Le Monde - 08.11.2019

(Sean Pound) #1
0123
VENDREDI 8 NOVEMBRE 2019 économie & entreprise| 15

La SNCF tente


d’apaiser


les cheminots


Les syndicats sont sortis déçus


d’une réunion sur les conditions


de travail dans la maintenance


E


teindre l’incendie. C’est
manifestement, sous l’ère
Farandou, la volonté de
la direction de la SNCF,
confrontée à une flambée sociale
depuis la mi­octobre. La poussée
de fièvre avait commencé par un
arrêt de travail surprise, consé­
quence d’un accident de TER dans
les Ardennes, le 16 octobre, avant
d’être suivie par des débrayages
dans des centres de maintenance
TGV de la région parisienne. Des
arrêts de travail affectent, en effet,
depuis vendredi 1er novembre le
technicentre des TGV Nord, Tha­
lys et Eurostar, au Landy à Saint­
Denis (Seine­Saint­Denis), succé­
dant à une grève menée ces deux
dernières semaines dans celui des
TGV Atlantique à Châtillon
(Hauts­de­Seine), rendant difficile
la mise à disposition des trains
pour les voyageurs.

Mercredi 6 novembre, Rachel Pi­
card, directrice générale de Voya­
ges SNCF (TGV et trains intercités),
a tenu une première table ronde
avec les quatre organisations syn­
dicales représentatives de la SNCF
(CGT, UNSA, SUD et CFDT) sur les
rémunérations et conditions de
travail dans les centres de mainte­
nance des TGV. La réunion a dé­
bouché sur une première salve de
propositions qui ont laissé les
syndicalistes sur leur faim.
Concernant la rémunération,
première des revendications des
3 500 agents des technicentres de
Voyages SNCF, la direction a, lors
de la concertation, proposé... une
autre concertation. La nouvelle
réunion serait élargie à l’ensem­
ble des centres de maintenance
de SNCF Mobilités (35 établisse­
ments et 22 000 agents) et se
tiendrait sous les dix jours. Ce

sursis a provoqué la colère de la
CGT et de SUD qui ont quitté la
réunion avant la fin. « La copie est
à revoir », a estimé Florent Mon­
teilhet, secrétaire général adjoint
de l’UNSA­Ferroviaire.
Mme Picard a également mis sur
la table des primes individuelles
de performance et un double­
ment des embauches dans les
technicentres TGV (300 contre
140 en 2018). Mais, là encore, les
syndicats estiment qu’il y a en­
tourloupe. « On a enregistré
100 démissions dans les centres de
maintenance en 2019, rappelle
M. Monteilhet. L’effort vanté par
la direction n’est pas aussi specta­
culaire qu’elle veut bien le dire. »

Malaise général
Enfin la direction s’engage à fi­
nancer pour 15 millions d’euros
des travaux sur deux ans (réfec­
tion des locaux, nouvelles salles
de pause, outillages modernisés)
destinés à améliorer les condi­
tions de travail de centres parfois
vieillissants. « Nous avons cons­
cience des difficultés auxquelles
doivent faire face les agents de la
maintenance, explique Rachel Pi­
card. Le technicentre est le premier
maillon de la ponctualité – un TGV
qui sort en retard du centre a tou­
tes les chances de ne pas partir à
l’heure – et le cœur industriel de

notre stratégie d’augmentation de
l’offre TGV. Mais la conséquence,
c’est la pression sur les tâches des
agents, la généralisation du tra­
vail de nuit. D’où cette démarche
de concertation que nous aurions
peut­être dû prévoir plus tôt. »
Même si elle bat sa coulpe, la di­
rection rappelle qu’une revalori­
sation des plus petits salaires de
l’entreprise (pour un total de
7 millions d’euros) a eu lieu au dé­
but de 2019 et que des primes de
nuit ont été mises en place. Mais,
il est peu probable que l’argu­
ment sera audible. « Je vous rap­
pelle que vous avez des gars qui
font les trois huit pour 1700­
1800 euros par mois après quinze
ans de carrière, souligne Anasse
Kazib, délégué syndical SUD­Rail

Dans les
technicentres,
petites usines
ferroviaires,
une inquiétude
monte : passer
sous l’aile
des fabricants
de trains

à Paris­Nord. On sent le mouve­
ment s’étendre. Il y a eu des dé­
brayages dans des centres de
maintenance à Metz, à Villeneuve­
Saint­Georges, à Lyon. »
Dans ces véritables petites usi­
nes ferroviaires que sont les tech­
nicentres, une inquiétude mon­
te : passer sous l’aile des fabri­
cants de trains (Alstom,
Bombardier ou CAF) qui se subs­
titueraient à la SNCF pour main­
tenir les trains. « La colère va au­
delà des métiers du matériel,
ajoute M. Kazib. Elle touche les
agents les plus mal rémunérés de
l’entreprise. Dans l’activité d’entre­
tien des voies, vous avez eu 50 dé­
missions cette année. »
Le malaise des cheminots paraît
général. Une grève – une nouvelle!


  • de contrôleurs des TGV Paris­
    Strasbourg cette fois, devrait affec­
    ter vendredi 8 novembre la circu­
    lation sur cet axe. La direction a re­
    vêtu son costume de pompier
    social. Est­ce l’effet de l’arrivée de
    Jean­Pierre Farandou à la tête du
    groupe depuis le 1er novembre?
    Plusieurs délégués syndicaux ont
    noté que, jusqu’ici, Mme Picard
    n’avait pas été une directrice systé­
    matiquement présente lors des
    négociations. « A mon avis, Faran­
    dou lui a demandé d’aller au char­
    bon », dit l’un d’eux.
    éric béziat


Les PDG du CAC 40


ont gagné en moyenne


277 fois le smic en 2018


D’après le cabinet Proxinvest, la rémunération
des plus grands patrons a progressé de 12 %

I


l y a les très pauvres et les très
riches. Au moment où le Se­
cours catholique publiait un
rapport annuel confirmant une
hausse de la pauvreté en France
en 2018, déjà soulignée par l’Insee,
Proxinvest révélait, mercredi
6 novembre, une progression de
12 % de la rémunération des pa­
trons du CAC 40. Elle a atteint, en
moyenne, 5,77 millions d’euros
l’an dernier, soit 277 fois le smic
ou 152 fois le salaire brut moyen
des Français. Un niveau sans pré­
cédent depuis 2003, selon le cabi­
net de conseil aux actionnaires.
Les dirigeants du CAC 40 ga­
gnent aussi 90 fois le salaire de
leurs employés (contre 73 fois
en 2014). Ce ratio dit « d’équité »
est d’autant plus intéressant que
la loi Pacte, votée au printemps,
impose aux entreprises la publi­
cation des écarts d’évolution sala­
riale des dirigeants par rapport à
celle de leurs équipes. Or, la pro­
gression de la rémunération de
ces dirigeants est « trois fois plus
rapide que celle des salariés », a
souligné Loïc Dessaint, directeur
général de Proxinvest, lors de la
présentation de ce rapport.

« Dérive »
Le cabinet conclut une fois de
plus à « une absence de justifica­
tion de l’ampleur des hausses, tant
sur plan de la performance action­
nariale que de la cohésion so­
ciale ». Dix ans après la crise fi­
nancière de 2008, ces revenus (sa­
laire fixe, part variable, actions
gratuites, jetons, avantages en na­
ture...) marquent « un nouveau re­
cord » dans un pays qui n’est pas le
plus inégalitaire parmi les na­
tions développées, mais où la
crise des « gilets jaunes » a révélé
une forte aspiration à une réparti­
tion plus juste des richesses.
Cette « dérive » de l’année 2018
s’explique d’abord par les hausses
du top 4 des patrons les mieux
payés. Car la rémunération
moyenne des PDG ou directeurs

généraux des 120 plus grosses
« boîtes » cotées (SBF 120) est, elle,
en baisse de 4 % (à 3,6 millions
d’euros). Bernard Charlès, direc­
teur général de Dassault Systèmes
(logiciels de conception), a brouillé
les cartes : son entreprise a intégré
le CAC 40 en 2018 et c’est le diri­
geant le mieux payé de France avec
33,1 millions, un montant qui s’ex­
plique pour l’essentiel par la valo­
risation des 30 millions d’euros
d’actions gratuites dites « de per­
formance » qu’il possède. Même
avec le chiffre de l’entreprise
(22,9 millions), un peu moins opti­
miste que Proxinvest sur la capa­
cité du dirigeant à atteindre tous
ses objectifs, il caracole en tête.
François­Henri Pinault, PDG de
Kering, occupe la deuxième place
avec 17,3 millions (la société retient
le chiffre de 12,2 millions), en y in­
tégrant la société d’investissement
familiale Artemis. Poursuivi par la
justice japonaise, Carlos Ghosn,
ex­numéro un de Renault­Nissan,
a gagné 14,3 millions l’an dernier,
même s’il a été privé d’actions gra­
tuites et de retraite. Patron omni­
potent fixant lui­même sa rému­
nération, il l’avait gonflée de
137,5 % chez Nissan (13,3 millions).
La moins justifiée est celle du
PDG du groupe parapétrolier
franco­américain TechnipFMC.
Douglas Pferdehirt arrive qua­
trième (11,7 millions), « alors que la
société affiche des pertes nettes de
1,7 milliard et une baisse de 16 % de
son chiffre d’affaires ». Et même de
61 % de son cours de Bourse de­
puis la fusion de 2017, quand Tech­
nip, le fleuron français des grands
projets parapétroliers, a été ab­
sorbé, avec l’aval de l’Etat, par
FMC, le petit groupe de Houston
(Texas). Enfin, le PDG de L’Oréal
ferme le quinté de tête avec
9,5 millions (− 0,5 %). Jean­Paul
Agon reste le dirigeant qui bénéfi­
cie de la rente de retraite (1,57 mil­
lion) et du salaire fixe (2,2 mil­
lions) les plus élevés du CAC 40.
jean­michel bezat

P R I V AT I S AT I O N
La Française des jeux
valorisée entre 3,15 et
3,8 milliards d’euros
La cession de 52 % du capital
de la Française des jeux par
l’Etat valorise l’entreprise en­
tre 3,15 et 3,8 milliards d’euros,
a indiqué, jeudi 7 novembre,
sa PDG, Stéphane Pallez, sur
BFM­Business. L’entrée en
Bourse est prévue le 21 no­
vembre, et le prix de l’action
est entre 16,50 et 19,90 euros.

I N F O R M AT I Q U E
Xerox veut racheter HP
HP a indiqué, mercredi 6 no­
vembre, avoir reçu une offre
de rachat de la part de Xerox
mais n’a pas encore donné de
réponse. La transaction serait
estimée à 27 milliards de dol­
lars (24,5 milliards d’euros).

A R TS
Record de collecte de
droits mondiaux en 2018
La Confédération internatio­
nale des sociétés d’auteurs et
compositeurs (Cisac) a an­
noncé, jeudi 7 novembre, que
les droits collectés à l’échelle
mondiale pour les créateurs
ont atteint un record de
9,65 milliards d’euros
en 2018 (+ 0,9 %).

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