Le Monde - 15.11.2019

(coco) #1

18 |économie & entreprise VENDREDI 15 NOVEMBRE 2019


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Affaire Rafale en Inde : la fin de l’histoire


La Cour suprême du pays a débouté les derniers plaignants d’un dossier à rebondissements


bombay ­ correspondance

L


e gouvernement Modi
vient de marquer un nou­
veau point dans « l’affaire
Rafale ». Et sans doute le
dernier, car tous les recours en
justice sont désormais épuisés.
Jeudi 14 novembre, en fin de mati­
née, la Cour suprême indienne a
débouté les ultimes plaignants,
parmi lesquels deux anciennes
figures du parti actuellement au
pouvoir (BJP) ayant appartenu au
gouvernement Vajpayee (1998­
2004), Yashwant Sinha (ministre
des finances) et Arun Shourie (mi­
nistre des technologies de l’infor­
mation), qui reprochaient à la
plus haute juridiction du pays
d’avoir omis des faits importants
lors du rendu d’une première dé­
cision, en décembre 2018.
La Cour a estimé que les argu­
ments des plaignants « man­
quaient de valeur » et a considéré
qu’il n’était « pas nécessaire »
d’ouvrir une nouvelle enquête,

comme il le lui était demandé. Le
BJP s’est aussitôt félicité de cette
issue par la voix de l’un de ses por­
te­parole, Shahnawaz Hussain, se­
lon qui « la vérité a triomphé », et
par celle de son secrétaire général,
Ram Madhav, qui a déclaré sur
Twitter que ce verdict est d’autant
plus « important » qu’il « met en
lumière l’irresponsabilité de plu­
sieurs personnalités éminentes ».
Une allusion à Rahul Gandhi,
principale figure de l’opposition
qui, durant la campagne électo­
rale des législatives, au printemps
2019, avait accusé le premier mi­
nistre, Narendra Modi, d’avoir
« volé » le contribuable indien, en
achetant les Rafale à un prix uni­
taire beaucoup plus élevé, d’après
lui, que celui envisagé au départ,
sous la précédente majorité
(197 millions d’euros par avion, au
lieu de 61 millions).
La Cour suprême, qui se garde
bien de prendre position sur la
question du prix des avions de
combat depuis le début de cette

7,879 milliards d’euros, avait
pourtant fait froncer les sourcils
dans le sous­continent.
La Cour suprême avait, en effet,
commis plusieurs erreurs trou­
blantes dans son premier juge­
ment. Elle avait notamment en­
tretenu la confusion entre Anil
Ambani, le milliardaire dont l’en­
treprise Reliance doit bénéficier
d’une grande partie des « offsets »,
ces investissements que Dassault
Aviation s’est engagé à réaliser en
Inde en contrepartie du contrat
Rafale (3,9 milliards d’euros au to­
tal), et son frère Mukesh Ambani,
dont l’entreprise, dénommée Re­
liance Industries Limited, inter­
vient dans la pétrochimie et les té­
lécommunications.
La Cour suprême avait égale­
ment, dans son premier juge­
ment, mentionné un rapport du
Comptroller and Auditor General
(l’équivalent indien de la Cour
des comptes) validant le contrat
Rafale, alors que ce rapport, pas
encore terminé à l’époque, ne
sera publié que deux mois plus
tard, en février 2019. Ce docu­
ment sera du reste lui aussi con­

troversé, son auteur, Rajiv Me­
hrishi, se trouvant en situation
de conflit d’intérêts pour avoir,
d’octobre 2014 à août 2015, oc­
cupé le plus haut poste de haut
fonctionnaire au ministère des fi­
nances, au moment précis où le
gouvernement indien échafau­
dait la nouvelle version du con­
trat Rafale, dont le principe fut
annoncé par M. Modi lors d’une
visite à l’Elysée, en avril 2015.
De février à avril 2019, le quoti­
dien The Hindu a alimenté la polé­
mique en publiant toute une sé­
rie de documents confidentiels
émanant du ministère indien de
la défense, qui faisaient état du
malaise au sein de l’administra­
tion indienne durant les négocia­
tions avec Paris. Au sein de
l’équipe chargée du dossier, qui
était alors dirigée par le maréchal
Rakesh Kumar Singh Bhadauria,
nommé le 30 septembre à la tête
de l’armée de l’air en remercie­
ment de ses bons offices, certai­
nes voix s’étaient par exemple
élevées pour dénoncer l’absence
de garanties bancaires de la part
de la France, ce qui aurait renchéri
le prix des Rafale de 246 millions
d’euros, d’après The Hindu.
D’autres s’étaient émus du re­
trait in extremis des « clauses
anticorruption » traditionnelle­
ment incluses dans ce type de
contrat, sur décision du ministre
de la défense de l’époque, Mano­
har Parrikar (décédé en mars
2019), et de son homologue fran­
çais, Jean­Yves Le Drian. Jeudi
14 novembre, la Cour suprême a
balayé ces arguments.
guillaume delacroix

La plus haute
juridiction
indienne s’est
bien gardée de
prendre position
sur la question
du prix des
avions de combat

affaire, a expliqué que celui qui
présidait alors le Parti du Con­
grès « n’avait même pas lu » le
jugement de décembre 2018
avant de faire de telles déclara­
tions, et qu’il « devrait être plus
prudent à l’avenir ».

De troublantes erreurs
Il y aura bientôt un an, les plus
hauts magistrats du pays avaient
blanchi le gouvernement Modi de
toute malversation. Ils avaient va­
lidé la procédure exceptionnelle
de négociation « de gouverne­
ment à gouvernement » ayant
conduit, en septembre 2016, à
faire acheter par l’armée de l’air
indienne 36 Rafale au groupe Das­
sault Aviation en les faisant fabri­
quer en totalité en France, plutôt
que de relancer l’appel d’offres in­
ternational qui portait aupara­
vant sur 126 appareils, dont la plu­
part – 108 – devaient être assem­
blées en Inde, pour soutenir l’in­
dustrie locale. Cette validation du
contrat, dont le montant s’élève à

CO N J O N C T U R E
La croissance japonaise
à la peine
Le PIB du Japon a augmenté
de 0,1 % au troisième trimes­
tre, selon des données préli­
minaires publiées, jeudi
14 novembre, par le gouverne­
ment. Le chiffre est inférieur
aux attentes des économistes
et marque une nouvelle décé­
lération de la croissance,
après + 0,4 % au deuxième
trimestre (chiffre révisé en
hausse jeudi) et + 0,5 % de jan­
vier à fin mars. – (AFP.)

É N E R G I E
Les réacteurs de Cruas
vont redémarrer
début décembre
EDF a annoncé, jeudi 14 no­
vembre, prévoir un redémar­
rage progressif des réacteurs
de la centrale nucléaire de
Cruas (Ardèche), arrêtée pour
des contrôles à la suite d’un
séisme dans la région, durant
la première quinzaine du
mois de décembre. Cela con­
duit l’électricien à revoir à la
baisse sa perspective de pro­
duction nucléaire pour l’an­
née, entre 384 et 388 térawat­
theures (TWh), contre environ
390 TWh précédemment et
395 TWh initialement. – (AFP.)

Les banques peuvent­elles dispa­
raître? Elles semblent encore loin
de ce scénario apocalyptique,
mais elles sentent désormais
dans leur cou le souffle des
géants du numérique. Mercredi
13 novembre, le Wall Street Jour­
nal révélait que Google allait se
lancer dans les comptes bancaires
en 2020. La veille, Facebook avait
présenté son système de paie­
ment unifié permettant de faire
des achats sur Instagram ou Face­
book et d’envoyer de l’argent sur
Messenger. Trois mois plus tôt,
en août, c’était Apple qui dévoilait
sa propre carte de crédit. Et Ama­
zon enfin devrait rapidement en­
trer dans la danse en offrant éga­
lement des services financiers.
Bien sûr, ces derniers n’envisa­
gent pas de remplacer les ban­
ques du jour au lendemain. La
main sur le cœur, ils jurent que
leurs intentions sont amicales et
coopératives. D’ailleurs, la plu­
part de ces offres s’appuient sur
des réseaux bancaires classiques.
Google s’associe avec Citigroup
et une petite banque coopérative
de la Silicon Valley, Apple avec
Goldman Sachs. Mais la pression
monte dans les salons feutrés
des grandes institutions finan­
cières de la place, avec cette ques­
tion lancinante : les GAFA (Goo­
gle, Apple, Facebook et Amazon)
peuvent­ils prendre notre place?
Pour l’instant, non. La régle­
mentation bancaire qui corsète
les acteurs financiers pour éviter
les crises du type de celle de 2008,
interdit aux acteurs non autorisés
de pratiquer ce métier. Au cœur
des économies modernes, puis­
qu’elles fournissent le carburant
de l’investissement et de la con­
sommation, le crédit, elles sont
trop importantes pour faire

faillite. Bénéficiant de la garantie
de l’Etat, elles ont troqué, comme
au temps féodal, leur liberté con­
tre la protection et ne s’éloignent
jamais trop du pouvoir.
De plus, les GAFA sont mainte­
nant clairement dans le viseur
des autorités politiques. Sitôt dé­
voilé, le projet de comptes ban­
caires Google suscite les interro­
gations sur la réaction du Con­
grès américain. Celui­ci se penche
déjà très activement sur Face­
book et ses divers projets dont sa
monnaie, le libra. La préoccupa­
tion n’est pas tant financière que
sur le respect de la vie privée.

Relais de croissance
Cela n’arrêtera pas l’élan des bar­
bares californiens. Ils voient dans
la finance une brique essentielle
de leur activité future. D’abord
parce qu’elle est un puissant relais
de croissance, notamment s’ils se
lancent dans le crédit. Et ensuite
parce que c’est une source de
données incomparable pour se
déployer dans d’autres services et
enfermer ses clients dans un éco­
système unique, leur proposant
des offres toujours plus adaptées
à leur cas personnel. Selon une
étude de McKinsey, Google vise­
rait les 100 millions de posses­
seurs de son porte­monnaie élec­
tronique en 2020 et celui d’Apple
dépasserait les 200 millions.
Le numérique à permis dans
un premier temps aux banques
d’accroître spectaculairement
leurs activités non régulées et
d’engranger des profits considé­
rables, mais il est désormais en
train de les déshabiller de leurs
métiers les plus essentiels, le dé­
pôt, le paiement et le crédit. Seul
l’Etat les protège encore du tsu­
nami. Ce ne sera pas éternel.

PERTES & PROFITS|GOOGLE
p a r p h i l i p p e e s c a n d e

« Big tech »


contre « big banks »


LE SALON DES GRANDES ÉCOLES


16 & 17 NOVEMBRE 2019


10h - 18hENTRÉE GRATUITE


INFOS & INSCRIPTIONS :SALON-GRANDES-ECOLES.COM


LES CONFÉRENCES
animées par des journalistes duMonde

SAMEDI 16 NOVEMBRE 2019


10h15Grandes écoles, mode d’emploi

11h15Partir après le bac :
avantages et inconvénients

12h15Ecoles decommerce : bachelor ou master?

13h15Bien vivre en grande école -
vaincre lestress et la pression

14h15Ecoles d’ingénieurs : post-bac,
post-prépa, post-DUT, post-licence?

15h15Admissions parallèles :
plan A ou plan B?

16h15Parcoursup

10h15Qu’apprend-on dans une école
de commerce?

11h15A quoi mènent les SciencesPo?

12h15Grandes écoles mode d’emploi

13h15Ecoles d’ingénieurs :
comment se préparer etréussir lesconcours

14h15Ecoles decommerce : bachelor ou master?

15h15Partir après le bac :
où, pourquoi,comment, à quel prix?

16h15Ecoles d’ingénieurs :
post-bac, post-prépa, post-DUT,
post-licence?

17h15Les grandes écoles decommerce
préparent-elles àrépondre
au défi écologique?

DIMANCHE 17 NOVEMBRE 2019


ET AUSSI DES ESPACES DÉDIÉS À :
•DES SÉANCES DECOACHING PERSONNALISÉES
•DES PRISES DEPAROLEPAR LES REPRÉSENTANTS D’ÉCOLES, DECONCOURS, ...

PARVIS DE LA DÉFENSE - 92044 PARIS LA DÉFENSE
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