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Vendredi 8 novembre 2019
C’est d’actualité|
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Le phénomène de librairie a reçu le Renaudot pour sa « Panthère des neiges »
A l’affût du succès de Sylvain Tesson
Sylvain Tesson, à Paris, en juin 2017. ÉRIC GARAULT/PASCO
nicole vulser
L’
affût comme pari et aventure in
térieure. Attendre sans bruit, par
- 30 degrés, l’hypothétique ve
nue d’un animal mythique ca
ché sur les plateaux du Tibet constitue la
trame du dernier récit de Sylvain Tesson,
La Panthère des neiges, publié chez Galli
mard (166 pages, 18 euros). Lauréat sur
prise du prix Renaudot (il n’était pas dans
la sélection), sorti en librairie le 10 octo
bre, cet ouvrage rappelle la traque du capi
taine Achab dans Moby Dick, à ceci près
que le héros veut photographier et non
harponner l’animal. Ce récit d’une
« bande des quatre » – un photographe
animalier, son amoureuse, un philo
sophe et l’auteur – magnifie l’attention à
la nature, l’espérance, la fugacité de
l’émerveillement. Autant de valeurs que
Sylvain Tesson remet à l’honneur, lui qui
cherche inexorablement à échapper aux
développements du progrès, qu’il juge
pervers. « Les animaux incarnent la
volupté, la liberté, l’autonomie : ce à quoi
nous avons renoncé », écritil.
Il fait désormais partie des auteurs qui
agrègent de nouveaux aficionados au fil
de leurs productions. Aujourd’hui, il a
immédiatement « beaucoup de succès »,
assure JeanCharles Grunstein, directeur
commercial de la branche littérature de
Gallimard. Mis en place en librairies à
90 000 exemplaires, La Panthère des
neiges a connu cinq retirages, dont le
dernier, suite au Renaudot, lui fait déjà
totaliser 330 000 exemplaires. Sur les
chemins noirs (2016) et Dans les forêts
de Sibérie (2011) s’étaient déjà respecti
vement écoulés, en grand format, à
230 000 et 250 000 exemplaires. Ami
d’Olivier Frébourg, Sylvain Tesson publie
aussi de nombreux textes aux éditions
des Equateurs, que celuici dirige. Dans
Un été avec Homère (2018), coédité avec
France Inter, les sirènes malfaisantes qui
tentaient Ulysse sont comparées aux
GAFA (les « géants du Web » : Google,
Apple, Facebook et Amazon). L’Iliade et
l’Odyssée revisitées culminent à plus de
180 000 exemplaires.
L’auteur parti se cacher dans les sentiers
oubliés entre le mont Ventoux et le Coten
Maurice Genevoix, fidèle portevoix des poilus
Pour la première fois, cet infatigable témoin du front de 19141918 est raconté, par Aurélie Luneau et Jacques Tassin
macha séry
D’
une guerre l’autre.
« La prison, l’asile de
fous, l’exil » : dès le
mois de mai 1941,
Maurice Genevoix (18901980),
rescapé de 19141918, n’envisage
pas d’autres perspectives pour les
Français patriotes. Bientôt il
observe que « l’infection “totali
taire” » a gagné le pays. « Jamais,
commentetil, nous n’aurions
assisté (...) à une galopade aussi
frénétique vers la barbarie la plus
certaine et la plus caractérisée, si
le terrain n’eût été préparé, la
réceptivité à la contagion déjà
acquise. » Ces Notes des temps
humiliés, soit 40 pages inédites
jusquelà, figurent à la fin de la
remarquable biographie que
publient Aurélie Luneau et
Jacques Tassin, la toute première
consacrée à l’écrivain (Maurice
Genevoix. Biographie, Flamma
rion, 306 pages, 24,90 euros).
De son enfance sur les bords de
Loire, marquée par la mort de sa
mère et les rigueurs du pension
nat, au secrétariat perpétuel
de l’Académie française, dont il
se démettra afin de s’adonner
davantage à la littérature, leur
ouvrage éclaire le parcours du
souslieutenant des Eparges
(Meuse), dont la panthéonisa
tion, initialement prévue cette
année, a été reportée au 11 no
vembre 2020 afin de coupler
le transfert de ses cendres avec le
centenaire de l’inhumation du
Soldat inconnu.
Communauté de destin
Impulsé par la fille de l’écrivain,
la journaliste Sylvie Genevoix
(19442012), et par le second mari
de celleci, l’économiste Bernard
Maris (19462015), auteur de
L’Homme dans la guerre. Maurice
Genevoix face à Ernst Jünger
(Grasset, 2013), ce projet de consé
cration est poursuivi par le petit
fils de l’écrivain, Julien Larere
Genevoix, aujourd’hui gardien
des archives et de la maison
familiale des Vernelles (Sarthe).
Tirons profit de ce délai
pour découvrir ou relire l’œuvre
féconde de cet écrivain qui fut
le plus fidèle porteparole des
poilus. Car c’est pour tous « Ceux
de 14 », selon le titre du cycle
consacré à ses frères d’armes
disparus, qui regroupe ses cinq
récits sur la Grande Guerre,
publiés entre avril 1916 et sep
tembre 1923 (Flammarion),
qu’écrivait l’excommandant de
la 5e compagnie du 106e régiment
d’infanterie.
Des récits sublimes autant que
tragiques, caractérisés par la
vivacité des dialogues et la
variété des dialectes qu’il a su
capter sur le front, entre horreur
et grandeur. Grièvement blessé
le 25 avril 1915, Maurice Gene
voix restera hospitalisé pendant
sept mois, puis reprendra ses no
tes pour témoigner de la com
munauté de destin des soldats
engagés dans les tranchées.
Signalons que La Table ronde
réédite dans la collection « La Pe
tite Vermillon » Trente Mille jours
(346 pages, 8,90 euros), mémoi
res rêveurs de l’écrivain, et Pour
Genevoix (224 pages, 16,25 euros),
un vibrant message d’amour
qu’adresse Michel Bernard au
vétéran comme au conteur de la
nature, toujours capable d’émer
veillement. « Pour l’homme que
j’ai été, écrivait Maurice Gene
voix, chaque fois qu’il l’a fallu,
c’est la mort qui, soulevant le
voile, a ramené son cœur et ses
yeux vers la vie. »
tin dans Sur les chemins noirs est devenu la
coqueluche des médias. « On est obligé de
freiner... », expliqueton chez Gallimard.
La promotion de son dernier ouvrage a
tout d’un marathon. Son autodérision fait
mouche. Ses aventures, sa recherche d’un
ailleurs rousseauiste fascinent. Quitte à
être qualifié de néoréactionnaire. Les dé
clarations à l’emportepièce de cet ancien
chroniqueur de Radio Courtoisie ont par
fois dérouté. Il peut s’avouer ouvertement
proPoutine et déclarer au Figaro Maga
zine : « L’islam modéré (...) est un oxymore. »
Pour Olivier Frébourg, le succès crois
sant de Sylvain Tesson vient de son
constant renouvellement : « Il ne ressasse
jamais la même histoire. Son registre reste
extrêmement littéraire, mais il s’essaye à
tous les genres, les nouvelles, les aphoris
mes, la fiction... » Si on lui parle de « phé
nomène », Tesson corrige immédiate
ment. Au mieux, il veut bien parler
« d’une faveur éphémère des libraires ».
Comment expliquer l’engouement
pour cet auteur à contrecourant qui,
depuis vingt ans, parcourt la planète, de
Valparaiso à Samarcande, en quête de
lieux dont les noms servent à rêver? Il est
luimême devenu un personnage roma
nesque, un aventurier, un cassecou.
Celui qui escaladait des cathédrales avec
une bande de copains est tombé acciden
tellement du haut d’une maison. A
42 ans, le corps fracassé, il se retrouve blo
qué dans un lit d’hôpital. Pour sa rééduca
tion, il grimpe chaque jour les 450 mar
ches de l’escalier de NotreDame de Paris.
Affligé d’une paralysie faciale, il écrit dans
NotreDame de Paris. O reine de douleur
(Equateurs, 94 pages, 7 euros) que les gar
gouilles le « consolaient de la disgrâce ».
Aux antipodes de la société de consom
mation, Sylvain Tesson célèbre l’intros
pection, la lenteur, la joie de la nature.
Un thème pile dans l’air du temps. Pour
ce géographe de formation, l’écologie
- comme mode de vie et non comme
étendard politique – devient le seul
combat face à l’enlaidissement du
monde. Au sens large, puisqu’il fustige
aussi bien les trottinettes qui envahis
sent les trottoirs parisiens que le rêve
universaliste d’Internet. Lui propose un
manuel de résistance à notre époque,
un bréviaire de vie quotidienne.
Sylvain Tesson voit d’ailleurs « comme
point commun » avec ses lecteurs « un
désarroi, une méfiance visàvis d’une
proposition globale de managérisation
débile du monde ». Mais ce qui l’inté
resse, c’est surtout la typologie variée
de ses fidèles lors de ses signatures :
« Un colonel de la Légion étrangère, un
jeune végan, une catholique ardente
qui semble appeler le bûcher, un punk,
un marlou... »
Pour ce géographe de
formation, l’écologie
devient le seul combat
face à l’enlaidissement
1517 novembre : Fête
du livre du Var, à Toulon
La 22e édition de la Fête du livre
du Var, dont « Le Monde des
livres » est partenaire, se tiendra,
comme chaque année, place
d’Armes, à Toulon. Organisée
par le département du Var, elle
sera présidée par l’auteur
de thrillers à succès Maxime
Chattam, qui s’entretiendra avec
notre rédaction, le vendredi 15,
de 20 heures à 21 heures.
D’autres interviews au long
cours sont prévues, notamment
avec l’écrivain américain de
polars Craig Johnson (samedi 16,
à 14 h 45, rencontre animée par
« Le Monde des livres ») ainsi
qu’avec les romanciers français
Didier van Cauwelaert (samedi,
16 h 15), Gilles Legardinier (ven
dredi, 17 h 45) ou JeanMarie
Rouart (dimanche 17, à 15 h 15).
Boris Cyrulnik et Philippe
Brenot débattront du couple
(vendredi 15, 17 h 3018 h 30),
Alexandra Koszelyk, Lenka
HornakovaCivade et Irina
Teodorescu, de l’est de l’Europe
(samedi, 14 h 4515 h 30) ; Sylvain
Prudhomme, Joël Baqué et René
Frégni s’interrogeront sur
« L’écrivain dans le roman, le
double de l’écrivain? » (diman
che, 17 heures). Il sera également
question du centenaire du prix
Goncourt décerné à Marcel
Proust lors d’une table ronde
(samedi, 16 h 15) où intervien
dront Thierry Laget, Luc Fraisse
et Stéphane Heuet. Dominique
Sigaud, Zineb Dryef, Mathieu
Deslandes et Quentin Zuttion
discuteront des violences faites
aux femmes (dimanche, 14 h 15).
Il sera encore question des
femmes, plus précisément
des grands destins de quelques
unes d’entre elles lors d’une
table ronde à laquelle prendront
part Brigitte Benkemoun, Char
les Berberian, Isabelle Duques
noy et Dominique de Saint Pern
(dimanche, 11 h 30).
Une autre rencontre entre
Geneviève Brisac et Eric Dussert
(dimanche, 15 heures) permettra
d’évoquer des femmes de lettres
oubliées. Enfin, Emmanuelle
Favier, JeanNoël Liaut et Marie
Hélène Baylac étudieront ces
figures mythiques de la littéra
ture que sont les Anglaises
Virginia Woolf, Agatha Christie
et Nancy Mitford (dimanche,
16 heures). Des « duos d’écri
vains » réuniront Emma Becker
et Albane Linÿer autour du
thème des « Désirs libres »
(samedi, 15 h 30) et Dominique
Barbéris et Christine Desrous
seaux sur celui des « Révélations
troubles » (samedi, 16 heures).
Parmi les 300 autres auteurs
invités figurent Yannick Gran
nec, Karine Giebel, Alexis Jenni,
Franck Pavloff, Lionel Duroy (qui
sera l’invité d’une « apostrophe
littéraire » par vingt lecteurs
samedi, 16 heures17 heures),
Emmanuelle BayamackTam,
Julien DufresneLamy ou
Margot FriedFilliozat.
Les trois jours de la manifesta
tion seront ponctués de master
class (Claire Marin, Brigitte Gi
raud) à destination des lycéens.
A noter aussi que seront dévoi
lés les trois lauréats (littérature
généraliste, littérature jeunesse
pour les 68 ans et bande dessi
née) du Prix des lecteurs du Var.
var.fr/culture
AGENDA
É C L A I R A G E
B I O G R A P H I E
Connelly en série
Michael Connelly est décidément un auteur prolifi-
que. L’an prochain, il délaissera Harry Bosch, dont
il vient, outre-Atlantique, de publier la 23e enquête
(The Night Fire), dans laquelle le célèbre policier est
associé à la nouvelle héroïne récurrente de l’auteur,
la détective du LAPD Renée Ballard, pour redonner
vie au journaliste Jack McEvoy, apparu dans Le Poète
et L’Epouvantail. Alors que Bosch, la série télévisée
d’Amazon prime, adaptée de ses livres, en est à sa
cinquième saison, une seconde est en préparation
pour CBS, The Lincoln Lawyer, centrée sur l’avocat
Mickey Haller. Connelly a vendu plus de 74 millions
de livres dans le monde, traduits en 40 langues.
Chère Europe »
Une dizaine d’écrivains britanniques ont pris la plume dans les
colonnes et sur le site du Guardian pour adresser, chacun, une lettre
d’amour à l’Europe alors que se poursuivent les négociations sur le
Brexit. « Ceux d’entre nous qui savent exactement à quel point cette
perte est profonde éprouvent un sentiment de deuil par procuration,
en plus de notre propre consternation face à la menace de rupture des
liens anciens », a déploré J. K. Rowling, l’une des épistolières avec Neil
Gaiman, Alan Hollinghurst, Michel Faber et Mary Beard. Quatre autres
romanciers anglais – Lee Child, Ken Follett, Kate Mosse et Jojo
Moyes – vont parcourir les grandes capitales européennes dans
le cadre de leur « Friendship tour » pour réaffirmer leurs attaches
avec le Vieux Continent. Ils débattront en public à Sciences Po,
Paris 7e, le lundi 25 novembre.
Roulez jeunesse
Une nouvelle collection d’albums pour
enfants, « Une histoire et Oli... », coéditée
par France Inter et Michel Lafon, vient de
voir le jour. Quatre titres sont parus, Olga,
le canard et le petit garçon battu, de
Geneviève Brisac et Lætitia Le Saux,
Les Bonnes Résolutions du Père Noël, de
François Morel et Lili la Baleine, Nadine
et Robert, les poissons rouges, de Delphine
de Vigan et Sess, et Invisible Max, de Zep
(12,95 euros chacun). Des histoires à lire et
à écouter, racontées par leurs auteurs, en
scannant un QR code en fin de volume.
Salon des indépendants
Deux fois par an désormais, au printemps et à
l’automne, les éditeurs indépendants (plus ou moins
petits, plus ou moins diffusés en librairie) tiennent
salon, sous l’égide de l’association L’Autre livre, fon-
dée en 2002. L’édition automnale 2019 se tiendra du
8 au 11 novembre, à la Halle des Blancs-Manteaux,
Paris 4e. D’Al Manar à Zinnia, en passant par Bleu
autour, Chandeigne, Le Chat polaire, Otrante, Claire
Paulhan, Place, Le Sandre, Serge Safran ou Le Ver
à soie, 135 maisons d’édition y présenteront leur
catalogue. Renseignements : lautrelivre.fr