générations de joueuses. Aux
anciennes donc le soin de garder
la défense imperméable, aux
plus jeunes celui d’apporter le
danger en attaque. « C’est notre
capacité à faire l’amalgame entre
les jeunes et les anciennes qui
déterminera si l’on fait un grand
Mondial ou pas. »
Olivier Krumbholz n’a pas vrai
ment le choix, il devra s’appuyer
sur les seize joueuses retenues, et
pas seulement sur les titulaires.
« Dans ce type de compétition tel
lement exigeante, on ne finit pas
avec les mêmes que celles qui ont
commencé, on utilisera les possibi
lités de changement pour insuffler
du sang frais à un moment ou un
autre de la compétition. »
Au tour principal, les Françai
ses pourraient, si elles sortent de
cette poule B de tous les dangers,
croiser le fer avec les trois pre
miers de la poule A, composée
notamment de la Norvège,
des PaysBas – respectivement
deuxième et troisième du Mon
dial 2017. Pas franchement une
sinécure. Le moindre point
perdu en route et les Françaises
hypothéqueraient leurs chances
de rejoindre ensuite les
demifinales, objectif revendi
qué par Olivier Krumbholz.
Celui des joueuses, lui, est clair :
les Bleues sont à Kumamoto pour
conserver leur titre. Vainqueures
de leurs trois matchs de prépara
tion lors de la Japan Cup, une
semaine avant la compétition, les
joueuses ont hâte d’en découdre.
Pas question de faire l’impasse,
insiste Pauline Coatanea. « J’ai
envie de la médaille d’or, je ne
pense pas du tout aux JO », affirme
la jeune ailière droite.
Olivier Krumbholz, lui, y pense
au titre « suprême », et veut faire
du Mondial « une évaluation sur le
plan individuel et collectif pour les
Jeux olympiques ». Avant d’ajou
ter, réaliste, que « la meilleure
façon de préparer Tokyo et de
construire 2024, c’est d’être perfor
mant à Kumamoto ».
nicolas lepeltier
Le sélectionneur
français, dénonce
un traitement
inéquitable
par rapport
à l’équipe
du Danemark
Pauletta Foppa, la « météorite »
de l’équipe de France
Pivot des Bleues, la joueuse dispute à 18 ans son premier Mondial
L
e Mondial au Japon? Ça ne
m’inquiète pas. Par contre,
ce que je vais manger, oui :
je n’aime pas ce qui est cru! » Si
une chose caractérise Pauletta
Foppa, c’est qu’elle est nature. A
18 ans, pivot de l’équipe de France
féminine de handball, elle a été
retenue pour son premier Mon
dial, au Japon (du 30 novembre au
15 décembre), où les Bleues défen
dront leur titre.
Déjà plus jeune internationale
française à avoir pris part à une
grande compétition – c’était à
l’Euro, en décembre 2018, alors
qu’elle avait 17 ans et 11 mois –, la
jeune femme continue de battre
des records de précocité.
« Sa sélection est dans la logique
des choses, estime son entraîneur
à Brest, Laurent Bezeau. On l’avait
détectée quand elle jouait à Mon
targis [Loiret] : elle marquait déjà
beaucoup de buts. On voulait la
recruter, car c’est une joueuse très
puissante, une météorite. »
« Une bosseuse »
Née à Amilly (Loiret), Pauletta
Foppa débute dans un club voi
sin, à Montargis, avant d’intégrer
le Pôle espoirs féminin de la Li
gue CentreVal de Loire à Orléans,
où elle connaît ses premières sé
lections avec les équipes de
France jeunes. Le handball n’a
pourtant pas été une évidence, à
en croire l’intéressée.
Après avoir pratiqué le football
et le basket, Foppa teste la disci
pline sans grand succès. Jusqu’au
jour où elle est surclassée : « Avec
ma meilleure amie, on s’est retrou
vées en moins de quatorze ans, ra
contaitelle à la minovembre. Il y
avait des postes, c’était cadré, ça a
commencé à me plaire. » Dès lors,
Foppa et le hand, ça colle.
En 2017, elle signe à Fleury, en D
féminine. Et continue de briller
avec les Bleuettes : à l’Euro des
moins de 17 ans, où la France finit
4 e, elle est élue meilleure pivot.
« Elle est très douce et calme, mais,
sur le terrain, c’est une bombe
prête à exploser », résume Lau
rent Bezeau.
Après avoir obtenu son bac, elle
se tourne vers Brest, et signe son
premier contrat professionnel à
17 ans. « Elle peut sembler noncha
lante, mais c’est une bosseuse »,
complète Pauline Coatanea, sa
partenaire en club et en équipe
de France.
Pauletta Foppa est décontrac
tée, discrète, mais son talent tape
vite dans l’œil du sélectionneur
des Bleus Olivier Krumbholz : à
l’automne 2018, elle est retenue
pour la Golden League. Quelques
semaines plus tard, au mois de
décembre, elle est sélectionnée
pour l’Euro qui se déroule en
France. Même pour sa première
compétition internationale, la
novice est imperméable à la pres
sion : « Ce n’était que du plus pour
moi, alors je me suis dit, fais ce que
tu sais faire, faistoi plaisir et
montre pourquoi tu es là. »
Elle entre en jeu dès le
deuxième match des Bleues face à
la Slovénie. Pour son baptême du
feu, elle inscrit trois buts... sur
trois tirs (victoire des Bleues 30 à
21). Elle joue aussi face au Monté
négro, au Danemark et face à la
Russie en finale. L’équipe de
France s’impose 24 à 21 et rem
porte son premier titre européen.
« Ce qui est drôle, c’est qu’avant
chaque match, on crie toutes, on
s’encourage... sauf Pauletta !, ra
conte Pauline Coatanea. On la
force à le faire, mais elle le fait tou
jours “dans sa barbe”. Elle n’en a
pas besoin pour se motiver. »
Si sa présence sur la liste du
Mondial n’a pas surpris au sein
de son club, Foppa, elle, n’y
croyait pas : « J’étais mitigée sur
mes performances : en qualifica
tions, je n’avais pas joué contre
l’Islande ; en club, j’avais eu peu de
temps de jeu. Quand la Ligue des
champions a commencé, je fai
sais plutôt des bonnes choses
donc j’espérais être convoquée...
et ça a fonctionné. »
« Tout faire pour y rester »
Mais la nonsélection de son amie
et coéquipière à Brest Kalidiatou
Niakaté, présente lors des titres
des Bleues au Mondial 2017 et à
l’Euro 2018, lui a fait prendre
conscience que rien n’était ac
quis. « C’est super tout ce qui m’ar
rive, mais je peux sauter à tout
moment. C’est très bien d’entrer tôt
en équipe de France. Maintenant,
je dois tout faire pour y rester. »
Née le 22 décembre 2000, elle a
fêté sa majorité avec une médaille
d’or européenne. « Je l’ai accro
chée à côté de mon lit. Je la regarde
tous les jours... non, je plaisante! Je
me dis juste qu’il m’en faut d’autres
pour agrandir ma collection »,
disaitelle à quelques jours de
s’envoler pour le Japon.
Dans un scénario idéal, elle
pourrait célébrer son 19e anniver
saire avec une autre breloque
autour du cou, mondiale cette
fois.
chloé ripert
« Elle est très
douce et calme,
mais, sur le
terrain, c’est
une bombe prête
à exploser »
LAURENT BEZEAU
son entraîneur à Brest
« On est sur
une dynamique
positive,
on a toujours
aussi faim. Et
on sera l’équipe
à abattre »
ALLISON PINEAU
demi-centre
LE CONTEXTE
CALENDRIER
France - Corée du Sud : samedi
30 novembre à 18 heures
(10 heures en France), à Yamaga.
Brésil - France : dimanche
1 er décembre à 15 heures,
à Yamaga.
France - Australie : mardi
3 décembre à 19 heures,
à Yamaga.
Allemagne - France : mercredi
4 décembre à 19 heures,
à Yamaga.
France - Danemark : vendredi
6 décembre à 20 h 30,
à Kumamoto.
FORMAT
Les trois premières équipes au
classement de la poule B (celle
de la France) sont qualifiées
pour le tour principal, où elles
affrontent les trois premières de
la poule A, composée notam-
ment des Norvégiennes et des
Néerlandaises. Idem entre les
poules C et D. Seules les deux
premières équipes des deux
groupes du tour principal se
qualifient ensuite pour les demi-
finales.
Sous la direction deFlorenceAubenas,
grandreporterauMonde
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RÉUNISDANS UNCOFFRETANNIVERSAIRE.
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LA TERRE L’ARGENT LE PEUPLE L’ESPOIR
Sous la direction de Florence Aubenas,
grand reporter au Monde