10 |france VENDREDI 15 NOVEMBRE 2019
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Coup d’arrêt à la baisse du chômage
Le taux de chômage s’est accru de 0,1 point au troisième trimestre, passant de 8,5 % à 8,6 %
I
l s’agit d’une légère disso
nance dans le concert de bon
nes nouvelles qui, jusqu’à pré
sent, tombaient sur le front de
l’emploi. Selon les données diffu
sées jeudi 14 novembre par l’Insee,
le taux de chômage s’est accru de
0,1 point au troisième trimestre
pour passer de 8,5 % à 8,6 % de la
population active sur l’ensemble
du territoire (outremer compris,
mais sans Mayotte). « C’est une pe
tite surprise, car nous avions anti
cipé, dans notre dernière note de
conjoncture, une poursuite de la di
minution pour la période allant de
début juillet à fin septembre, com
mente Sylvain Larrieu, chef de la
division synthèse et conjoncture
du marché du travail à l’Insee.
Mais nous l’interprétons comme
une quasistabilité, car le nombre
de chômeurs a progressé de seule
ment 10 000. Ce n’est pas un retour
nement. » A ses yeux, la tendance à
la baisse, enclenchée depuis la mi
2015 de façon presque ininterrom
pue, se maintient, sur un rythme
d’environ 0,5 point par an. Les chif
fres rendus publics jeudi doivent
d’autant plus être relativisés, selon
M. Larrieu, qu’ils comportent un
petit aléa statistique, lié au fait que
le taux de chômage est calculé à
partir d’une enquête auprès d’un
échantillon représentatif de près
de 100 000 personnes.
Une analyse partagée par Bruno
Ducoudré, de l’Observatoire fran
çais des conjonctures économi
ques. « Les dernières données de
l’Insee vont un peu à contrecou
rant de la situation de l’emploi, qui
s’avère relativement bonne », affir
metil. Au troisième trimestre, les
effectifs dans le secteur privé ont
progressé d’un peu plus de 54 000.
Sur un an, l’évolution est encore
plus nette : + 1,4 %, grâce à quelque
263 200 créations net de postes, ce
qui, dans l’absolu, « est suffisant
pour faire reculer le nombre de per
sonnes à la recherche d’une acti
vité », ajoute M. Ducoudré. « Cha
que année, depuis 2015, le taux de
chômage a rebondi sur un trimes
tre, sans que cela ne stoppe le re
flux. Pour le moment, nous ne som
mes pas confrontés à une inversion
de ce mouvement. »
Objectif gouvernemental
Il n’en demeure pas moins que le
coup d’arrêt constaté par l’Insee,
entre début juillet et fin septem
bre, ternit la communication du
gouvernement sur les perfor
mances de sa politique économi
que. L’objectif d’Emmanuel Ma
cron d’un taux de chômage de 7 %
à la fin de son mandat s’annonce,
plus que jamais, difficile à tenir.
A l’heure actuelle, il y a près de
2,53 millions de chômeurs, au sens
du Bureau international du travail
qui fait foi pour l’Insee. Un chiffre
bien moins élevé que celui issu des
fichiers de Pôle emploi : au troi
sième trimestre, quelque 3,62 mil
lions d’individus sans aucune acti
vité s’étaient signalés auprès de
l’opérateur public. L’écart entre
ces deux mesures, qui existe de
puis plusieurs années, tient au fait
que les méthodes et définitions re
tenues ne sont pas les mêmes. Des
approches différentes qui peuvent
aussi expliquer que les données de
Pôle emploi soient orientées à la
baisse entre juillet et septembre,
contrairement à celles de l’Insee.
bertrand bissuel
Macron face à la colère étudiante
Les mobilisations dans les universités, après qu’un jeune homme
s’est immolé, le 8 novembre, poussent l’exécutif à jouer l’apaisement
O
pération déminage.
Au lendemain d’une
journée d’actions dans
plusieurs universités,
après qu’un étudiant lyonnais
s’est immolé par le feu en interpel
lant les pouvoirs publics sur la
précarité, le gouvernement s’est
efforcé de jouer l’apaisement,
mercredi 13 novembre.
Au sein de l’exécutif, consigne a
été passée de faire preuve de rete
nue. Lors du conseil des ministres,
Emmanuel Macron a qualifié de
« geste tragique » la tentative de
suicide du jeune homme de 22 ans
et exprimé « empathie » et « com
passion » pour sa famille. Il a
également demandé à ses minis
tres de s’assurer que la victime,
Anas K., toujours hospitalisée
entre la vie et la mort, bénéficie du
« meilleur accompagnement possi
ble ». Le gouvernement « a pris
toute la mesure de ce drame », a
assuré sa porteparole, Sibeth
Ndiaye, à l’issue du conseil.
« Climat délétère dans le pays »
Manifestement soucieux de pré
venir un enlisement de la situa
tion, le chef de l’Etat a demandé à
ses troupes de faire preuve de « la
plus grande vigilance ». Pas ques
tion de risquer une fronde géné
rale de la jeunesse, dans un
contexte social déjà extrêmement
tendu. Entre les milliers de soi
gnants, qui ont prévu de manifes
ter, jeudi 14 novembre, pour récla
mer des actions et des moyens
pour « sauver l’hôpital public », les
« gilets jaunes », qui entendent
défiler deux jours plus tard, et la
perspective d’une grève d’am
pleur contre la réforme des retrai
tes, à partir du 5 décembre, le ris
que d’une convergence des mobi
lisations existe.
Un scénario noir, qui suscite
une réelle inquiétude au sommet
de l’Etat et au sein de la majorité.
« Le président de la République et
le premier ministre suivent les cho
ses de près », assure l’entourage de
M. Macron. « Le problème avec les
étudiants, c’est qu’on sait quand ça
démarre, mais jamais quand et
comment cela finit, soupire un dé
puté La République en marche
(LRM). Il faut donc être très vigi
lant. Il n’y a pas d’autre option que
d’apaiser. » Dans le groupe majo
ritaire à l’Assemblée, plusieurs
élus se disent effrayés par « le cli
mat délétère dans le pays ». « On
est plusieurs à se dire : “Il ne man
quait plus que les jeunes...” », té
moigne l’un d’eux.
Au sein du gouvernement, cer
tains tentent de se rassurer, en
soulignant que, « pour l’instant, il
n’existe pas un mouvement de
masse des étudiants ». « Le blocage
ne concerne qu’une seule fac », mi
nimise un ministre. Cela
concerne l’université LyonII, où
étudiait le jeune homme qui s’est
immolé, fermée depuis mercredi
en raison de blocages menés par
des étudiants. La veille, des inci
dents et des dégradations ont
toutefois eu lieu en marge des ras
semblements tenus dans la jour
née dans une quarantaine de vil
les en hommage à Anas K. et pour
dénoncer la précarité étudiante.
Cette même précarité que le
jeune homme a luimême racon
tée, dans un post sur Facebook,
avant sa tentative de suicide.
Mardi, une grille d’entrée du mi
nistère de l’enseignement supé
rieur a été arrachée, des cours ont
été perturbés sur des campus de
Paris, Lyon et Lille, où 300 à
400 personnes ont pénétré dans
la faculté de droit et empêché
l’ancien président de la Républi
que, François Hollande, de tenir
une conférence. Certains ont éga
lement déchiré les pages de son
dernier livre. Une éruption de co
lère qui donne des sueurs froides
à certains élus macronistes. « Le
risque que cela s’agrège sur la ma
nifestation du 5 décembre est réel,
redoute l’un d’eux. Les syndicats
étudiants ne semblent pas capa
bles de structurer à eux seuls une
manifestation d’ampleur, mais le
danger, c’est que des étudiants re
joignent de manière spontanée les
cortèges de la SNCF ou de la RATP. »
« A ce stade, il n’y a pas de vrai
risque de coagulation, car toutes
les revendications sont catégoriel
les », tempère un autre. Avant de
s’interroger : « Quelle serait la re
vendication unitaire? »
Pas de deux
« Rien ne peut justifier les violen
ces », s’est émue mercredi la
porteparole du gouvernement, à
l’unisson de nombreux responsa
bles politiques, en appelant à « re
fuser toute instrumentalisation
politique » sur ce sujet. Un pas de
deux, théorisé à Matignon. « On
doit à la fois trouver les mots justes
pour répondre à une sincère émo
tion et à de sincères préoccupa
tions. Et, en même temps, ne pas
laisser passer l’inacceptable : refus
du débat dans les facs, violences,
injures à la République », résume
l’entourage du premier ministre,
Edouard Philippe.
Sauf qu’à trop vouloir condam
ner les violences les macronistes
ont parfois donné l’impression de
manquer de compassion. A l’ins
tar de la réaction de la secrétaire
d’Etat chargée des affaires euro
péennes, Amélie de Montchalin.
« Je ne pense pas qu’on puisse dire
que c’est un acte politique », atelle
déclaré mercredi matin, sur Public
Sénat. Au grand dam de certains
membres de l’opposition et de la
majorité. « Quand on donne le sen
timent de passer à côté de la colère,
ce sont les plus ultras, les plus durs,
les plus violents, qui donnent le sen
timent que c’est comme ça qu’on se
fera entendre », a averti le prési
dent (exLR) des HautsdeFrance,
Xavier Bertrand, sur Europe 1.
« C’est une colère légitime, qui
s’exprime, affirme le député LRM
des DeuxSèvres, Guillaume Chi
che. Il ne faut pas nier la précarité
des étudiants, qui est réelle. Un sur
cinq vit sous le seuil de pauvreté, ce
n’est pas acceptable. » Signe de la
mobilisation de l’exécutif, Gabriel
Attal, le secrétaire d’Etat à la jeu
nesse, devait recevoir les organisa
tions étudiantes représentatives
jeudi matin, pour évoquer avec
elles la situation. Une initiative à la
demande du premier ministre.
Devant le Sénat, mercredi, le
jeune membre du gouvernement
a donné le ton. La précarité étu
diante « est une dure réalité », atil
expliqué, reconnaissant qu’il fal
lait « faire mieux connaître » les dis
positifs d’aide, parfois ignorés par
les étudiants. Mieux, Gabriel Attal
a assuré que l’exécutif allait pour
suivre ses réflexions sur l’instaura
tion d’un revenu universel d’acti
vité, réclamé par la plupart des as
sociations étudiantes. « Beaucoup
a été fait, pour autant on sait bien
que des étudiants sont en difficulté.
Nous souhaitons leur apporter une
réponse structurante, notamment
sur le logement », affirmetil.
L’exécutif tente aussi de mettre
en avant son action en matière de
lutte contre la précarité des étu
diants. « Le gouvernement a pris à
braslecorps le sujet », a assuré Si
beth Ndiaye mercredi, citant les
mesures mises en application à la
rentrée 2019 : suppression du ré
gime de sécurité sociale étudiante,
nonrevalorisation des frais d’ins
cription à l’université, augmenta
tion de 1,1 % du nombre de bourses
sur critères sociaux, ce qui repré
sente un effort budgétaire de
46 millions d’euros supplémentai
res pour 20192020... Reste à voir si
cela suffira à calmer le méconten
tement dans les universités.
alexandre lemarié
et cédric pietralunga
« Le danger, c’est
que des étudiants
rejoignent
les cortèges de
la SNCF et de la
RATP », craint un
élu macroniste
L’emploi de l’excompagne
de Collomb mis en doute
Une enquête sur de « possibles détournements
de fonds publics » avait été ouverte par le PNF
L
a chambre régionale des
comptes (CRC) Auvergne
RhôneAlpes affirme ne
« pas disposer d’éléments maté
riels » justifiant de l’emploi pen
dant près de dix ans de l’excompa
gne de Gérard Collomb comme
agent municipal, dans son rapport
consacré aux finances de la ville de
Lyon. Ces conclusions ont été ren
dues publiques mercredi 13 no
vembre dans un contexte électoral
sensible. Gérard Collomb, investi
mioctobre par La République en
marche, brigue en effet la prési
dence de la métropole lyonnaise
en 2020. Les magistrats de la CRC
avaient alerté en février le par
quet de Lyon et Gérard Collomb
sur la situation de cet agent, iden
tifiée alors comme son excompa
gne, Meriem Nouri. Le Parquet
national financier avait ouvert
une enquête sur de « possibles dé
tournements de fonds publics ».
Des perquisitions avaient été me
nées en juin au domicile de Gé
rard Collomb et à l’hôtel de ville.
« Inertie administrative »
Cette agente « a travaillé à la mis
sion Serin, à la mission Rives de
Saône. Il y a des dizaines de person
nes qui l’ont vue dans ce poste », a
affirmé le maire, qui assure n’avoir
eu « connaissance des faits qu’en fé
vrier ». Mais, selon le rapport défi
nitif de la CRC, « l’activité alléguée
par la ville de cet agent (...) durant la
période 20102015 sur des fonctions
d’accueil et d’information du public
n’a fait l’objet d’aucune traduction
administrative ». Sur la période
« de juillet 2015 à avril 2018, l’agent
n’a été affecté à aucun emploi de la
ville correspondant à son grade et à
ses fonctions effectives », poursuit
le rapport. « La chambre ne dispose
pas d’éléments matériels attestant
du service fait par cet agent de 2010
à avril 2018 », conclut la CRC.
L’adjoint délégué aux ressources
humaines, Gérard Claisse, a souli
gné que l’enquête interne com
mandée par la mairie reconnais
sait une « inertie administrative re
grettable » mais ne permettait
« pas de conclure à un emploi fictif »
ni d’« imputer » cette situation au
maire de Lyon. Au cours de leur
instruction, les magistrats de la
chambre ont constaté que dans le
logiciel des ressources humaines
de la collectivité, l’excompagne de
M. Collomb était la seule « à bénéfi
cier d’un forfait mensuel de 25 heu
res supplémentaires ». Sa rémuné
ration brute mensuelle était de
2 480 euros. M. Claisse a ajouté que
le cas de cette agente n’était « pas
un cas singulier ».
service france
Fisc : vers une surveillance
des réseaux sociaux
Les députés ont approuvé la collecte de
données pour lutter contre la fraude fiscale
C’
était l’un des sujets les
plus controversés du
projet de loi de finances
- Mercredi 13 novembre, les
députés ont adopté l’article 57, qui
va permettre aux agents du fisc et
des douanes d’« aspirer », à l’aide
d’un algorithme, les données pu
bliées sur Facebook, Twitter, Insta
gram ou encore Leboncoin, à des
fins de contrôle fiscal. Le dispositif
a suscité une levée de bouclier des
oppositions, inquiètes du respect
de la vie privée. « La voiture du
voleur va plus vite que la voiture du
gendarme » fiscal, qui doit désor
mais « utiliser les nouvelles techno
logies », a justifié le ministre des
comptes publics, Gérald Darma
nin, en défendant l’article, qui
prendra la forme d’une expéri
mentation de trois ans.
« On va établir une surveillance
globale et généralisée », a déploré
la députée (LR, Orne) Véronique
Louwagie. « L’administration a
toujours eu le droit d’utiliser les
données personnelles publiques.
Mais c’était fait par des êtres hu
mains. Aujourd’hui, il s’agit de sa
voir comment on les collecte et
avec quels moyens », a défendu le
rapporteur LRM du budget, Joël
Giraud. « Ne tombons pas dans le
fantasme : ce n’est pas parce que
vous vous faites photographier de
vant un yacht que le fisc va penser
que c’est le vôtre », précise Emilie
Cariou, député LRM de la Meuse
et porteparole de la majorité à la
commission des finances.
Fin septembre, la CNIL avait
rendu un avis sévère sur le dispo
sitif, estimant qu’il « soulève des
enjeux particuliers en matière de
protection des données ». Après
un débat animé en commission
des finances, la semaine dernière,
le gouvernement a soutenu, mer
credi, les amendements de la ma
jorité restreignant le dispositif.
Son champ sera limité à la recher
che des activités occultes, des do
miciliations fiscales frauduleu
ses, ou des trafics illicites de mar
chandises en ligne. La collecte
sera limitée aux contenus « mani
festement rendus publics ». Le trai
tement et la conservation des
données ne pourront pas être
soustraités par l’Etat et l’admi
nistration devra détruire sous
cinq jours les données sensibles
ou sans lien avec les infractions
recherchées. Les autres devront
être analysées sous trente jours.
La CNIL sera saisie du décret né
cessaire à la mise en œuvre de
l’expérimentation, et un bilan in
termédiaire sera réalisé au bout
de dixhuit mois.
« Cavalier budgétaire »
Pas de quoi calmer toutes les
inquiétudes. Philippe Latombe
(MoDem), rapporteur de l’article
pour la commission des lois – qui,
fait inédit, s’était saisie du sujet
pour avis –, a dénoncé l’ampleur
du dispositif, qui pourrait cibler
des platesformes sur lesquelles
se trouvent des données religieu
ses ou syndicales. L’opportunité
même du dispositif fait débat.
« Etaitil vraiment nécessaire?
s’interroge M. Latombe. Quand
vous décidez de frauder le fisc de
cette manière, les banques conseils
vous fournissent un kit complet
pour ne pas vous faire attraper :
changement de carte SIM... Quant
à la lutte contre le commerce illi
cite, elle fonctionne par motsclefs,
il n’y a pas besoin d’aspirer les don
nées personnelles », fait valoir le
député, qui regrette « l’absence
d’étude d’impact : on ne connaît ni
les objectifs chiffrés ni le nombre
de personnes concernées ».
M. Latombe dénonce un « cava
lier budgétaire » (article sans lien
avec la loi de finances). « Je crains
une censure sur la forme avant
même le fond » par le Conseil
constitutionnel, qui examinera
l’ensemble du projet de loi de fi
nances fin décembre. A Bercy, on
se dit « très confiants ». « Il y a un
risque que l’article soit retoqué, on
est sur un sujet très sensible »,
nuanceton dans la majorité.
audrey tonnelier
Chaque
dimanche
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Aurélie
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