Le Monde - 23.10.2019

(C. Jardin) #1

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RENDEZ-VOUS
LE MONDE·SCIENCE & MÉDECINE
MERCREDI 23 OCTOBRE 2019

DES TRILOBITES
À LA QUEUE LEU LEU

S’interrogeant sur l’origine des
comportements collectifs chez
les animaux, des chercheurs,
emmenés par Jean Vannier,
du Laboratoire de géologie
de Lyon, ont analysé des grou-
pements linéaires d’Ampyx
priscus, des trilobites vieux
de 480 millions d’années,
dont on trouve des fossiles au
Maroc. Dans une étude publiée
le 17 octobre par la revue
Scientific Reports, ils montrent
que ces arthropodes marins
étaient tous, à leur mort, orien-
tés dans la même direction et
formaient des files en mainte-
nant entre eux des contacts
étroits grâce à leurs longues
épines. Pour les scientifiques,
ces alignements ne sont pas
dus au hasard : les Ampyx ont
probablement été ensevelis
dans cette position lors
de tempêtes. Ces processions
de trilobites pourraient être
une réponse à des perturba-
tions environnementales
cycliques, comme des tempê-
tes, ou à des signaux chimiques
liés à la reproduction. Ce
résultat indiquerait que les
comportements collectifs ont
une origine très ancienne.
(PHOTO : JEAN VANNIER)

E. BUSSER, G. COHEN ET J.L. LEGRAND © POLE 2019 [email protected]

Des goûts et des couleurs


Toujours dans leur période « pavage », Alice et Bob veulent acheter pour leur séjour rectangulaire de 5 m sur 4 m des
petits carreaux de différentes couleurs, mais tous de la même taille : 10 cm sur 10. Dans un premier temps, Bob
souhaite que toute zone rectangulaire de 2 carreaux sur 4 (ou 4 sur 2) contienne huit carreaux de couleurs différentes.


  1. Combien de couleurs différentes de carreaux, au moins, sont nécessaires pour que cette condition soit vérifiée?
    Alice pense qu’il suffit que toute zone rectangulaire de 2 carreaux sur 3 (ou 3 sur 2) contienne six carreaux de couleurs
    différentes.

  2. De combien de couleurs différentes, au moins, doivent être alors les carreaux à acheter?
    Bob insiste. Il souhaite maintenant que toute zone rectangulaire de 3 carreaux sur 4 (ou 4 sur 3) contienne douze
    carreaux de couleurs différentes.

  3. Dans ce cas, combien de couleurs différentes, au moins, devraient avoir les carreaux achetés?


Solution du problème 1116



  1. Il y a 88 façons de paver un rectangle de 3 unités sur
    13 avec des triminos.
    On appelle A(N) le nombre de façons de paver un
    rectangle de N unités sur 3 avec des triminos.
    Pour paver un tel rectangle, deux cas sont possibles :



  • le trimino le plus à gauche est vertical ; il reste un rec-
    tangle de (N – 1) sur 3, qu’on peut paver de A(N – 1) façons ;

  • un trimino calé à gauche est horizontal ; deux autres tri-
    minos horizontaux doivent être calés à gauche ; il reste un
    rectangle de (N – 3) sur 3, qu’on peut paver de A(N – 3) façons.
    Total : A(N) = A(N – 1) + A(N – 3).
    Les valeurs successives de A(N) sont donc, à partir de 1 :
    1, 1, 2, 3, 4, 6, 9, 13, 19, 28, 41, 60, 88.



  1. Il y a 7744 façons de paver un rectangle de 2 unités sur
    13 avec des monominos et des triminos.
    On commence par remarquer que le pavage d’un rec-
    tangle de 13 unités sur 3 avec des triminos entraîne un
    pavage identique de chacune des trois lignes du rectangle
    avec des triminos et des monominos. Réciproquement,
    à tout pavage d’un rectangle de 13 unités sur 1 avec des
    monominos et des triminos, on peut associer un pavage
    du rectangle 13 sur 3 avec des triminos.
    Il y a donc 88 façons de paver un rectangle de 13 unités
    sur 1 avec des triminos et des monominos.
    Pour un rectangle de 13 unités sur 2, le pavage de chacune
    des deux lignes avec des triminos et des monominos est
    indépendant. Le nombre de pavages des deux lignes est
    donc le carré du nombre de pavages d’une ligne, soit
    882 = 7744.


ÉQUATION DES ARTS LES 29/10 ET
30/10 À BEAUMONT-DE-LOMAGNE
La Maison de Fermat organise cet automne
des rencontres « Mathématiques et arts »,
où se mêleront expression musicale et cor-
porelle, histoire et mathématiques.
Parmi ces animations « Percussions corpo-
relles et danses percussives », avec l’artiste
Leela Petronio, proposera une forme d’ex-
pression dynamique approchant la danse.
« Découverte de la fabuleuse histoire des
notes de musique », avec le musicien André
Calvet et l’association Fermat-Science, pré-
sentera les découvertes du mathématicien
grec Pythagore, sa gamme et les instru-
ments qu’il a lui-même créés, allant jusqu’à
la fabrication de l’un de ces instruments.
Inscriptions sur http://www.fermat-sciences.com

LA CRYPTOLOGIE DÉCRYPTÉE
À PARIS LE 26/11
Le musée scientifique de l’Est parisien (Cité
des sciences et de l’industrie) propose le
mardi 26/11 à 19h une conférence sur la
science des codes secrets, où Céline Pierrot,
mathématicienne et informaticienne
(INRIA, Nancy), montrera comment la cryp-
tologie, qui n’a cessé d’influer sur le cours
de l’histoire, du code de Jules César au
déchiffrement de la machine Enigma pen-
dant la seconde guerre mondiale, s’est impo-
sée dans notre quotidien. « Quels sont les
grands principes de cette science? Ses fon-
dements résisteront-ils à l’ordinateur de
demain? » sont parmi les grandes questions
évoquées lors de cette conférence.
Informations sur http://www.cite-sciences.fr

LA « REGULA FALSI » AU KAFEMATH
À PARIS LE 28/11
Lors du café mathématique qui se tiendra
à 20 h à La Coulée Douce (51, rue du Sahel),
François Lavallou évoquera la « Regula
falsi » ou « Méthode de fausse position ».
Cette ancienne technique de résolution
d’une équation à une inconnue peut être
encore d’actualité : il s’agit d’utiliser une
fausse valeur pour trouver la vraie, sans
employer le calcul algébrique. Les exemples
historiques ne manquent pas, des mathé-
matiques babyloniennes aux énoncés
égyptiens, du papyrus Rhind aux tech-
niques d’analyse numérique d’aujourd’hui,
en passant par les textes de la Renaissance
ou les traités mathématiques chinois.
Informations sur http://www.kafemath.fr

N° 1117

U N I C E L L U L A I R E
Le blob au zoo de Vincennes
Pour fêter le 5e anniversaire de sa réouver­
ture au public, le Parc zoologique de Paris
accueille une nouvelle espèce : le blob. Phy­
sarum polycephalum n’est pourtant pas un
animal. Mais, comme ce n’est pas un végétal
non plus et pas davantage un champignon,
le zoo de Vincennes a décidé de lui donner
asile. Et même de lui offrir un hébergement
de choix, au cœur du vivarium européen,
avec mur multimédia interactif, vidéos, par­
cours pour enfants. Nutrition, déplacement,
apprentissage : tout ce que voulez savoir
sur cet unicellulaire hors du commun est
à portée de main. Jusqu’au 3 novembre.

LE LIVRE


Les bizarreries d’un 


monde quantique


Pédagogue et critique,


le physicien Lee Smolin


fait part de sa perplexité


devant la vision actuelle


de la mécanique quantique


L


e physicien Lee Smolin est connu pour
ses travaux visant à résoudre l’un des
grands mystères de la science, réconci­
lier l’infiniment grand, décrit par la relativité
générale, et l’infiniment petit, décrit par la
mécanique quantique. Sa notoriété vient
aussi d’un de ses précédents livres, presque
pamphlétaire, Rien ne va plus en physique!
(Dunod, 2007). En même temps qu’il y parlait
de physique, il se montrait aussi sociologue
en critiquant le courant dominant dans sa
discipline, la théorie des cordes. Il y dénonçait
la mainmise de ses partisans sur les postes
académiques, les conférences et les esprits, ce
qui étouffe les alternatives. Pis, il accusait ses
collègues de développer une conception de
la science à rebours de son histoire, car ces
théories devenaient impossibles à tester. La
charge était violente mais bien argumentée.
Son dernier livre renoue avec ce mélange de
pédagogie et de critique sur le sujet de la mé­
canique quantique elle­même. Car si cette
théorie d’une redoutable efficacité a donné
naissance au laser, au transistor, au disque
dur..., certaines de ses propriétés laissent per­
plexe. On les résume souvent en disant que
les particules sont à la fois des ondes et des
objets matériels. Qu’elles peuvent passer par
deux endroits à la fois. Ou être dans des états
paradoxaux, comme le serait un chat, mort
ou vivant. Ou encore que des interactions ins­
tantanées et très éloignées existent...

Einstein et d’autres
Lee Smolin, dans ses premiers chapitres très
vulgarisés, revient sur ces bizarreries, bapti­
sées superposition, intrication, dualité...
Puis il expose ce qui le dérange dans la vision
actuelle de la physique quantique et qui dé­
rangeait déjà Einstein ou d’autres. La théorie
rejetterait l’idée que les atomes, photons, etc.
sont réels car ce qui compte est la connais­
sance que nous en avons, grâce aux mesures
expérimentales, et non ce qui existe avant
ces observations. Comme si la Lune ne tour­
nait autour de la Terre que parce qu’on la
regarde. Le sujet tient donc autant de la phi­
losophie que de la physique.
Or l’auteur n’est pas prêt à abandonner le
réalisme qui a toujours sous­tendu la science.
Pour cela, il estime être en marge du courant
dominant, qualifié d’antiréaliste. Son exposé
des différentes interprétations en présence
reste accessible, malgré la difficulté inhérente
à l’objet. Le lecteur y apprendra que diverses
voies existent dans le courant majoritaire et
que les marginaux ont aussi des idées à faire
valoir, dont certaines défendues par Louis de
Broglie (Prix Nobel en 1929) ou Einstein. Sur­
tout, Lee Smolin insiste pour tester expéri­
mentalement les diverses hypothèses.
Les derniers chapitres corsent néanmoins
singulièrement l’histoire puisque l’auteur
tente de repartir d’une page blanche en
posant des principes et des idées qui pour­
raient déclencher une nouvelle révolution.
L’intention est stimulante, mais la tâche est
ardue, tout comme la lecture.
d. l.

La Révolution inachevée d’Einstein,
de Lee Smolin (Dunod, 305 pages, 24,90 €).

L’AGENDA


DIX MILLE PAS ET PLUS


QUAND LE SPORT NUIT AU CERVEAU


Par PASCALE  SANTI


L


e sujet des commotions cérébrales revient
sans cesse sur le devant de la scène sportive, et
souvent tragiquement. Le jeune boxeur amé­
ricain Patrick Day est décédé à la suite d’un violent
KO, samedi 12 octobre. L’ouvreur gallois Dan Biggar a
été autorisé à jouer dimanche 20 octobre, malgré
deux commotions subies lors de la Coupe du monde
de rugby, au Japon.
Une étude, publiée le 16 octobre dans l’édition en
ligne de Neurology, révèle que le cerveau d’un athlète
qui a subi une commotion cérébrale pourrait ne pas
être totalement rétabli un an après son retour sur le
terrain. L’étude a été menée sur 24 athlètes universi­
taires, hommes et femmes également répartis, ayant
subi une commotion cérébrale, et 122 sans commo­
tion, dans différents sports.
Le cerveau des athlètes a été scruté par IRM quatre
jours après le choc, lors du retour au jeu, et un an
après. En le comparant à ceux qui n’ont pas subi ces
blessures, les travaux montrent des traces de lé­
sions dans certaines parties du cerveau chez les
sportifs ayant été commotionnés, lorsqu’ils re­
jouent et une année plus tard. De même, leur flux
sanguin dans le cerveau est plus faible. En revanche,
les mesures de connectivité du cerveau étaient

revenues à la normale. La question est de savoir si
ces lésions guérissent ou non.
« Il est de plus en plus évident que la guérison d’une
commotion cérébrale peut ne pas être complète, même
lorsque les symptômes tels que maux de tête et verti­
ges ont disparu et que l’athlète est autorisé à retourner
au jeu. Il est donc important de déterminer si divers as­
pects de la lésion cérébrale disparaissent avec le temps,
ou sont peut­être permanents », signale l’auteur de
l’étude, Nathan W. Churchill, du St Michael’s Hospital
de Toronto, au Canada.
« Cette étude est intéressante car elle montre que,
selon certains critères, notamment d’imagerie céré­
brale, il existe après un an des stigmates persistants
de commotion », souligne Jean­François Chermann,
neurologue référent pour le Stade français, le Ra­
cing 92, le PSG, et co­expert de la Fédération fran­
çaise de rugby. « Il faut être réaliste et respecter cer­
taines règles : d’abord, ne jamais laisser un joueur
commotionné sur le terrain, ne pas laisser reprendre
un joueur qui souffre encore de sa commotion avec
des signes comme des maux de tête, une fatigue... »,
poursuit le spécialiste.
La question des risques à long terme des commo­
tions est de plus en plus prise en compte par les fédé­
rations sportives. Au sein du Top 14, depuis 2013, un
neurologue voit le joueur concerné quarante­huit

heures après le choc. « L’intensité et la durée du syn­
drome post­commotionnel déterminent la gravité du
pronostic à court, voire à moyen terme », écrit Jean­
François Chermann dans un article publié dans le
Journal de réadaptation médicale, en 2014.
Dans le rugby, les mentalités changent. « Il existe une
véritable prise de conscience. Il est de moins en moins
compliqué d’empêcher un joueur de reprendre trop
tôt », constate le neurologue, qui a créé en 2011 une
consultation « commotions et sport ». Il a reçu pas
moins de 1 040 patients ces quatre dernières années.
Selon lui, en ce qui concerne le rugby, « jeune sport
professionnel [depuis 1995], on en saura plus dans
vingt ans en suivant les joueurs victimes de commo­
tions, afin de savoir si le nombre de ces accidents, leur
répétition dans un temps rapproché, la durée des syn­
dromes post­commotionnels, certains critères comme
l’amnésie, la perte de connaissance favorisent le déve­
loppement d’une maladie neurodégénérative ».
Il est, en tout cas, primordial de prendre ces ris­
ques en compte. Certains n’hésitent pas à parler
d’« épidémie », d’autant plus qu’en termes de santé
publique, il faut considérer le nombre de prati­
quants par sport. Le football compte 2 millions de
licenciés, la boxe anglaise 10 000. Et comme, pour
les moins de 20 ans, le cerveau est bien plus fragile,
il faut être encore plus vigilant.

AFFAIRE DE LOGIQUE - N° 1117


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