Le Monde - 29.11.2019

(Martin Jones) #1

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FRANCE


VENDREDI 29 NOVEMBRE 2019

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Retraites : Philippe « prêt à discuter »


Mercredi, le premier ministre s’est dit ouvert à l’idée de repousser l’application de la réforme contestée


P


rendre à partie un jour,
apaiser le lendemain... A
huit jours de la mobili­
sation contre la réforme
des retraites, qui menace de blo­
quer tout ou une partie du pays,
l’exécutif cherche encore la
bonne stratégie à adopter pour ne
pas se fracasser sur le « mur du
5 décembre », pour reprendre une
expression en vogue dans les cou­
loirs du pouvoir.
Après les propos volontiers
musclés contre les « pleurni­
chards » – dixit le président (La
République en marche, LRM) de
l’Assemblée nationale, Richard
Ferrand – et les intérêts « corpo­
ratistes » qui ne veulent pas
d’une suppression des régimes
spéciaux – dixit la ministre des
solidarités et de la santé, Agnès
Buzyn –, l’heure est aux mots
plus doux.
Mercredi 27 novembre, le pre­
mier ministre, Edouard Philippe,
a résumé sa philosophie de la ré­
forme : « L’universalité, oui, la bru­
talité, non. » Comprendre : l’exé­
cutif est désormais prêt à arron­
dir les angles pour respecter la
promesse de campagne d’Emma­
nuel Macron.
Dans une allocution prononcée
à l’issue du conseil des ministres,
le chef du gouvernement a ainsi
tenu à remercier les organisations
syndicales, qu’il venait une nou­
velle fois de recevoir, lundi et
mardi. « Les échanges (...) ont été
très riches et d’une très grande qua­
lité », a­t­il loué, assurant que « le
dialogue se poursuit, il avance à
son rythme, contrairement à ce que
disent parfois ceux qui préfèrent
une logique de précipitation, voire
une logique de confrontation ».
« Nous prendrons le temps qu’il faut
pour y arriver », s’est­il engagé.
Mais le premier ministre ne s’est
pas contenté de passer la pom­
made. Edouard Philippe s’est
aussi dit ouvert à l’idée de repous­
ser la mise en place du nouveau
système. Jusqu’ici, la réforme de­
vait s’appliquer aux générations
nées après 1963, qui se trouveront

à cinq ans de la retraite en 2025,
date à laquelle le nouveau sys­
tème doit entrer vigueur.
« S’il faut que la réforme s’appli­
que à des personnes un peu plus
éloignées de la retraite que ce qui
était envisagé jusqu’ici, afin de
prendre en compte les choix indivi­
duels faits par nos concitoyens, je
suis prêt à en discuter avec les orga­
nisations syndicales », a indiqué le

chef du gouvernement. L’essentiel
à ses yeux étant de « trouver le bon
curseur » entre « deux extrêmes » :
une bascule à partir de la généra­
tion 1963, d’un côté, et l’adoption
de la « clause du grand­père », de
l’autre, qui réserverait le nouveau
système aux seuls nouveaux en­
trants sur le marché du travail.
Le premier ministre a aussi énu­
méré une liste de compromis pos­
sibles avec les organisations syn­
dicales, sur des sujets comme les
pensions de réversion, la pénibi­
lité, le cumul emploi­retraite ou
encore la prise en compte des pri­
mes dans le calcul des pensions
des fonctionnaires. La veille,
M. Philippe avait déjà manifesté
sa volonté d’ouverture vis­à­vis
des partenaires sociaux. « On as­
sume le temps long, celui de la con­
certation », avait­il lâché devant
les députés de la majorité, lors
d’une rencontre à huis clos. « On
ne peut pas faire du dialogue so­
cial sans apaiser, on ne va pas faire
du “SNCF bashing” si on veut que
ça marche. L’acte 2 du quinquen­
nat, c’est la concertation », expli­
que­t­on à Matignon.
Autant de compromis qui doi­
vent permettre d’amener la ré­
forme à bon port. « Nous ne transi­
gerons pas sur l’objectif (...), nous
allons mettre un terme aux régi­
mes spéciaux », a rappelé le loca­
taire de Matignon, mercredi, as­
surant qu’il s’agit là de « la consé­

quence mécanique de l’instaura­
tion d’un régime universel ».
Cette attitude est vue d’un bon
œil au sein de la majorité. « C’est
une excellente manière d’adresser
une main tendue aux nombreuses
organisations qui veulent une ré­
forme et souhaitent en discuter : la
CFDT, l’UNSA et la CFTC notam­
ment », estime le député (LRM) de
la Vienne, Sacha Houlié. « La mo­
bilisation du 5 décembre aura lieu
quoi qu’il en soit. Il ne s’agit pas
pour le premier ministre de présen­
ter des concessions mais bien de
confirmer, concrètement, que les
négociations et les discussions
sont porteuses de solutions »,
avance la députée (LRM) de Paris,
Laetitia Avia.

Urgence à rectifier le tir
Selon certains cadres de la majo­
rité, encore échaudés par les pro­
pos virils des derniers jours, il y
avait urgence à rectifier le tir. « Le
5 décembre ne sera pas une mobi­
lisation des régimes spéciaux con­
tre la réforme mais un mouve­
ment de mobilisation sociale plus
large, prévient ainsi un poids
lourd du groupe LRM à l’Assem­
blée nationale. On ne peut pas
avoir un discours consistant à dire
qu’il y aura des vainqueurs et des
vaincus de la réforme. Dans ces
cas­là, c’est souvent le gouverne­
ment qui est vaincu. »
Ce virage sur l’aile représente
l’énième épisode d’une séquence
illisible pour l’opinion, après des
semaines de propos contradic­
toires tant sur le fond – instaura­
tion ou non d’un âge pivot ou de
la « clause du grand­père » – que
sur la posture – fermeté ou
ouverture.
« L’exécutif est tombé dans les
travers d’une mauvaise commu­
nication en recourant à la logique
du ballon d’essai et en utilisant
des mots qui font peur, alors que
les retraites ne sont pas un jeu...
Cela a donné l’impression à beau­

coup de Français qu’ils allaient y
perdre », observe le sondeur Fré­
déric Dabi, directeur général ad­
joint de l’IFOP.
« Les polémiques autour des régi­
mes spéciaux et de la “clause du
grand­père” avaient failli nous
faire perdre le sens de la réforme : le
système des retraites actuel est in­
juste et à bout de souffle, fait valoir
le président du groupe MoDem à
l’Assemblée nationale, Patrick Mi­
gnola. On ne peut pas, en respon­
sabilité, contester l’obligation de le
modifier, mais on peut naturelle­
ment en discuter les modalités et
les délais pour s’adapter à la situa­
tion de chacun. »
Suffisant pour faire baisser la
pression? Le pouvoir se met en
tout cas en position de tenir face à
la mobilisation. « Le 5 décembre,
on passe dans un autre monde »,
prévient un conseiller ministé­
riel. Edouard Philippe réunira,
vendredi, à Matignon, les princi­
paux ministres du gouvernement
pour faire le point, secteur par
secteur, sur les mesures à prendre
afin d’éviter un blocage du pays.
« Le gouvernement mettra tout
en œuvre pour accompagner au
mieux les Français », a promis le
premier ministre. « Il faut organi­
ser les transports, l’approvisionne­
ment en médicaments, le maintien
de l’ordre, cela demande pas mal

de calages », énumère un proche.
Pour tenter de gagner la bataille
de l’opinion, les ministres sont
par ailleurs invités à « monter sur
le pont » et à saturer l’espace mé­
diatique à partir du 5 décembre.
Raison pour laquelle le premier
ministre, Edouard Philippe, tient
à réunir tout son gouvernement
en séminaire, dimanche, pour
« s’assurer que tout le monde a le
même niveau d’information ».

« Pas de crainte »
Aussi paradoxal que cela puisse
paraître, le pouvoir tente – en
même temps – de dédramatiser
la hauteur du mur qui se dresse
face à lui. « Il faut sortir de cette
peur de l’an mille. Il n’y a pas de
crainte, d’attente, de paralysie ou
d’enfermement », souffle­t­on ain­
si à l’Elysée, où l’on assure qu’« il y
a une vie après le 5 décembre ».
« L’emballement médiatique fait
son effet, mais l’essentiel n’est pas
là. Je ne crois pas à la convergence
des luttes », abonde d’ailleurs la
députée La République en mar­
che de Paris Olivia Grégoire.
De l’avis de chacun, l’essentiel
reste de trouver un chemin pour
mener à bout cette réforme sur
laquelle Emmanuel Macron et
Edouard Philippe ont investi une
bonne part de leur capital politi­
que. Le haut­commissaire à la ré­
forme des retraites, Jean­Paul De­
levoye, doit poursuivre les con­
certations jusqu’au 9 ou 10 dé­
cembre. Le premier ministre
présentera « dans les jours qui sui­
vront » les arbitrages sur le projet
de loi qui devrait être présenté en
début d’année, assure­t­on au
sein de l’exécutif. Comme le ré­
sume un conseiller gouverne­
mental, « dans tous les cas, ce qui
est important, c’est de passer la ré­
forme. Sur la méthode, c’est en­
core à voir... ».
olivier faye,
alexandre lemarié
et cédric pietralunga

Le premier ministre, Edouard Philippe, et la porte­parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, le 27 novembre, à l’Elysée. ALAIN JOCARD/REUTERS

ÉDOUARD PHILIPPE 


A DRESSÉ UNE LISTE DE 


COMPROMIS POSSIBLES, 


SUR DES SUJETS 


COMME LES PENSIONS 


DE RÉVERSION, 


LA PÉNIBILITÉ OU LE 


CUMUL EMPLOI­RETRAITE


R É F O R M E D E S R E T R A I T E S


POUR LE 5 DÉCEMBRE, 


« IL FAUT ORGANISER


LES TRANSPORTS, 


L’APPROVISIONNEMENT 


EN MÉDICAMENTS,


 LE MAINTIEN DE L’ORDRE, 


CELA DEMANDE PAS MAL DE 


CALAGE », DIT UN PROCHE 


DU PREMIER MINISTRE


Gestion du risque d’inondation
Dans le cadre du 2ecycle de la directive européenne relative à l’évaluation et
à la gestion des inondations et conformément à l’article L. 566-11 du Code de
l’environnement, pour chaque districthydrographique, les cartes des surfaces
inondables et les cartes des risques d’inondation des territoires à risque impor-
tant d’inondation mentionnés à l’article L. 566-5 du même code sont mises à
disposition du public afin de recueillir ses observations du 19 décembre 2019
au 19 juin 2020.
Ces documents sont consultables parvoie électronique et dans uneversion pa-
pier aux adresses suivantes :


APPEL D’OFFRES -AVIS D’ENQUETE


01.49.04.01.85 - [email protected]
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