Le Monde - 15.11.2019

(coco) #1

0123
VENDREDI 15 NOVEMBRE 2019


styles

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Notre journaliste a organisé
son voyage avec l’aide
de l’office du tourisme du
Cotentin.

Y A L L E R
La gare de Cherbourg est la
porte d’entrée parfaite pour
ce séjour, depuis Paris
Saint­Lazare, mais le Coten­
tin est accessible aussi par
Granville depuis Paris
Montparnasse 3­Vaugirard.
Oui. sncf

S E L O G E R
La Laiterie, à Tocqueville,
est une maison d’hôte
pleine de charme égale­
ment équipée de gîtes.
Chambre double à partir de
69 €. Réservations : 02­14­
14­42­21 ou 06­72­71­67­62.
Laiterie­tocqueville.com
L’hôtel 3 étoiles Le Lande­
mer, à Urville­Nacqueville,
offre une vue sur la mer que
certains palaces n’ont pas :
une splendeur. Chambre
double à partir de 95 €.
Le­landemer.com
L’Hôtel La Marine, avec son
restaurant étoilé, est
l’adresse chic de Barneville­
Carteret. Chambre double
vue sur mer à partir de
180 €. Réservations : 02­33­
53­83­31. Hotelmarine.com

D É J E U N E R , D Î N E R
Le Pily est l’adresse gastro­
nomique de Cherbourg,
doté d’une étoile Michelin.
Réservations :
02­33­10­19­29.
Restaurant­le­pily.com
Le Moulin à Vent, à Saint­
Germain­des­Vaux, propose
une cuisine normande et de
la mer. Réservations :
02­33­52­75­20.
Le­moulin­a­vent.fr

C A R N E T
D E R O U T E

Saint-Vaast-la-Hougue

Omonville-la-Petite

Vauville

Gatteville-
le-Phare

Carteret

Ile de Tatihou

Jersey

Guernesey
Sercq
COTENTIN

Manche

Cherbourg

Cherbourg

10 km

VOYAGE
cherbourg, saint­vaast­
la­hougue (manche)

L


a gare a changé, mais on
reconnaît sous un auvent
moderne le quai rendu cé­
lèbre par le film de Jac­
ques Demy, Les Parapluies de Cher­
bourg. C’est de là que Catherine
Deneuve, les yeux plein de lar­
mes, voyait partir pour toujours
l’homme qu’elle aimait. Exemple
de merchandising à retardement,
une marque de parapluies Le Véri­
table Cherbourg existe depuis
1986, alors que la boutique qui
donnait son titre au film était une
pure fiction. La manufacture, ins­
tallée sur le port, se visite : on peut
observer toutes les étapes de la fa­
brication, découvrir des exem­
plaires d’exception dans un petit
musée et admirer des modèles fi­
nis avec leur poignée en charme,
jonc ou bambou. L’achat d’un pé­
broque est facultatif, mais en
avoir un est souvent une bonne
idée dans ce coin de France défa­
vorablement connu des bulletins
météo... Pour les cinéphiles, un
parcours « Sur les pas de Jacques
Demy » conduit le promeneur sur
les lieux du tournage de la Palme
d’or 1964 : le théâtre, le manège, la
basilique Sainte­Trinité ou encore
la cour Marie.
Côté mer, Cherbourg tient
vaillamment son statut de figure
de proue de la péninsule du Coten­
tin. Ville de marins et de militaires,
elle se targue d’être la plus grande
rade artificielle d’Europe. Sa splen­
dide gare maritime transatlanti­
que, construite dans les années
1930, était la porte d’entrée de l’Eu­
rope des stars d’Hollywood qui
voyageaient sur les bateaux de la
Cunard avant l’avènement de
l’avion, mais aussi des migrants
qui passaient ici la douane à la re­
cherche d’une vie meilleure. Elle
était vouée à la démolition, mais
l’installation dans ses murs de La
Cité de la mer, en 2002, l’a sauvée.
Devenu la principale attraction de
la ville, ce parc ludique et scientifi­
que propose un nouveau parcours
intitulé « L’océan du futur » qui
permet de comprendre les enjeux,
parfois dramatiques, liés à la sau­
vegarde de la vie marine.
Comme les passagers français
du Titanic ont embarqué à Cher­
bourg en 1912, le souvenir du lé­
gendaire transatlantique est
l’autre temps fort de la visite. Der­
nier atout et non des moindres, Le
Redoutable. Premier sous­marin
nucléaire français, construit à
Cherbourg dans les années 1960
et désarmé en 1991, il dévoile
aujourd’hui sa carcasse grise au
grand air et ouvre ses entrailles
étriquées aux visiteurs. Le salon
Knoll des officiers ou les cabines
de moins de 10 m^2 dans lesquelles
dormaient 12 marins dans des
couchettes superposées par 3, en­
tre coque et coursive, en disent
long sur la vie à bord.
Depuis l’été, la grande cité por­
tuaire a trouvé un sérieux concur­
rent avec le tout petit port de pê­
che de Saint­Vaast­la­Hougue, fraî­
chement auréolé du titre de « vil­
lage préféré des Français ». On y
vient pour déguster des huîtres
face à la mer, à la bonne fran­
quette, simplement accompagnée
d’un verre de blanc. Fines ou spé­
ciales, les saint­vaast sont produi­
tes sur la côte nord­est du Cotentin
depuis des générations. Face à
Saint­Vaast, le nom de la minus­

cule île Tatihou fleure bon les anti­
podes. Mais le dépaysement vient
d’abord du bateau amphibie à
bord duquel on embarque pour la
rejoindre. Gros pépère roulant sur
le sable à marée basse le long des
parcs à huîtres, l’engin fend les va­
gues quand la mer monte!
Réserve ornithologique, dotée
de fortifications et d’une tour Vau­
ban classée au patrimoine mon­
dial par l’Unesco, Tatihou offre
une magnifique balade dans le
vent. Un petit musée rappelle que
des navires de la flotte royale som­

brèrent ici lors de la bataille de La
Hougue en 1692, mais aussi le
passé touchant de centre de réédu­
cation ou de colonie de vacances
de ce confetti à la fois splendide et
assez inhospitalier.

La douceur du Gulf Stream
Si Cherbourg est liée à l’œuvre du
jeune Jacques Demy, le village
d’Omonville­la­Petite garde la mé­
moire de la fin de la vie de Jacques
Prévert. Accrochée à l’ombre d’un
petit jardin sur les hauteurs qui
dominent la côte au niveau du mi­
croscopique port Racine, la mai­
son du poète des « feuilles mortes
[qui] se ramassent à la pelle » est un
havre de paix. On y trouve des sou­
venirs de sa vie et chaque année
une exposition revient sur un as­
pect de l’œuvre engagée et protéi­
forme de cet amoureux tardif
mais passionné du Cotentin. Au ci­
metière, Jacques Prévert dort pour
l’éternité à côté de son ami et com­
père de cinéma, l’immense déco­
rateur Alexandre Trauner.
D’Omonville il faut rouler 15 km
plein sud pour rejoindre un des

plus beaux lieux du Cotentin, de
l’autre côté de la pointe de la Ha­
gue, le Jardin botanique de Vau­
ville. Plantés face au vent, le jardin
et son château sont nichés en re­
trait d’une longue plage entière­
ment tournée vers l’ouest. Créé par
un parfumeur voyageur en 1948,
le lieu a trouvé un nouvel élan
en 2017 quand Eric Pellerin – petit­
fils du fondateur – et son mari
Guillaume de Lestrange ont repris
son destin en main. Arbres remar­
quables du Chili ou de Grèce, pa­
vots du Mexique ou « plante qui
sent à 1 000 lieues » venue de Co­
rée, sauges de Jérusalem ou colos­
sales gunnères du Brésil, Vauville
profite de la douceur du Gulf
Stream typique du nord Cotentin
pour acclimater des végétaux ve­
nus de tous les continents. C’est
une étape indispensable à la belle
saison, particulièrement début
juin et en septembre.
Toujours sur ce bord occidental
de la péninsule, mais 50 km plus
au sud, Carteret possède à la fois
une très belle plage de sable blanc


  • la plage de la Potinière – et un des


cotentin, la presqu’île


de beauté


Des souvenirs des « Parapluies » à Cherbourg aux longues


langues de sable fin de Barneville­Carteret, la péninsule


normande se découvre sous la pluie comme sous le soleil


phares les plus triomphants des
côtes françaises. Que serait la Man­
che sans ses phares, neuf en tout
d’est en ouest depuis Gatteville jus­
qu’à Granville? A Gatteville, il y a
autant de marches pour monter au
sommet du phare que de jours
dans l’année. Ce géant de granit
culmine à 75 mètres et embrasse
un paysage sublime qui récom­
pense largement les efforts con­
sentis. A Carteret, au contraire,
c’est la falaise qui fait tout le bou­
lot, puisque les 18 petits mètres de
haut du phare l’élèvent néanmoins
à 84 mètres au­dessus de la mer. Il
n’y a plus de gardien depuis 2012,
mais un petit musée qui raconte la
vie quotidienne des anciens maî­
tres des lieux à travers des images
et des correspondances parfois co­
casses. La vue vers le large, avec
Sercq juste devant Guernesey,
éblouit autant que les deux lon­
gues langues de sable qui filent
droit sur la côte vers le nord et vers
le sud. Un paysage à la fois doux et
rugueux, comme ces confins de la
Normandie.
thomas doustaly

RÉSERVE ORNITHOLOGIQUE, 


DOTÉE DE FORTIFICATIONS 


ET D’UNE TOUR VAUBAN 


CLASSÉE AU PATRIMOINE 


MONDIAL PAR L’UNESCO, 


L’ÎLE DE TATIHOU OFFRE


UNE MAGNIFIQUE BALADE 


DANS LE VENT


De gauche
à droite :
Le Jardin
botanique de
Vauville et ses
végétaux venus
de tous les con­
tinents, la très
belle plage de
la Potinière
à Barneville­
Carteret
et le phare
de Gatteville
qui culmine à
75 m de haut.
LAURENT GARNIER/SAIF
IMAGES, YANNICK LE GAL/
ONLYFRANCE.FR, MARC LE-
ROUGE/AYMERIC_PICOT


A Saint­Vaast­la­Hougue, fraîchement auréolé du titre de « village préféré des Français ». ESTELLE HAMEL
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